Delphine Depardieu, la constance du génie
PORTRAIT PASSION
par Nathalie Gendreau
Il y a comme un air de famille, mais pas seulement. Il y a surtout comme un air de talent, qui s’exprime depuis une dizaine d’années sur les planches et sur les plateaux de tournage.
Delphine Depardieu personnifie l’énergie qui avance, pas à pas, avec la passion du métier de comédienne comme ligne de vie.
Une fois de plus, elle en fait la démonstration, en incarnant Constance, la veuve de Mozart au Festival d’Avignon en juillet, puis au Théâtre du Petit Montparnasse à partir du 7 septembre avec "Le dernier baiser de Mozart", une pièce taillée sur mesure
de l’écrivain Alain Teulié.
À l’évocation de Mozart, les cœurs vibrent à l’unisson des notes qui s’élèvent. Mais qui n’entend pas son rire dément ponctuer ses fulgurances dans le film de Milos Forman ? Ou qui ne s’offusque pas (pour la forme) de son humour grivois ? Delphine Depardieu fait partie de cette génération qui est émue par ce personnage aussi ingénieusement complexe que brillant. Un génie qu’elle adore et qu’elle ne cesse d’écouter avec toujours le même ravissement. « J’ai toujours été intriguée par ce couple très enfantin que formaient Mozart et Constance », ajoute-t-elle, avec enthousiasme. Grâce à l’écriture d'Alain Teulié et la mise en scène de Raphaëlle Cambray, elle est heureuse d’insuffler la vie à Constance, la veuve de Mozart, pour un duel d’esprit d’une heure vingt aux côtés de Guillaume Marquet, alias Franz Xaver Süssmayr, l’ancien amant de Constance et l'élève et copiste de son feu mari. Le dialogue enlevé, piquant, intelligent, intense, haletant aussi, met en valeur une facette audacieuse de cette femme de 28 ans, veuve désargentée à l’humour provoquant, qui se débat pour sauvegarder l’œuvre du Maître, trouver le disciple qui parviendra à achever incognito son Requiem et subvenir aux besoins de ses deux enfants, dont le petit dernier qui serait possiblement celui de Süssmayr. Ne faut-il pas être une femme courageuse et avec une force de caractère pour aimer et soutenir un mari adorablement volage, un bourreau de travail, la tête tutoyant Dieu et le corps se répandant dans l'excès, et lui survivre en évitant la misère ?
Ainsi, la vision étriquée communément admise de la femme légère, stupide et sans substance s’éloignerait avec le parti pris de l’auteur qui s’appuie sur un travail de recherche historique méticuleux. C’est une perception que partage Delphine Depardieu. « Nous avons tous mille facettes, déclare-t-elle, avec la conviction d’une femme qui en est l’illustration vivante. Constance pouvait être à la fois légère et forte. Elle avait l’intelligence de la survie et savait anticiper. Elle incarne pour moi une forme de liberté ». En s’immergeant dans le texte, qui dépeint une Constance moins lisse, Delphine Depardieu a ainsi approché l’une de ses propres facettes qui s’est révélée à elle. « Je ne pensais pas être capable à ce point de soulever des montagnes pour concrétiser un projet auquel je crois fortement ». À l’instar de cette Jeanne d’Arc qui voulait bouter les Anglais hors de France, elle était sur tous les fronts, l’étendard de la ferveur brandi, pour aider à porter la pièce jusqu’à son aboutissement, avec le désir ardent d’éliminer les poncifs trop faciles qui cachent la vraie Constance.
Rien n’aurait pu exister sans un coup de pouce du destin et l’amitié sincère entre deux femmes. Delphine Depardieu et Raphaëlle Cambray souhaitaient jouer toutes les deux sur scène, dans un duo de femmes. Amie Facebook de l’écrivain Alain Teulié, Delphine lui a lancé un défi affolant : écrire une pièce pour elles, sans être rémunéré et avec la possibilité de refuser si elles n’aimaient pas le texte. Contre toute attente, il a accepté non sans proposer la lecture de sa pièce, "Le dernier baiser de Mozart", dans laquelle il voyait Delphine Depardieu tenir le rôle de Constance. Telles sont prises qui croyaient prendre ! Delphine et Raphaëlle mettent le doigt dans l’engrenage d’une merveilleuse aventure qui va les tenir en haleine pendant deux ans, depuis les lectures dans les théâtres pour promouvoir la pièce jusqu’aux répétitions. « La dernière répétition s’est très bien passée, se réjouit la comédienne, gagnée par une forme de blues joyeux de l’après, cet après qui succède à l’énergie débordante d’envie que tout roule alliée à l’intensité formidable des émotions.