De l'intelligence collective à la bêtise collective et vice et versa
Gérard, dirigeant d’une grosse PME me demande l’autre jour à propos de la mise en mouvement de ses cadres sur une vision partagée :
« Flavienne pouvez vous m’assurer que ces ateliers d’intelligence collective vont produire quelque chose d’intéressant !? »
Et bien non ! forte de 15 ans d’expérience de facilitation au sein des organisations, je n’ai pas de certitudes et la question inquiète de Gérard est une occasion pour moi de revisiter ce qui a permis à certains groupes de conclure après une expérience collective « nous ne savions pas que nous étions si intelligents » ou « nous avons fait tout cela pour n’accoucher que d’une souris ».
Intelligence collective : mode ou réalité ?
Mais comment faire pour que 1+1 finisse par faire 3, se demandent les patrons en quête de réinventer leur futur ou de faire face au complexe, à l'inconnu.
L’intelligence collective devient le Graal des organisations : forum ouverts, world café, outils collaboratifs divers font leur entrée en force.
Co-créer, co-construire, co-opèrer sont les mots clés de tous les magazines de management.
Cela parait novateur mais rappelons que le concept d'intelligence collective vient de la nature et de l'observation des systèmes auto organisés et très efficients des communautés d'animaux comme les abeilles et les fourmis. Est ce donc une question d'intelligence au sens où les humains l'entendent?!
La plupart des auteurs s’accordent sur la définition suivante : « l’intelligence collective est différente de la somme des intelligences individuelles qui la composent » (Ribette, 1996).
L’art de récolter les fruits d’une réflexion collective dépend bien sûr de la méthode, de processus clairs et de préférence d’une facilitation animée par une personne neutre sur le contenu. Mais pas que !
« Penser à plusieurs nécessite certaines aptitudes relationnelles »
L’intelligence collective est liée à l’action de réfléchir et de collaborer. Peu importe que la décision soit celle d’une seule personne ou de plusieurs. Ce qui est important, c’est que la construction de la décision ait mobilisé les connaissances de chacun des membres du groupe et leur créativité. Et c’est là que le bas blesse !
Le présupposé que chacun est doté d’une intelligence relationnelle et d’une ouverture d’esprit suffisante pour accueillir le « différent », n’est pas toujours au rendez vous.
Là où certaines personnes habituellement inhibées vont se révéler dans le collectif pour y déployer des trésors de potentiels, d’autres au contraire vont y vivre des jeux d’influence bloquant et démobilisant.
Certains parlent de la "magie du collectif", et je le crois.
Pour vivre cette magie , il faut pouvoir s'ouvrir à elle, car elle transcende tout discours et toute pensée. Les désaccords, vécus encore trop souvent comme des luttes de pouvoir, deviennent des sources de vie pour ceux qui savent danser avec.
L’efficience des processus d’intelligence collective est donc étroitement liée à la maturité relationnelle et l'ouverture du groupe qui la compose. La maturité du groupe dépendant elle mème de la confiance de chacun de ses membres.
Force est de constater, que les générations Y et Z née avec les réseaux sociaux manifestent beaucoup plus de facilité à cet égard.
« Ce n’est pas en améliorant la bougie qu’on a inventé l’électricité »
J’observe qu’au sein des organisations, lorsque nous voulons penser collectivement du nouveau, l’instinct est souvent de vouloir préserver la culture, sous entendu l’ancien. Ainsi un groupe stimulé à penser « out of the box » peut se retrouver à penser le futur à partir des mêmes paradigmes que dans le passé. Dès lors le fruit n’est pas à la hauteur des espérances. Il est donc très important que les initiateurs de la démarche puissent « acculturer » les groupes dont ils attendent une réflexion riche et différenciée du connu. Cela consiste en partie à fournir des bases de références communes sur les enjeux et le champ des possibles.
« La compression dans une direction nous empêche de voir »
Il ne suffit pas de poser une question à un groupe, aussi claire soit-elle, pour qu’il y réponde avec intelligence. Tout l’art est de savoir aider les personnes à prendre le temps de chercher l’inspiration dans un « ailleurs, de « mâchouiller la pomme» au sens de s’approprier le sujet. Accepter parfois de s’attarder sur un aspect ; de discuter sans prise de note ou sans objectif précis. Permettre aux parties prenantes d’entrer et de sortir du processus de réflexion, d’aller s’enrichir dans d’autres espaces.
Se donner du temps pour penser sans pression ! voilà un défi que tous les chefs d’entreprise ne sont pas encore près à faire mais çà bouge.
« L’énergie et l’atmosphère sont premiers »
Et Oui ! si les émotions ont encore peu de place dans les organisations, que dire de la dimension énergétique ! c’est presque un gros mot ésotérique.
Pourtant, mobiliser des ressources humaines, c’est mobiliser de l’énergie.
