De la conduite du changement
La théorie générale de la conduite du changement, si tant est qu’elle existe …, enseigne qu’un changement bien mené se fonde sur un diagnostic solide de la situation actuelle, une analyse de l’existant qui soit largement communiquée aux parties prenantes à ce changement, afin qu’elles aient les moyens de se forger elles-mêmes leur propre opinion, et ainsi se positionner face à ce changement pour des raisons objectivement fondées.
Trois exemples récents de changements nationaux viennent de nous montrer que ces évidences d’entreprise ne sont pas toujours pratiquées par nos gouvernants : la réforme de la SNCF, l’évolution du Bac et du lycée, le nouveau Service national.
En reprenant l’ordre chronologique des annonces, la création d’un nouveau Service national fut le premier changement de la série : quel est le constat ? quel bilan factuel de l’arrêt pendant 20 ans de la conscription et du service militaire effectué autrefois par les jeunes garçons français ? quelle évaluation chiffrée des conséquences ? Aucune analyse sérieuse n’a été effectuée et chacun y va de son impression intuitive ! Un peu léger pour fonder un tel changement … Et pour faire quoi ? Quelle est/sont la/les finalité(s) ? Tout a été entendu : brasser les catégories sociales, former les non qualifiés, développer l’esprit d’entraide, créer une garde nationale, … Or, trop de raisons tue la Raison !
Ensuite, l’idée de faire évoluer l’examen du Baccalauréat n’est pas nouvelle. Mais dans ce projet également, on ne trouve pas de raison raisonnable. Pour certains, le Baccalauréat coûte cher, mais ils ne rappellent pas combien et ne mettent pas ce prix (ou cette économie) en perspective avec d’autres budgets. Pour d’autres, c’est un rite de passage indispensable, mais ils ne raisonnent pas sur la responsabilité du système éducatif et de l’Etat dans la création ou le maintien d’un tel rite. Certains avancent la nécessité d’introduire une part de contrôle continu. Mais aucun n’a évalué ce qui se fait ainsi depuis des années dans le Diplôme national du Brevet, en fin de collège. D’autres vantent les mérites et la nécessité d’un grand oral, mais personne n’a évalué le coût et la durée de l’opération, ni le bouleversement qu’il entraînerait dans le cursus du lycée car on ne s’entraîne pas à l’oral dans une classe de 35 élèves …
Enfin, la réforme de la SNCF est annoncée pour tant de raisons qu’on s’y perd ! Pour réformer le statut des cheminots ? Argument d’équité. Pour alléger le bilan de la SNCF du fardeau de la dette ? Argument comptable. Pour fermer des ‘petites lignes’ coûteuses car sans voyageurs ? Argument budgétaire. Pour réformer vite par ordonnances ? Argument de technique juridique. Mais qui a dressé un bilan sur la mobilité des personnes ? Qui a tiré des perspectives sur les besoins à terme ?
Toute entreprise menée de cette façon s’écroulerait rapidement !
Martin LE ROY