De la Perfection. Le Menteur, notre Sauveur
Michel Filippi

De la Perfection. Le Menteur, notre Sauveur

Un monde menteur, c'est peut-être là où nous vivons sans pouvoir en échapper, contrairement à ce qu'espérait le psychologue Daniel Kahneman. Et pour cet espoir il reçut le Prix Nobel.

Dans un monde menteur, comment faisons-nous pour nous orienter, éviter les trappes et survivre indéfiniment? Nous parions, comme nous le faisons à la Bourse et comme là, il y a ceux qui en savent plus d'autres, ceux qui font pression sur d'autres pour empocher le gros-lot et ceux qui mentent, tous de part et d'autres de la rambarde, ce cercle discret de la Corbeille. Bien sûr, dans le lot, certains, – tous ?, un plus grand nombre?, qui peut les compter? – choisissent la Vérité. Mais personne ne sait exactement ce qu'est la Vérité autrement sous la forme d'un consensus entre une définition a priori et une expérience a posteriori. Le langage paraît là tout à son importance et l'on peut soupçonner que plus il sera riche, plus il apportera de dimensions pour décrire par avance ce que sera la Vérité, dimensions qui trouveront leur justification si nous pouvons les ramener par une sorte de réduction ou d'expérience sensible (le corps ne ment pas, dit-on) à une utilité. Nous connaissons la sorte de définition donnée à cette utilité par Winston Churchill et rapportée par Karl Popper, "c'est là où se recoupent mes observations". L'utilité est la cible, celle visée par le tireur et qu'il cherche par avance, de manière sensible à localiser et à faire tenir. Il n'existe donc pas d'utilité sans dispositif d'observation et pas de dispositif d'observation sans énoncé a priori.

C'est ainsi que nous avons appris à nous débrouiller dans un monde menteur et tant pis si ainsi nous laissons passer, invisibles bien que peut-être efficaces, des choses que le Réel fait circuler dans notre monde. Tant pis s'il s'agit d'un gorille dans une partie de basket-ball ou d'un soldat d'Anakin Skywalker combattant pour l'Empire, puisqu'ils n'interagissent pas avec la partie, n'attrapent même pas la balle, ne font que passer pendant que les équipiers visibles alignent les points sur le tableau des scores. Bien sûr, bien sûr, vous avez gagné, vous avez perdu, sans voir ce qui en réalité se passait et que, peut-être, vous auriez pu utiliser. Un gorille fantôme qui tire au panier une balle qui sera visible, voilà l'avantage dont nous ne devons pas nous priver! Pourquoi pas? N'est-ce pas alors acquérir la puissance inexorablement dominatrice de qui est le maître du lointain? Malgré la pétition de principe de Daniel Kahneman, il ne s'agit pas de temps de se prémunir contre les illusions mais d'apprendre à reconnaître dans celles-ci ce qui va nous permettre de mettre la main sur la puissance du lointain. Bien sûr, en rendant publique ce qui est masqué, la compétition est ouverte et ce ne seront plus quelques uns qui la règleront cachés aux yeux du plus grand nombre. Alors, nous pouvons parier chacun, en même temps, à tour de rôle, qu'à chaque fois que nous observons de la puissance lointaine est présent et qu'il s'agit pour nous de la capturer pour en user.

Faire cela n'est pas une nouveauté pour l'humain. C'est ainsi qu'il a acquis ses savoirs à propos du Réel présent dans toutes les directions où le vivant peut observer. Cela s'appelle faire science, connaître. C'est parce que nous parions dans un monde trompeur que nous pouvons connaître. S'il n'était pas ainsi, nous serions dans le Jardin d'Eden, béats et sans aucune distance avec notre monde premier. Nous ne serions pas plus que notre corps avec les connaissances incarnées en lui par le Réel dans son premier acte. Le Réel se perpétuerait localement sans l'espoir de produire ce qui un jour sera totalement le Réel à son tour, d'une autre manière que nous appelons conscience.

"Lie to me", c'est ma chance!

Oui, c'est le problème dur.

Paul-Marc, j'avais commis une "Clinique stratégique" en ebook étudiant la campagne présidentielle en France en partant de l'hypothèse que nous avions intérêt à choisir un Stratège. Je posais le problème des critères de choix et j'avais affirmé que l'un de ces critères pouvait être l'inconsistance logique. Quelqu'un dont on ne puisse déduire de ses actions passées l'action à venir, donc même le fait qu'il n'y aura aucun lien entre une action faite et que la suivante soit sans lien. Par contre restait le pb du Stratège qui est aussi le dirigeant, celui-ci devant être lisible pour avoir des supporters.

Merci Paul-Marc pour ke compliment et les commentaires. H'aime bien les liens que vous faites. Je rajouterais la problématique suivante. Si le mensonge devait être étranger à notre monde, alors existeraient deux mondes. Or ce n'est apparemment pas le cas. Donc le désir de transparence serait à la fois propre à notre monde et sa finalité étrangère à lui. Mais peut-il exister dans notre monde l'expression de finalités impossibles? Cela paraît sans issue à moins d'affirmer que nous avons un problème de description. C'est en gros l'axe dans cette partie du travail ici.

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