L’art de créer un climat dans lequel les personnes vont se sentir importantes, compétentes et sympathiques, n’est pas qu’une affaire de technique.
L’énergie de celui ou de ceux qui initient la démarche est fondamentale. Mais il s’agit aussi de vider les eaux troubles du passé ou des non-dits pour assainir l’atmosphère. Enfin, c’est un véritable pari de confiance de solliciter ses troupes sur un sujet : il convient de lâcher les reines de la responsabilité et du pouvoir, sans quoi les troupes se comporterons en enfants adaptés ou rebelles.
Conclusion : « quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt »
Plus qu’une tendance à la mode, l’intelligence collective est un état d’esprit à semer, arroser, cultiver pour tout système désireux de cueillir la lune.
La méthode, l'incidence, la pertinence, l'originalité du questionnement, et la façon innovante de corréler des faits ou des évènements entre eux, bref le mode de raisonnement et de développement, sont autant de doigts qui quand on les étudie permettent de la trouver, la lune.
Le doigt et la lune sont donc indissociables, et leur association une alchimie subtile.
A la veille de nos élections présidentielles, considère t-on que l’intelligence collective des français a été mise à contribution pour construire notre futur ? affaire à suivre…
Article de Flavienne Sapaly, coach certifié et accrédité EMCC, superviseur certifié CSA, facilitateur LHEP, formateur consultant expert leadership et changement en cours d’accréditation ICPF et PSI
Faire émerger le plus d'humanité contenue en vous - Vous accompagner simplement vers le meilleur de Vous
7 ansBel article ! Le dirigeant bien sûr veut des résultats puisqu'il se lance dans une sorte d'aventure, qu'il sort de ses schémas et qu'il ose une avancée dans son réel registre, celui de donner une direction, un cap. Son courage va-t-il se muer en étincelles, en or ou en diamants ? Quel est la teneur de son espoir peut-être même inconnu de lui au démarrage.... Allez, accompagnant du cœur et de l'âme dans les relations multiples trouvez-moi les clés de la Vie !
Faciliter l'auto-transformation profonde des individus, équipes & organisations avec fluidité & célérité. Innovation radicale.
7 ansPour avoir l'expérience des deux côtés ( Dirigeant fondateur d'entreprise ET facilitateur d'IC), je poussoie la demande du Dirigeant pris en exemple qui veut obtenir "quelque chose d'intéressant". Et il l'obtiendra si le processus utilisé mobilise l'intelligence du collectif, l'intelligence collective systémique. Par contre, si l'on s'appuie sur de l'intelligence collectée, la plus communément mise en oeuvre, son doute peut aussi être légitime : il y a des prérequis pour que 1 + 1 fasse 3, 5, 8 ou même d'avantage .....!
Coaching professionnel ; thérapie individuelle, de couple et familiale
7 ansmerci Flavienne de nous permettre de prendre le temps de revisiter ces processus complexes.
Accompagnement et accélération des transformations sociétales, prospective managériale et sociétale
7 ansBel article sur le sujet. Je dirais que l'intelligence collective existe de toute façon à partir du moment où des individus sont en groupe. Cependant la qualité du résultat obtenu est effectivement très lié à de multiples facteurs. Comme vous le précisez il est nécessaire de réunir les conditions favorables. Processus, méthode, climat relationnel, culture... Changer la culture c'est Grosso modo une génération. Alors comment stimuler la qualité de l'intelligence collective si les conditions ne sont pas réunies ? Mettre en oeuvre la seule méthode que je connaisse qui s'affranchissent de la qualité du climat relationnel et même de facilitateur professionnel... la méthode Synergy4 d' Olivier Zara. Pour ceux qui connaissent, vous savez, pour les autres, ne cherchez pas à comprendre comment et pourquoi ça marche... essayez de vivre l'expérience !
Retraité MMA-COVEA
7 ansLes organisations et les personnes qui les composent sont de plus en plus ouvertes à ces démarches collaboratives et permissives ( réflexions out The box). Le plus complexe aujourd'hui est de passer de la réflexion, du projet lourd (euphémisme) a l'action légère et efficace qui permet de mettre en œuvre toutes ces belles idées. Pour cela il faut sans doute que nous fassions le deuil de certaines méthodes et kpi qui ne nourrissent que la photo du passé pour mettre en œuvre avant que la bonne idée ne soit la suivante générée par les réflexions collectives, et surtout avant qu'elle ne soit plus adaptée à la nouvelle situation dans laquelle l'entreprise se trouve ( comportement client, marché, organisation) Cela implique une belle place pour les "faiseurs" et pour les managers qui sauront, traduire l'idée en mise en œuvre opération elle et s'assurer que les choses se font vraiment (sans kpi) en allant voir ce que les équipes font pour encore mieux les comprendre et les aider à faire au bon niveau.