DAVOS - 5, pas un de plus…
Nous savons désormais que les dirigeants d’entreprises, les économistes, les banquiers et peut-être même les politiques sont passés du stade de la connaissance à celui de la conscience, en matière de réchauffement climatique.
La question est évidemment de savoir comment ils comptent aller de ce statut de pleine conscience à celui d’acteurs. Sans exclusive, il semble que 3 familles commencent à s’identifier : les scientistes / les « financistes » / les décroissants.
Pour les scientistes, la réponse est simple, comme l’affirme Jean Peyrelevade : « la science va très rapidement procurer des technologies qui vont répondre au problème ». Sans nier l’importance de la science, on se doit de tempérer les ardeurs de cette famille ; l’automobile propose une illustration simple.
Si une Mégane de 2020 présente un bilan énergétique bien meilleur que celui d’une R16 des années 70, elle pèse également 1231 kgs contre 1050 pour sa devancière, de sorte qu’une part importante des économies d’énergie ne se retrouve malheureusement pas à la pompe.
Dans les faits, les indéniables et importantes innovations de ces 30 dernières années ont été un peu rendues à la planète et en grande partie dévolues à la sécurité et surtout au confort.
Toutes choses égales par ailleurs, les automobiles d’aujourd’hui pèsent entre 15 et 30% de plus que leurs devancières de 2 ou 3 générations, de sorte que la consommation n’a pas baissé comme on aurait pu l’espérer.
Peut-on réduire le propos à la formule entendue récemment « le marketing a dévoré l’innovation » ?
Les « financistes »
A Davos et autour, dans un concert assez coordonné, des grands noms de la finance ont déclamé, si ce n’est proclamé qu’ils comptaient désormais privilégier les investissements vertueux et se détourner des industries fossiles, entre autres.
Il n’y a pas lieu de mettre cette volonté en doute, même si on imagine facilement la difficulté d’arbitrer entre 2 propositions de valeur où l’une présente une perspective financière meilleure que l’autre, qui offre quant à elle un bilan carbone plus favorable.
Cela dit, on peut sans doute anticiper une évolution dans la direction des financements lourds, vers des domaines plus écologiques que dans le passé.
Les décroissants
Un récent forum ayant eu lieu dans une grande école d’ingénieurs offre une belle illustration du dilemme et d’une éventuelle solution.
Pour camper le décor, disons que l’assemblée se répartissait en 3 parts à peu près égales. Un tiers d’étudiants résolus à ne plus prendre l’avion en dehors d’obligations professionnelles, un second tiers diamétralement opposé à cela et revendiquant le droit au transport en avions et, comme d’habitude, un dernier tiers d’indécis, de mesurés… de jaunes dirait-on dans d’autres univers.
Des positions assez tranchées, avec quand même un tiers de décroissants alors qu’ils étaient infinitésimaux il y’a seulement 3 ans. Mais ce qui fut intéressant aura été le débat entre les avis et la solution imaginée et acceptée par tous.
Voici donc la solution revendiquée.
Choisir 5 destinations où l’on souhaiterait aller au cours des 10 prochaines années, les étudier, les préparer, se renseigner voire même apprendre des rudiments de la langue locale… 5, pas une de plus.
Ce qui est puissant dans la démarche, c’est justement la prise de pouvoir dans des choix souvent impulsés par des marketeurs. Mesdames et messieurs les professionnels du marketing, peu importe votre talent ou vos arguments, je ne ferai pas un voyage de plus que ce que j’ai prévu. Je ne serai plus le jouet du markéting (c’est en tout cas la déclaration solennelle).
Il ne s’agit pas de refuser de consommer du voyage mais de lui rendre sa noblesse et de favoriser le désir qu’on en a grâce au développement d’un imaginaire proposé par les travaux préparatoires. Le voyage commence alors bien avant le déplacement physique et il se poursuit bien après.
5 et pas un de plus… c’est aussi diviser leurs déplacements par deux (au moins) et c’est évidemment très bon pour la planète mais beaucoup moins pour les Cies aériennes et autres voyagistes.
5 et pas un de plus… c’est probablement la plus belle expression de la décroissance, mais c’est aussi la plus lourde de sens car elle porte sur la conception même du désir. « on ne désire pas les choses parce qu’elles sont belles, mais c’est parce qu’on les désire qu’elles sont belles » (B Spinoza).
Limiter le nombre des objets du désir, c’est sans aucun doute intensifier le désir, bien plus et mieux qu’une consommation effrénée.
5 voyages et pas un de plus.
Comme vous pouvez vous en douter, les effectifs de ces 3 familles, entre scientistes, « financistes » et décroissants varient grandement selon les populations mais la génération Greta est sans nul doute orientée vers cette dernière famille, avec plus ou moins d’intensité. Quant aux dirigeants d’entreprises, ils semblent prêts à embrasser ce qui s’apparente de plus en plus à un nouveau paradigme, en inscrivant les objectifs de développement durable dans les tablettes de leurs lois internes.