Des bienfaits méconnus des droits de succession

Des bienfaits méconnus des droits de succession

Le sujet de la taxation des successions revient (au moins) à l’occasion de chaque élection présidentielle. Force est de constater que la prochaine ne fait pas exception. Le spectre des propositions en la matière est assez large, allant d’une augmentation sensible à une exonération totale.

La question n’est pas ici de se prononcer sur l’opportunité politique de telles propositions, sur le taux souhaitable de prélèvement, ou encore sur le ciblage le plus adapté des droits de succession. Elle est simplement de souligner que la suppression des droits de succession ou l’exonération totale de certains biens (immobiliers par exemple) risque de produire un effet de bord négatif sur l’économie, souvent ignoré.

Pour le comprendre, rappelons que lorsque le patrimoine du défunt est supérieur à 50 000 euros, les héritiers en ligne directe (les descendants) doivent déposer auprès de l’administration fiscale une déclaration de succession dans les six mois du décès. Rappelons également que lorsque la succession comprend un bien immobilier, les héritiers ont l’obligation de faire dresser une attestation immobilière de propriété par un notaire afin de constater le changement de propriétaire de ce bien.

Ces formalités, qui peuvent sembler purement administratives, permettent en réalité d’identifier parfaitement les bénéficiaires d’une succession. Elles constituent aussi l’occasion d’une rencontre avec le notaire afin qu’il puisse éclairer les héritiers sur l’étendue de leurs droits et obligations. Et en pratique, cette rencontre fournit le plus souvent l’occasion d’entamer une discussion sur le devenir du patrimoine légué et son partage éventuel entre les héritiers.

L’absence de fiscalité en matière de successions favoriserait au contraire l’apparition d’indivisions légales non constatées et non réglées. C’est l’application de l’adage bien connu « pas de sanction, pas d’obligation »  : s’ils sont déchargés du paiement de droits de succession, les héritiers risquent en effet de ne pas agir pour sortir de l’indivision.

Certes, cette situation est parfaitement licite puisqu’il existe un régime « légal » de l’indivision, décrit aux articles 815 et suivants du Code civil. Mais, les notaires peuvent en témoigner, l’indivision pose de nombreux problèmes. La plupart des décisions importantes d’administration ne peuvent se prendre que si elles recueillent une majorité des deux tiers des droits indivis, voire l’unanimité pour les actes les plus graves (comme la vente d’un bien immobilier par exemple).

Or, tant qu’aucun indivisaire ne demande aux autres le partage des biens, l’indivision peut se prolonger sur plusieurs générations, puisque chaque héritier transmet sa quote-part indivise à ses propres héritiers. Si bien qu’il devient de plus en plus difficile d’identifier les titulaires de ces quotes-parts.

En Corse par exemple, de nombreuses générations d’héritiers sont restées figées dans des indivisions successorales inextricables. En cause, un régime fiscal dérogatoire depuis Bonaparte qui a dispensé jusqu’en 2013 de tout droit de succession les biens immobiliers. Au fil du temps, ces transmissions successives et non constatées ont abouti à un contentieux abondant dans les familles. Elles ont aussi impacté défavorablement le marché immobilier local, certains biens n’étant plus suffisamment entretenus. C’est pour régler cette situation que l’Etat a été contraint de créer, en 2006, une organisation spécifique, le Groupement d'Intérêt public pour la Reconstitution des Titres de propriétés En Corse (GIRTEC), chargé de rassembler les éléments propres à reconstituer les titres de propriété en Corse pour les biens immobiliers qui en étaient dépourvus – un labeur de plus de 12 ans qui n’a pas résolu toutes les difficultés.

De même, en Martinique, 40% du foncier privé se trouvent paralysés par l’existence d’indivisions non réglées depuis plusieurs générations, ce qui entrave la construction de logements. Là encore, l’Etat a été contraint de réagir pour remédier à ce désordre foncier avec la loi du 27 décembre 2018, dite « Letchimy ».

Il faut donc bien reconnaître quelque mérite à cette fiscalité, et il serait dommage de se priver d’un outil de règlement rapide et efficace des successions qui, finalement, participe à la paix sociale. Si on considère cette fiscalité comme trop lourde, peu adaptée aux modes de vies actuels ou mal ciblée, celle-ci peut toujours être améliorée, en gardant à l’esprit ce mantra : simplifier et favoriser la transmission en amont par le biais des donations. Comme souvent, tout est question d’équilibre. 

Marie-Anne PIERI

Notaire ,conseillère territoriale

3 ans

Pourquoi ne pas envisager un Pacte dutreil en matière successorale,une exonération de 75% de l’héritage à condition que l’héritier s’engage dans un délai de 18mois de réhabiliter le bien dont il a hérité et le destiner à de la résidence principale pour lui ou un des siens ou le mettre en location pour de la résidence principale pendant 10ans.

Marie-Pierre PERE

Notaire - Co-Fondatrice et Vice Présidente de l'association Notaires au féminin.com

3 ans

Effectivement la fiscalité successorale est un marronnier à chaque élection présidentielle. Mais cette récurrence a pour avantage, et David Ambrosiano le souligne bien, de rappeler l’importance du droit civil successoral et la nécessité de consulter son notaire dans ces circonstances.

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