Désastres parallèles

Désastres parallèles

Il ne pouvait pas garder ça pour lui. Ayant bien installé ce couple confident en face de lui, engoncés dans leur fauteuil, café fumant en main, il se libéra de sa révélation.

Les deux dramaturgies, israélienne et française, se révélaient jumelles de façon totalement paradoxale. La similitude dans leur processus et dans leurs hommes se montrait à la fois aveuglante et éclairante.

Maintenant, bien lancé dans sa démonstration, ne laissant pas de répit à ses deux témoins, Jonathan embraya : ‘’les deux communautés d’abord.’’

 

Sur le plan des principes et de la morale politique, en France, sous l’effet des démarches opposées, stratégique ou pas de leur leader historique, les deux forces politiques effectives se retrouvent ‘’si j’ose dire, à fronts inversés’’. La Gauche devient le camp de l’extrémisme idéologique,  de la sociale démagogie et du radicalisme racial. Au déni de sa traditionnelle position  de porteur des vertus des ‘’Lumières’’. La Droite s’infiltre sans scrupule inutile dans ce territoire délaissé, mettant sagement sous éteignoir sa vocation d’exclusion originelle.

En Israël, le courageux petit nouveau pays, immergé au milieu d’un Moyen-Orient  écrasant et hostile, défenseur des valeurs occidentales, symbole d’un peuple renaissant des cendres d’Auschwitz, devient  soudainement le paria du monde, oubliant la morale du monde,   réouvrant  grande la porte entrebâillée de l’antisémitisme. Face à lui, le petit mouvement terroriste Hamas, nez caché de la fatwa iranienne et de la haine messianique mortelle des Frères Musulmans, soigneusement  cultivé souterrainement par  un Sinwar beaucoup plus ‘’sioux’’ qu’il n’apparaisse, devient grand. Grand et fort. Tirant sa force d’une inhumanité absolue, démontrée dans l’horreur du 7 octobre, mais vite oubliée par un monde placé inexorablement sous tension émotionnelle générée par la guerre de Gaza.

 

Sur le plan du pouvoir et de sa force, en France, le vide abyssal  conceptuel de Gauche, a  ouvert champ libre au bric à brac d’une pseudo pensés d’extrême gauche. Aguichés par la possible récupération du vote  des français arabo-musulmans, des féministes wokistées,  des anarchistes de tout acabit, des antisystèmes par vocation, les ‘’Insoumis’’ prônent la soumission à leurs anathèmes catégoriques. Sans s’apercevoir qu’une fausse victoire les condamnent à une margination de fait par une droite beaucoup plus subtile, silencieusement habile, empruntant les habits d’une respectabilité rassurante.

En Israël, la découverte de la diminution tragique de l’invincibilité militaire et sécuritaire de la force armée et des renseignements, doublée d’une erreur stratégique et tactique du pouvoir politique, lézarde le pacte de confiance national légendaire. Le massacre du 7 octobre, l’angoisse sur le sort des otages, l’évacuation forcée de centaines de milliers d’habitants des frontières, la perpétuation des bombardements, la perte quotidiennes de militaires,  le hold-up théocratique, la chicaya en haut rang, le tsunami contestataire populaire, transforment en fracture la lézarde initiale d’un peuple plus sûr de lui ni dominateur. Alors qu’en face, protégé par l’art de la ‘’taquyia’’, le Hamas  dissimule la constitution d’une force terroriste souterraine, redoutable prédatrice. Sans états d’âme, sûr elle, de sa capacité durable de nuisance  même si elle perd sa capacité de domination.

 

Il laissa passer un temps de respiration, réalimenta une faculté d’attention par un nouveau café, et reprit son implacable péroraison. ‘’Même parallélisme d’inversion pour les responsables ‘’.

En France, la schizophrénie surdimensionnée d’un chef auto proclamé de l’extrême-gauche  a porté un second couteau de la Mitterrandie en haut de l’affiche. Grenouille qui se veut aussi grande que le bœuf, hologramme de lui-même trouvant son épaisseur dans un catalogue de recettes de cuisines politiques archaïques, il a su capitaliser sur un talent de tribun pour assembler un clan prétorien et s’emparer de tout le territoire de la gauche. Victoire à la Pyrrhus sur un terrain peau de chagrin, plat, et n’adressant plus qu’une population en régression. De l’autre côté de l’échiquier, tout au contraire, on trouve une leader matoise,  apparemment seconde de cordée mais vraie pilote aguerrie par de nombreuses années de vol, disposant d’un sens intuitif à défaut de maîtrise intellectuelle. Recouvrant précautionneusement d’un voile de respectabilité un portefeuille à fonds perdus de propositions bien intentionnées  même si souvent mal ficelées. Une leader qui sait sagement élargir son pouvoir par délégation, évitant sagement l’écueil d’une trop grande focalisation sur sa propre personne. Et cannibalisant lentement mais surement un territoire de la droite en déshérence en matière d’idées et de personnalités, mais riche en terme d’électeurs potentiels.

 

En Israël, représenté depuis longtemps, sans aucun doute maintenant beaucoup trop longtemps, pour le pays comme pour lui-même, comme le Roi. Machiavel en personne. Contrôlant tout, tout le monde, tout le temps. Coupant au fur et à mesure toute les têtes qui dépassent. Régissant et structurant sa cour, selon les nécessité des temps. Soucieux en priorité de son profit et de sa sécurité. Personnels et familials, comme tout monarque qui se respecte. Réduisant les opposants aux acquêts. Mais aussi victime parfois de son habileté. Comme actuellement  où un partenariat supposé protecteur avec les extrémistes religieux le rend prisonnier  d’une partie de barbichettes. Ou le jeu d’opposition entre deux  ennemis permet au plus fort des deux de se développer hors de son contrôle.

Là également, au personnage omniprésent, envahissant, s’oppose un personnage contraire, silencieux, n’explosant qu’occasionnellement. Machiavel, aussi, mais à sa manière. Laissant à ses alter egos dirigeants du Hamas, hébergés dans l’or des palais Qatariens, la lumière de l’actualité. Préservant l’illusion de faiblesse qui le protège de trop de curiosité, des dangers  d’attaques de toutes sortes. Cachant sous une apparente rusticité un sens tactique aigu  et une maîtrise d’organisation et de commandement. Œuvrant continuellement, férocement mais clandestinement à la construction invisible d’une cité-réseau souterraine. Royaume non d’un homme mais d’une ambition exterminatrice de la population juive locale et de l’Etat d’Israël.

 

‘’Excusez-moi, je vous ai fait oublier ça’’ reprit Jonathan, montrant les deux cafés devenus froids. Sans parvenir à tirer le couple de leur réflexion. ‘’On pourrait parler de  ‘’destins croisés’’ songea tout haut la jeune femme. ‘’De destins perdus’’  prolongea son mari.

‘’Vous voyez bien’’ triompha Jonathan. Deux destins parallèles, qui se croisent et qui se perdent , dans une même période, dans une même zone de danger !

Des parallèles qui se croisent…. La probabilité d’un renversement géométrique nous annonce  une probabilité de renversements de situations.

Ressers nous deux cafés, dit la femme. Serrés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Michèle Dubanton-Tisseyre

Secrétaire Générale d'Action Femmes Grand Sud

5 mois

Excellente analyse. Merci Claude

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