« De l’éthique et de la mesure dans la psychologie socio-motrice liée au sport ». Patrice RIBATON.

Extrait de l’article collaboratif sollicité par le Pr Ronaldo Cunha Nascimento Directeur du programme de l’Institut universitaire de La République des sports (Macapá-Brésil. Novembre2020).

  …« Vous m’interrogez sur la psychologie socio-motrice.

Votre beau et grand pays est bien là le digne ambassadeur des travaux d’Auguste Comte par son ambition social axe de son développement sociétal ...

Je définis modestement pour ma part la psychologie socio-motrice comme une émergence périphérique de la psychologie et de la sociologie que l’on applique à la pratique sportive dans sa variable de motricité et dans ses décisions stratégiques de l’instant.

  Ce domaine très débattu dans les années 60 notamment par le sociologue Pierre PARLEBAS cherchait à trouver pour certains ( voir Jacques de RETTE « Les République des sports ») dans l’éducation physique et sportive, un motif d’expression sociale dont une des vocations était de nourrir les jeunes pratiquants en vue d’une éducation responsable, émancipatrice et structurante de la citoyenneté dans les schémas de l’époque (appréhension de l’environnement, confrontation ou coopération avec l’altérité, mise en œuvre, finalité de la mise en œuvre, rythme de la mise en œuvre).

  Politique et sport sont toujours intimement liés ce dernier étant un domaine privilégié d’ingérence de l’état qui en dicte, plus ou moins fortement les orientations selon les régimes, mais qui garde, toujours une main mise sur le sens et la forme des travaux menés quelques soient les options de gouvernance politique. Le sport devient un outil majeur pour servir l’hégémonie idéologique de l’état dans ses dogmes et ses volontés de gestion de la population. C’est aussi de surcroît une tentation de l’histoire philosophique au travers des siècles que l’on retrouve dès l’antiquité grecque, tentation qui pousse le philosophe à désirer gouverner pour le bien commun en appliquant les préceptes d’une éducation vertueuse pour tous  (Platon, Rousseau, …).

Le sport populairement massifié tel qu’il apparaît au 20ème siècle devient un outil majeur de transmission et d’éducation populaire directe ou indirecte des citoyens et un vecteur des enjeux sociétaux que lui propose, attribue ou parfois impose la raison politique au même titre que l’école. C’est aussi tout l’enjeu d’une pratique avertie de la psychologie socio-motrice au service de « la cité », même dans le cadre relativement apaisé de nos démocraties occidentales. C’est aussi la raison qui pousse à penser, par-delà la véhémence des gesticulations confuses ou ordonnées qui anime le monde sportif face à la crise sanitaire, que l’état ne prendra jamais le risque « d’abandonner » le domaine sportif qui reste pour lui et avec l’éducation nationale, l’outil de «management », de contrôle et d’évaluation primordial de la société.

  La psychologie socio-motrice est bien à la base une expérience « d’évaluation/apprentissage » individuelle par une tentative de visualisation dans le prisme des transferts de l’ordre et des rôles sociaux des pratiquants.

Ramenée à la stricte analyse de la performance sportive, c’est un indice précieux, un indice statistique évidemment plus parlant qu’une observation sans fondement ou sans connexion et certainement assez prédictif en terme comportementaliste quand le coach sportif l’applique à ses acteurs voir même à l’adversaire, (ce que pratique l’équipe nationale d’Allemagne de football à grand renfort d’algorithmes, ce qui ne l’empêche pas d’ailleurs de perdre régulièrement quelques matchs ...).

  Cet Indice ne serait être non pas un critère d’évaluation obtus mais plutôt, par exemple, un outil de conseil ou une aide à la prise de décision. J’ai beaucoup travaillé en entreprise sur le concept de « motivation » et cela me semble assez lié. On ne serait parler évidemment pas dans les mêmes termes à deux jeunes handballeurs ou footballeurs qui ne partagent pas le même récit sociologique, quoiqu’il ne peut y avoir, non plus, de certitude à ce sujet et, nous conviendrons que c’est heureux de ne pas laisser place ici à un quelconque déterminisme qui favoriserait l’idée farfelue et obscure de prédestination ... Je m’explique : deux personnes qui possèdent un environnement, des racines, une histoire ou des stimulations sociales, biologiques, affectives et culturelles très différentes ne porteront pas, à priori, les mêmes sources de motivation, les mêmes enjeux, les mêmes implications, la même carte du monde (PNL), pour agir comportementalement dans une situation similaire, parce que pour elles, la situation ne sera pas subjectivement similaire. En cela, la psychologie socio-motrice ne peut prétendre à être une science positive (décidément, Auguste Comte ...) ou même un avatar de sciences humaines, mais pourquoi pas une technicité (comme la logique l’est à la dialectique philosophique), un instrument de management mesuré, partagé et respectueux, une pratique indicative, un parti pris pédagogique.

