De l'utilité de l'approche individuelle en psychologie du travail
Depuis la fin des années 70, les travaux sur le champ de la clinique du travail en France privilégient une approche collective apparentée par certains aspects à l'approche groupale développée dans les années 40 aux Etats-Unis par Lewin. Particulièrement, le modèle de la psychodynamique propose une grille de lecture qui permet d'appréhender la dynamique globale d'une situation de travail à travers les interactions entre les individus et ce que l'on appelle "l'organisation du travail". Par la compréhension qu'il apporte, le modèle vise notamment à faire contrepoids aux jugements de valeur inévitablement portés par les individus entre eux.
Effectivement, il m'apparaît nécessaire de contrer la tentation de s'en prendre en premier lieu à l'individu, en oubliant par là-même qu'une grande partie des conduites adoptées par chacun l'est en réaction/adaptation/régulation à un environnement éminemment social. Pour autant, il me semble que, dans cette volonté louable d'appréhension collective et organisationnelle des choses, la responsabilité individuelle en vient parfois à être diluée, sinon oubliée. Ainsi, on passe par exemple sous silence les aspects vertueux d'une réflexion individuelle que chacun peut (devrait ?) avoir sur son rapport intime au travail. Par ailleurs, le modèle ne propose quasiment pas de réflexions sur les problématiques individuelles qui ne peuvent pas être rattachées à des aspects organisationnels, ou sur lesquelles l'organisation n'a pas de prises, et qui viennent pourtant s'intégrer à la dynamique du travail d'une manière ou d'une autre.
Dans sa pratique, le psychologue qui intervient sur le champ du travail peut tout à fait choisir de replacer l'approche individuelle au cœur de sa grille de lecture, en articulation avec l'approche collective. Cela est particulièrement possible en psychodynamique du travail qui fournit un modèle global de fonctionnement à la fois individuel (intrapsychique) et collectif (intersubjectif). Dans cette perspective, on pourrait alors identifier ce que j'appelle une "compétence d'interface" comme il s'en développe actuellement dans d'autres domaines où des fonctions naissent pour permettre de faire entrer en dialogue deux ou plusieurs activités jusque-là spécialisées. Il s'agirait de contribuer à nourrir une approche holistique du psychisme humain en rappelant que si l'on peut considérer que le travail participe à faire une partie de l'homme, c'est aussi et surtout l'homme dans sa globalité qui fait le travail.