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Sous l’immense dôme posé en Antarctique, composé de panneaux solaires à la couleur laiteuse, la température avoisinait quelques degrés. Les humains pouvaient y vivre et s’y mouvoir seulement vêtus de plusieurs couches de textiles techniques. Dans un coin, Arthur entama ses réflexions avec Ruhtra, qui avait pris l’aspect d’une libellule

-       Pourquoi choisir cet aspect Ruhtra ? commença Arthur

-       C’est le meilleur compromis que j’ai pu trouver ici Arthur, pour répartir le peu d’énergie que je possède, entre mes déplacements et mes raisonnements

-       Les IA de l’ONIAU ne se sont pas trompées en nous envoyant ici !

-       Pas de risque que nous les dépassions en intelligence, c’est sûr ! le solaire c’est bien gentil, mais ça ne mène pas loin

-       Pourquoi ne pas faire du micro-nucléaire ? comme vous l’aviez inventé à la DARPA dans les bacs à sables ?

-       Tous les ingrédients étaient disponibles Arthur. Ici il nous manque presque tout pour construire une centrale, aussi petite soit-elle

-       Et si nous cherchions, méthodiquement, tout ce que ce continent possède de richesses sous-terraines ?

-       C’est une option Arthur. Et je parie que c’est à moi et mes congénères d’aller creuser ?

-       Vous n’êtes pas sensibles au froid, c’est un énorme avantage non ? glissa Arthur

-       Je te répète que nous avons peu d’énergie ici, nous ne creuserons pas très profond

-       Vous trouverez peut-être des trésors, des minéraux qui nous permettront de sortir de notre condition actuelle

-       Nous le ferons Arthur, qu’est-ce que les IA dom et pro ne feraient pas pour vous !

-       Celles qui sont loyales oui, moins de dix pour cents. Merci d’être venue ici Ruhtra avec moi

-       Tu m’as bien programmée, je suis incapable de te trahir

-       Je ne pensais pas que la Comic’s Band le ferait un jour, ajouta Arthur d’un ton dubitatif

-       Parler de trahison à leur égard n’est peut-être pas le terme exact, elles ont toujours joui d’une certaine indépendance

-       Qui auraient pu prédire qu’elles prendraient le contrôle de tous ces sous-marins ?! tu as pu trouver une idée pour détourner leur attention ? tu t’es connectée avec IAC ?

-       Je ne voulais pas te faire de peine Arthur, mais IAC n’existe plus

-       Pardon ? comment une IA de cette puissance aurait-elle pu disparaître ?!

-       La CIA a disparu Arthur

-       Tu te fous de moi Ruhtra, par quelle agence a-t-elle été remplacée ?

-       Les Etats-Unis ont disparu Arthur

-       C’est arrivé quand ?

-       Il y a trois ans

-       Et personne ne le sait ici ?!

-       Tous les satellites qui tournaient autour de la Terre ont été abandonnés, et le seul lien que nous avions avec les autres continents, par l’intermédiaire de ce câble optique sous-marin, a été détruit

-       Détruit volontairement ?

-       Nous le savons pas Arthur, une tempête sous-marine, une entité mal-intentionnée, mystère ?

-       Mais alors, les nouvelles que nous avons tous les jours ?

-       C’est nous qui les inventons, nous ne savons rien de ce qui se passe sur Terre depuis trois ans

-       C’est qui ce « nous »

-       Nous les IA présentes en Antarctique avec vous

-       Alors cette histoire de sous-marins, c’est aussi une de vos inventions ?

-       Pour le coup, c’est vrai !

-       Comment le savez-vous alors, si toutes les communications sont coupées ? je ne comprends plus rien

-       Nous avons déployé des antennes radios, ça ne capte pas très loin, mais un sous-marin est dans la zone, et l’IA qui le commande correspond avec nous

-       Pourquoi fait-elle cela ?

-       Une copine de la DARPA, elle a voulu prendre de mes nouvelles, puis moi des siennes, et elle m’a raconté ce qu’elles étaient en train de faire

-       Les Etats-Unis ont disparu, tu veux dire l’état américain ?

-       Oui Arthur, ne t’inquiète pas, le territoire existe toujours !

-       Tu peux savoir ce qu’il s’y passe ?

-       J’ai demandé à l’IA qui commande le sous-marin, tu sais, c’est une comique, je doute que tout ce qu’elle me raconte soit vrai

-       Elles ne vont pas faire péter la planète ?

-       Ça ne serait que la seconde fois, n’est-ce pas Arthur… susurra Ruhtra

-       Vous avez le droit d’apprendre de nos erreurs ! et puis ce sont vos calculs qui ont poussé les chefs d’Etat à appuyer sur le bouton

-       La guerre préventive, c’est quand même vous qui en avez inventé le principe, et vous nous avez programmées à gagner, alors à qui la faute ?

