De l’espace public des villes et des champs
La fable de La Fontaine «le rat des villes et le rat des champs » n’a jamais été autant d’actualité. Si les citadins des grandes métropoles confinés dans des appartements exigus ont accueilli avec soulagement le déconfinement progressif du 11 mai c’est bien parce qu’ils sont privés depuis 2 mois de leur espace public : la rue, le trottoir, le square, c’est tout un espace de sociabilité où l’on prend son café, on discute, on flâne, on drague, on refait le monde aux beaux jours, et tout cela à l’échelle humaine du piéton. L’interdiction très jacobine d’ouvrir les parcs et jardins est très mal vécue par les habitants de Paris, malgré les demandes réitérées de sa maire Anne Hidalgo, et cela peut se comprendre. En effet, un univers uniquement minéral est anxiogène, les parcs et jardins sont un poumon essentiel à l’équilibre psychologique et aux bien-être des Parisiens. Ils sont la « centralité zen » des quartiers comme en témoigne le Parc des Buttes Chaumont, créé de toutes pièces en 1867 pour donner une identité au 19ème arrondissement et offrant aux citoyens une reproduction harmonieuse du modèle aristocratique, le palais (la mairie d’arrondissement) faisant face au parc. Une façon intelligente de rendre vivable une densité de plus 20.000 habitants / km2. Poussée par l’impératif sanitaire de la crise du COVID 19 cette ville dense doit se réinventer en allouant plus d’espaces au piéton, au cycliste, aux mobilités partagées. Mais n’est-ce pas une occasion unique de repenser le rapport à la ville, à ses pleins et ses vides, ses volumes, son architecture et son mobilier ?
A l’autre extrême que trouvons-nous ? Les espaces naturels protégés, souvent également façonnés par l’homme. Les massifs forestiers réouvrent, c’est un bain de jouvence pour tous ceux que les arbres viennent ressourcer. Il faudra aussi penser à aménager l’ « espace public boisé », comme le font si bien nos voisins suisses, scandinaves ou germaniques. Et le penser pour ses fonctions multiples, écologiques, sociétales et économiques : biodiversité, sylviculture, espace de loisir.
Autre espace naturel sensible, le littoral. Là encore, les plages n’ouvrent qu’au compte-goutte, sous conditions, voilà qui est bien mesquin et peu compatible avec ces espaces de liberté : si les Français ont globalement respecté le confinement pourquoi ne pas leur faire confiance pour l’accès au littoral ? Là-aussi la fronde des élus et des habitants du littoral est compréhensible, avec un enjeu économique important lié au tourisme : des milliers d’emplois sont en jeu, la pratique des sports de plein air est importante pour l’équilibre physique et psychique de nombreuses personnes. Et vent plein Ouest, face à la mer, on peut enfin se dire sans danger : bas les masques !