"Dans l'ombre de Thomas H."​ : ombre et lumière (2/5)

"Dans l'ombre de Thomas H." : ombre et lumière (2/5)

Regard sur l'univers de deux jeunes talents

Un an et demi déjà, plusieurs centaines d'heures de travail, et un univers cinématographique en création. Bienvenue (ou bon retour pour celles et ceux qui ont lu le premier article) dans cette série sur "Dans l'ombre de Thomas H.", plongée dans l'univers de deux jeunes talents, Zacharie Pain et Louisiana Thiéblemont--Barusseau .

Je vous parlais la semaine dernière des prémices des films et de la magie d'un plan-séquence. Il est temps aujourd'hui de sortir du cadre pour aller voir du côté de la lumière ou plutôt de l'ombre de cet univers. La lumière a un immense pouvoir de création sur cet univers. L'occasion de découvrir dans ces lignes, les pistes que j'ai suivies dans mon travail de prépa sur les deux films.

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Un choix composite

Qui dit deux réalisateurs, dit inévitablement deux choix d'ambiance, d'atmosphère, surtout quand on parle lumières. Mais on ne peut faire qu'une proposition. Un choix qui ne peut être le juste milieu entre les deux visions, au risque d'être terne et peu abouti, surtout si les deux inspirations ne coïncident pas complètement.

C'est un des risques. Je sens en prépa cette fine différence d'inspiration visuelle, qui, à vrai dire, sera un peu plus compliquée à gérer sur le long-métrage que sur la première partie. Ce premier tournage bénéficiait de l'innocence d'un premier film : c'est souvent difficile quand on réalise de mettre dans un moodboard les images de films qu'on a dans la tête, celles qui nous inspirent.

Je me rappelle d'un moodboard composite, très intéressant, car il me donnait plusieurs pistes de travail : un travail sur une ambiance chaude autour de l'univers de Thomas, des lumières souvent dures, brut ; alors que pour Jim, son meilleur ami, dans son ombre, c'est plutôt des couleurs froides qui reviennent, et qui rappellent sa désillusion vis-à-vis du pouvoir et de Thomas.

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Esthétique de l'ombre, traces du Caravage

Le titre du film, et pour ainsi dire d'une partie de cet univers dont nous n'avons abordé qu'un morceau dans ces deux films, me donne bien entendu des pistes. Il y a quelque chose de caravagesque à exploiter, une lumière à faire venir, forte, pour créer ce sentiment d'ombre. Il ne s'agit pas d'éclairer à l'école américaine, totalement en face à chaque fois, mais de jouer sur des rayons de lumières qui traversent le cadre, qui laissent parfois les personnages dans un contre-jour inquiétant, qui recrée une solitude autour des deux personnages.

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Élisabeth, elle, au contraire, ne subit pas cette pression de l'ombre. Elle, par se figure d'opposante, de résistante même, cherche la lumière, l'amène avec elle. Dans la première partie, on ne la voit presque qu'à travers cette lumière artificielle des plateaux télé, ou celle, chaude, de son appartement. Cette lumière qui la met inévitablement en valeur, qui lui donne la consistance dont elle a besoin. Tandis que dans la deuxième partie, une lumière plus naturelle vient donner une autre lecture du personnage.

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Puis vient la deuxième partie. La rencontre de deux parties opposées, de personnages qui ne s'étaient pas croisés dans la première, et d'autres qui n'étaient pas encore apparus. Là, c'est la confrontation du pouvoir d'État, que certains trahissent, et de la Résistance, qui rêve de reprendre ce même pouvoir à son effigie. Là, dans la QG de la Résistance, la lumière forte, brute se retrouve à nouveau dans l'action, mais naturelle cette fois. Une seule entrée de jour possible sur le bureau de la cheffe de la Résistance, au milieu de combles aux immenses poutres (dans une zone abandonnée de Rennes, je reviendrai dans un prochain article sur les décors). Il faut donc utiliser sur le contre-jour, l'adopter, le travailler, et même jouer sur les flare qu'il donne.

Faisceau brut de la lumière et sublimation par l'optique

Ce travail sur les ombres, les contre-jour, sur toute cette lumière brute de l'univers, il faut la dompter avec des optiques adaptées.

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La première partie, réalisée avec peu de moyens, laisse peu de choix. Mais la lentille anamorphique de l'Helios-44 que j'ai utilisée, donne à la fois ce côté brut dans les flare très généreux, avec des traits de lumières (beaucoup plus bruts que les optiques anamorphiques cinéma), qui donne ce côté non filtré, organique. J'ai souvent l'occasion de donner un côté organique par le cadre (vivant par l'épaule ou l'easyrig, comme sur la deuxième partie), mais là c'est l'occasion de le donner par l'objectif lui-même.

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La deuxième partie, certes réalisée avec un peu plus de moyens, me donne d'autres possibilités. Je me tourne au départ vers des optiques anamorphiques (carrossées ciné, comme la série Kowa), mais la nature de la lentille, sa douceur et la chaleur de son bokeh, me font revenir vers un choix de cœur : les Cooke. Pour cette deuxième partie, j'ai besoin d'avoir une optique avec une grande amplitude de focale, idéalement un zoom (même si je perds en ouverture) pour économiser du temps technique de changement de focales. À vrai dire, il y a un autre choix à cela, un peu instinctif en prépa, mais que je finis par comprendre au bout de quelques jours de tournages : cette deuxième partie, c'est la recherche de la vérité, des dessous de cette trahison, et du complot. Une enquête sur tout ce que les personnages, encore vivants dans cette deuxième partie, ignorent. Il y a donc cette idée de regard qui vient percer leur intimité, notamment Thomas, qui finit par découvrir qui tirait vraiment les fils. Ainsi donc, il n'y en a qu'un qui coche toutes les cases : le Cooke Varotal 20-100mm. Ses flares généreux, même sans anamorphiques, donnent toute sa beauté aux scènes de la Résistance, où la lumière naturelle vient inonder l'écran, ou passe par la seule ouverture possible dans les intérieurs.


Ces quelques pistes de travail dessinés, j'aurai l'occasion dans le prochain article de me pencher plus précisément sur certaines séquences en revenant de façon plus détaillé sur l'atmosphère et la lumière autour du personnage de Thomas.

Bonne semaine et à la semaine prochaine !

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