Le risque de l’instrumentaliser comme un dogme vindicatif serait à mon sens de classifier trop catégoriquement et de manière réductrice les êtres humains et donc de standardiser les comportements qui par définition et expérience sont le propre de l’élémentaire reconnaissance du libre arbitre mais aussi et ce n’est pas contradictoire, de l’émergence des mystères de l’inconscient et le travail du chemin de vie de chacun. Sous cet aspect, la psychologie socio-motrice s’apparenterait aussi à une démarche de segmentation marketing et il lui manquerait indéniablement une dimension psychanalytique garante de l’intégrité complexe du sujet.

Abonder dans le sens de l’écrit, du prévisible, de l’immuable ou du certain révèlerait d’une dangerosité éthique et politique coupable et mal venue de surcroît au sein du domaine sportif et de ses idéaux de liberté et de fraternité que nous partageons aujourd’hui.

  Alors oui, indicateur mais évidemment subjectif, interprétatif et bien entendu lié au moment comme le sont les statistiques dont il est usuel de dire en France d’une manière un peu laconique, qu’elles sont la forme la plus aboutie du mensonge ou de l’erreur. Appliquée à l’humain, on conviendra de la légèreté du concept pour ne pas dire de sa dangerosité ... cela ne laisse pas moins place à une expérimentation encadrée des situations tel que vous la menez avec bonheur dans votre Institut, ce qui implique forcément un cahier des charges transparent et partagé avec les acteurs. Une démarche vouée à l’affirmation du « soi » dont la finalité resterait le développement personnel des pratiquants et leur accomplissement individuel. A ce titre on peut entrevoir la chose sous l’aspect d’une proposition pédagogique émancipatrice par le sport, d’un management bienveillant et évalué, d’un coaching non intrusif mais en aucun cas d’un dogme.

  Libérateur, l’exercice doit le devenir, à la seule appréciation du pratiquant et non à celle du professeur. Dévastatrice, l’expérience pourrait l’être si l’on excluait un tant soit peu, la mainmise du pratiquant sur l’analyse de son activité.

  Vous introduisez à la psychologie socio-motrice dans le sport une étape supplémentaire qui serait celle, après réception visuel d’un message, et en amont de sa résolution motrice, d’une cartographie mentale du projet apte à guider consciemment ou inconsciemment le joueur dans la démarche physique réactive ou proactive de sa réalisation en vertu du niveau de contraintes proposées à l’acteur. Evidemment, chaque phase introduisant la suivante, une dissection des process révèle les différentes étapes de mise en œuvre. Cela permet de travailler en les approfondissant, sur les thématiques de visualisation, d’action et de développements simultanés.

  En France, la crise sanitaire est venue souligner une certaine déshérence sociale globale à tous niveaux. Les référents de proximité (parents, famille, éducateurs, animateurs) ne sont plus identifiés comme orienteurs. Les institutions encadrantes sont remises en question par leur immobilisme et leur suffisance (administrations, fédérations, collectivités territoriales, …). Les rôles de chacun peinent à être définis et quand ils le sont, ils ont du mal à être tenus dans l’efficience et la légitimité (Profs, manageurs, chefs d’entreprises, ...) On voit bien, par la mise en place du service civil, par la volonté de faire incarner la trilogie « Travail-Mérite-Exemplarité » par le monde du sport que, la volonté de l’état à déléguer un rôle de modèle sociabilisant aux structures sportives et à leurs acteurs n’a jamais été si importante. C’est une question urgente de cohésion nationale, tout l’enjeu de « faire nation »  et la préoccupation quotidienne des gouvernants. L’expérience que vous menez outre Atlantique à travers votre Institut et les réussites enregistrées depuis 20 ans méritent tout notre intérêt et sans doute la révérence de la nation berceau du siècle des lumières envers le Brésil qui n’a jamais sacrifié « Quoiqu’il en coûte », et il en a coûté et en coûte encore pour vous, son ambition sociale sur l’hôtel des satisfactions rapides et personnelles. Merci donc Professeur, à vous et à l’ensemble de vos équipes pédagogiques, de travailler sans relâche à ces projets qui font écho à l’universalité de l’Homme et au sens commun auquel nous aspirons par-delà nos contingences . »…

Patrice RIBATON. (Président Sport’nomic- B.Fart/Enseignant/Formateur/Conférencier du Sport.)