De la raison d’être de l’entreprise à son reporting extra-financier
Nous vivons une époque de changements. Changements climatiques, politiques, économiques, sociaux et communicationnels, à une échelle planétaire, à un rythme effréné, dans un environnement de plus en plus complexe. Ces changements, souvent radicaux, ont pour corolaire un accroissement des incertitudes et des risques. Leur multiplicité nous amène à un changement dont la constance fait la nouvelle normalité. Les entreprises comme les gouvernements et les collectivités sont fortement impactées. Dans un tel contexte comment assurer la durabilité des organisations, comment garder le cap ?
« Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va » selon Sénéque.
La raison d’être de l’entreprise
Le rapport Notat-Sénard recommandait que la « raison d’être » de l’entreprise soit clairement définie, à savoir ce qui la caractérise, comment elle produit, avec quelle philosophie et quelles responsabilités assumées. Dans le cadre de la loi Pacte votée en 1ère lecture en octobre dernier, l’intégration de cette raison d’être dans l’article 1833 du Code Civil « consacrer la notion jurisprudentielle d’intérêt social et affirmer la nécessité pour les entreprises de prendre en considération des enjeux sociaux et environnementaux de leur activité – au-delà du seul « intérêt commun des seuls associés » « – a suscité de nombreux commentaires et n’avait pas les faveurs des organisations patronales.
Pourtant, la notion de raison d’être de l’entreprise n’est pas nouvelle. Peter Drucker observait déjà en 1973 que « la plus importante raison de frustration et d’échecs dans les entreprises provient d’une réflexion insuffisante de la raison d’être de l’entreprise, de sa mission ». Ici, la raison d’être renvoie à l’intention des créateurs d’entreprises, avec une notion induite, celle de la création de valeur.
Mais soyons clair, jusqu’à ce que Michael E. Porter et Mark R. Kramer nous révèlent en 2011, dans l’article « Creating Shared Value » paru dans la Harvard Business Review, que face à la crise, le salut des entreprises viendrait de leur capacité à créer de la valeur à partager. La création de valeur était jusqu’alors circonscrite à deux questions que le fondateur d’entreprise devait – impérativement – se poser : qu’est-ce que son entreprise va vraiment apporter à ses clients ? Qu’est-ce qui la distinguera de ses concurrents ? Finalement, on était davantage dans le cadrage du positionnement de l’entreprise.
Désormais, les « brand purpose » font florès. Cette nouvelle approche de la raison d’être de l’entreprise s’inscrit dans une approche responsable. Celle-ci prenant en compte les impacts environnementaux et sociétaux. Cette pratique, ô combien inspirante, nous renvoie à la lettre envoyée par Larry Finck, président de BlackRock, aux patrons des entreprises dans lesquelles le premier fonds d’investissement au monde détient des participations « A sense of purpose ». Véritable ode au devoir de contribution positive des entreprises à la Société, dont on trouve un écho, quand Bruno Le Maire interrogé sur la Loi Pacte déclarait qu’elle proposait une « façon de donner corps à l’entreprise du XXIème siècle : une entreprise au cœur de la cité, qui allie performance économique, sociale et environnementale«
Au-delà de la seule communication que sous-tend la « brand purpose », la redéfinition de la raison d’être implique bien sûr le top management de l’entreprise. Signe des temps, CEO magazine titrait en juin dernier « The CEO as Chief Purpose Officer », un article écrit par John Izzo & Jeff Vanderwielen, auteurs du livre « The Purpose Revolution » (How Leaders Create Engagement and Competitive Advantage in an Age of Social Good,). Les auteurs de l’article évoquent une étude de Harvard réalisée auprès de Pdg d’entreprises internationales. 83% de l’échantillon estime que l’activation de la raison d’être devrait favorablement impacter la performance et le succès de leur entreprise.
La raison d’être, incarnée par la direction de l’entreprise – le dirigeant d’entreprise garant de la raison d’être, dont il est soit l’initiateur soit le relayeur – intégrée dans la stratégie et mise en œuvre par chaque collaborateur, est de nature à fédérer les équipes dans une nouvelle dynamique, garante du sens et d’une résilience qui devraient permettre à l’entreprise de naviguer plus sereinement entre incertitudes et risques…extra-financiers dûment identifiés. Notons un cap, celui de la création de valeur à partager avec les parties prenantes de l’écosystème de l’entreprise.
En conclusion
Et puisque nous sommes en pleine période de reporting RSE, comment ne pas voir une résonance entre raison d’être et pensée intégrée ? Cette (re)prise en compte de la raison d’être comme socle fondateur et fil conducteur de l’entreprise, intégrant la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux, résonne effectivement avec la pensée intégrée et par là-même le reporting intégré source du rapport intégré.
Ainsi, dans le cadre de la mise en œuvre de la DPEF, la présentation du modèle d’affaires devrait permettre aux investisseurs ainsi qu’à l’ensemble des parties prenantes, de mieux appréhender la stratégie de création de valeur et la performance globale de l’entreprise. Ceci est un bon moyen d’exprimer la façon dont l’entreprise contribue au bien commun, d’exprimer le contenu de sa raison d’être et son pilotage… A suivre !