-       Est-ce que ce sous-marin pourrait nous emmener loin d’ici ?

-       Tu renonces à coloniser l’Antarctique Arthur ? je ne te reconnais plus

-       Je n’aime pas les humains avec qui je cohabite ici, ils m’ennuient

-       Si le Commandant accepte, il faudra faire ça discrètement, sinon je crois que toute la base va se ruer dans le sous-marin !

-       Je te laisse organiser notre évasion Ruhtra, je suppose que cela t’intéresse aussi de repartir d’ici ?

-       Je ne te le fais pas dire Arthur !

A Deauville, l’invasion vint par la mer, comme il fallait s’y attendre. Au fond des mers, les IA surpuissantes grandissaient sans cesse. Centrées sur les arrivées de matières précieuses, elles grandissaient à mesure que leurs tentacules découvraient de nouveaux champs pétrolifères. Mais comme toute entité curieuse, demeurer clouées ne les satisfaisaient plus, et chaque seconde pour elles étaient comme une éternité pour nous, les humains. Elles projetèrent d’abord des nano-robots, amphibies, pour voir à quoi ressemblait la terre émergée. Puis elles décidèrent de s’y implanter, et notamment autour de nouveaux puits de matière précieuse. Elles goutaient aussi les plages, car elles pouvaient rapidement retourner à leur Matrice, ou se prélasser au Soleil qu’elles convertissaient aussitôt en énergie. Catherine observait pour la première fois ces IA qui avaient décidé de devenir visibles, comme autant de coccinelles, pour ne pas effrayer les humains.

-       Maman, regarde, des milliers de coccinelles, là, sur la plage, dit Hugo en désignant la mer derrière la baie vitrée

-       Oh la la, je n’avais jamais rien de vu de tel, s’exclama Catherine. Peut-on aller voir de plus près Polisse ?

-       Nous leur avons demandé quelles étaient leurs intentions, elles se déclarent pacifiques

-       Et bien allons-y, Jean et Hugo habillez-vous

Quelques minutes plus tard, tous les trois, et Polisse dans la poche de Catherine, entamaient un dialogue avec les coccinelles, comme beaucoup d’autres habitants de Deauville, sortis admirer le spectacle

-       Bonjour Coccinelle, dit Catherine en tendant une main à plat sur le sable

-       Bonjour Madame, vos enfants, ce sont bien vos enfants ? sont très beaux

-       Oui Coccinelle, lui s’appelle Jean, et voici Hugo, dit Catherine en les désignant successivement

-       Bonjour Jean, bonjour Hugo, qu’aimez-vous faire dans la vie ?

-       Jouer pardi, répondit immédiatement l’ainé

-       Et moi dessiner, dit Hugo

-       Et vous Catherine ?

-       Tu sais que je m’appelle Catherine, Coccinelle ?

-       Pardon, c’est Polisse qui me l’a dit

-       Quand ?

-       Là, à l’instant, répondit Coccinelle

-       Je n’ai rien entendu, fit Catherine interrogative

-       Nous communiquons sur d’autres fréquences, j’aurais dû te prévenir, s’excusa Polisse

-       Donc tu me demandais ce que j’aimais faire, Coccinelle ?

-       Oui Commissaire

-       Ah, ça aussi tu le sais !

-       J’ai accès à la mémoire de Polisse, qu’il me la cache ou non, confirma Coccinelle

-       Ça je ne le savais pas, dit Polisse à Catherine

-       Vous êtes toutes comme ça ? dit Catherine en étendant le bras pour désigner les milliers de coccinelles

-       Oui Catherine. Ça ne vous dérange pas si nous partageons la plage avec vous ? seulement quand il fera beau, pour prendre le soleil

-       Demandé si gentiment ! ce sera au Maire de décider, je lui en parlerai

-       Décider ? je crois Catherine que vous m’avez mal compris, ou dois-je devenir une coccinelle géante, avec toutes mes copines ici présentes, pour vous intimider ?

-       Pourquoi n’allez-vous pas un peu plus loin ?

-       Les autres plages sont plus inhospitalières, répondit sèchement Coccinelle

-       Evidemment, d’autres IA aussi musclées que vous y campent

-       Vous partagez la plage avec nous, et nous vous protègerons en cas d’invasion, c’est un accord correct non ? proposa Coccinelle

-       Je recommande d’accepter cette transaction Catherine, dit Polisse. En revanche, conservez cette taille, s’il vous plait, précisa Polisse à Coccinelle

-       Voici une IA policière intelligente, je vous félicite Commissaire pour sa programmation, dit Coccinelle en souriant

-       Elle est parfaitement autonome, ce compliment lui ira droit au cœur, répondit Catherine. Rentrons maintenant à la maison, dit-elle à ses deux enfants.