De l'ARPANET aux blockchains : le web du futur vous voudra-t-il du bien?
Vous êtes déjà demandé si, au fond, les réseaux sociaux n'étaient pas des réseau antisociaux? Le 5 mars 2019 se tiendra DYSTOPIA au Centre Pompidou à Paris. DYSTOPIA, quand l'utopie tourne à la dystopie. Cet article est un avant goût de l'événement.
Dans un contexte où l'Internet est dominé par quelques titans technologiques américains ou chinois, "le web décentralisé", ça sonne plutôt libérateur. La décentralisation, porteuses de conséquences sinistres ? La question mérite d'être posée.
ARPANET, l'ancêtre du réseau Internet, apparaît en 1969. Conçu pour pouvoir continuer à fonctionner en cas de guerre nucléaire, son architecture est décentralisée : son protocole rend interopérables des systèmes différents et le fonctionnement du réseau ne repose pas sur un ordinateur central.
L'utilisation d'Internet est pendant longtemps exclusivement militaire et académique. La centralisation du réseau autour de certains ordinateurs commence vers le début des années 1990, avec l'apparition d'utilisateurs commerciaux, fournisseurs d'accès à Internet pour un public plus large. Vers le milieu des années 2000, de nouvelles plateformes façonnent le Web 2.0, qui facilite la production de contenus par les utilisateurs ainsi que leur déploiement sur des supports nouveaux tels que les mobiles ou les tablettes. Ces plateformes permettent aussi à l'écosystème des développeurs d'applications de trouver un nouveau souffle en transformant les coûts d'investissement en infrastructures en coûts variables d'utilisation d'un cloud service (le stack). Cette évolution accentue la centralisation d'Internet autour de quelques ordinateurs géants.
La centralisation présente pour les utilisateurs des avantages mais aussi des défauts. Côté avantages : les économies d'échelle rendent possible une grande efficacité et simplicité d'utilisation. Côté défauts : accès massif aux données en cas de hacking, contrôle insatisfaisant des données personnelles monétisées par les plateformes, protection ténue de la vie privée, liberté d'expression soumise à un encadrement à la légitimité douteuse, absence de mémoire du réseau avec la perte continue de pages ou de versions de pages, vulnérabilité à l'influence déstabilisatrice d'acteurs occultes.
Ces défauts suscitent deux types de discussion, l'une politique, l'autre technologique. Le débat politique sur l'opportunité d'une intervention étatique pour réguler les grandes plateformes en les assimilant ou en les transformant en services publics (utilities) ne nous concerne pas ici. Ce qui nous occupe ici est la dimension technologique du problème. De plus en plus d'acteurs technologiques discutent aujourd'hui de la décentralisation, ou plutôt de la re-décentralisation d'Internet.
Que serait un web décentralisé ? En apparence, un web plus sympathique que celui que nous avons actuellement. En termes d'architecture, le poids des ordinateurs serait plus uniforme à travers le réseau. Du point de vue des utilisateurs et des applications, il s'agirait d'un web où l'utilisateur contrôlerait ses données, la protection de sa vie privée, et l'exercice de sa liberté d'expression. Par ailleurs, le web décentralisé porte aussi l'idée d'instruments de paiement décentralisés, et plus généralement d'instruments décentralisés de rémunération permettant des formes nouvelles d'organisation du travail. La re-décentralisation d'Internet est par ailleurs susceptible de chambouler les modèles économiques dominants fondés sur les annonces publicitaires.
Le thème technologique du web décentralisé est vaste et englobe une foule d'approche, chacune animée par un ensemble de motivations distinctes. Certaines approches possèdent un historique déjà relativement long, à commencer par le partage peer to peer. D'autres approches sont plus récentes et spéculatives, comme la blockchain. Une tendance significative peut cependant être dégagée au sein de cet ensemble : la recherche de l'immutabilité, au sens où un objet du web décentralisé ne peut être supprimé ou altéré de manière unilatérale par une plateforme centrale.
C'est en ce sens qu'il convient d'entendre la notion de confiance, souvent mise en avant pour défendre la décentralisation. Le bon fonctionnement d'un réseau centralisé repose sur la confiance. L'argument des décentralisateurs consiste à mettre cette confiance en question et à proposer des architectures et des gouvernances qui minimisent le besoin de confiance envers des centres. Le défi constitutif de la décentralisation est de fonctionner en l'absence de confiance envers un tiers de confiance centralisateur. En ce sens les différentes briques technologiques de la décentralisation peuvent être comprises comme des stratégies différentes pour réaliser l'immutabilité des objets digitaux.
La maturité atteinte par la cryptographie est à la base de tous les autres développements mentionnés ici. La cryptographie donne une base nouvelle à la notion de propriété dans l'espace digital : ce qui m'appartient, c'est ce dont j'ai la clé. Tout changement sur le plan de la cryptographie, qui serait notamment induit par le développement d'ordinateurs quantiques, entraînerait entre autres conséquences un bouleversement total des technologies de décentralisation actuelles.
Il n'est cependant pas certain que la décentralisation ne puisse pas nuire au bien commun.
Commençons par mentionner le fait que les arnaques liées aux crypto-monnaies sont légion, ce qui peut sembler paradoxal pour une technologie censée réduire le besoin de confiance. Mais ces problèmes peuvent être attribués à une décentralisation insuffisante... tant il est vrai que la centralisation est généralement suscitée par des choses aussi fondamentales que les économies d'échelle, ou encore le bas niveau de compétences en crypto-monnaie de l'acheteur moyen qui préfère recourir à des intermédiaires. Le défi de la décentralisation est bien de proposer une architecture à la fois capable de durablement déjouer ces facteurs, et susceptible d'être économiquement, voire écologiquement viable.
Surmonter ce défi conduira ensuite à se confronter à un monde où les activités illégales risquent de devenir plus difficiles à contrôler, et où le droit à l'oubli se heurtera à des objets de plus en plus immutables... Un monde peut-être moins utopique qu'il n'y paraît.
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5 ansrachel : j’ai pensé à toi et au RV de mars 🤗. J’ai hâte !
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