DIALOGUE SOCIAL : LA RELANCE ?
Cachée derrière la Loi EL KHOMRI, une montée du dialogue social
En matière de dialogue social, l’actualité ne retient guère, du quinquennat qui s’achève, que la contestation de la loi travail, ou loi EL KHOMRI.
Le risque est fort que soit ainsi éclipsée la réalité des lois qui ont, au cours des 5 années écoulées, profondément refondu le droit du dialogue social en France. Trois travaux récents nous éclairent pourtant sur l’ampleur des changements apportés, mais surtout sur leur entrée en pratique, et donc leur appropriation par les acteurs sociaux. Or ces enseignements montrent une évolution indéniablement positive, voire refondatrice.
Il s’agit tout d’abord d’une étude DARES sur l’appropriation, par les DRH et leurs interlocuteurs (élus de CE, CCE ou SCHSCT, et délégués syndicaux locaux ou centraux), de la nouvelle hiérarchie des instances, et de leurs nouvelles conditions de consultation (Loi dite LSE du 14/06/2013).
En négatif, elle montre une difficulté certaine à se mobiliser sur tous les sujets dans les délais prescrits, et avec les moyens trop faiblement augmentés à cette occasion. Elle pointe aussi le risque, à travers le renforcement des prérogatives des instances centrales (CCE ; DSC ; IC-CHSCT), d’un certain éloignement du terrain. Le dialogue social, là où il est conclusif, donc porteur d’accords, de groupe ou d’entreprise, pourrait perdre de vue les situations de travail locales. Enfin, l’innovation centrale qu’eût pu être la BDES (Banque de Données Economiques et Sociales), semble patiner et s’orienter parfois vers un simple dispositif de gestion de documents.
A contrario, l’étude manifeste une prééminence nouvelle de la négociation sur le conflit et notamment sur le recours au juridique, dans les procédures de consultation les plus conflictuelles, comme les plans de restructuration. De plus, elle inscrit clairement la perspective d’une « professionnalisation » du mandat syndical ou de représentation du personnel. Non au sens d’une institutionnalisation dans la fonction, mais d’une acquisition d’expertise individuelle et collective, reposant sur des semi-spécialisations s’inscrivant dans un parcours de montée en compétences et de division des tâches au sein des instances syndicales.
Ce mouvement gagnerait à être puissamment accompagné et encouragé, par des moyens moins limités en temps et en accès à l’expertise, et par une intégration plus franche de la carrière syndicale dans la GPEC et le système de qualification de l’entreprise.
Un second travail vient d’être réalisé par la société SECAFI, leader de l’expertise auprès des instances de représentation du personnel, sur les effets de la Loi Rebsamen sur les procédures de restructuration.
Ce retour d’expérience, portant sur plus de 300 PSE donc sur plus de 16% des restructurations instruites sur la période, manifeste une forte baisse de la conflictualité de ces procédures. Cette baisse repose sur la généralisation des accords de méthode, visant à sécuriser la procédure, tout en allégeant la contrainte de délais. Ainsi, ces accords de méthode sont passés de 27% des cas en 2013, à 80% en 2016. Symétriquement, les recours en justice ont reculé de 14% à 5%. Et les procédures se sont terminées par des accords majoritaires dans 100% des cas en 2016, contre 68% en 2013.
Même perfectible, le dialogue social progresse donc, et tend vers des accords. Restera à en mesurer le degré d’innovation, de créativité, bref la qualité. Ce sera l’objet d’une autre étude, à paraître cet été, sur le même thème.
Une troisième étude, réalisée par Marc FERRACCI pour HUMANIS, va dans le même sens. Elle souligne la montée quantitative de la négociation, simultanément dans l’entreprise, et dans les branches, et en interprofessionnel. Parallèlement la conflictualité reste faible (1,5% des entreprises, mais ¼ chez les plus de 500 salariés).
Vers un renforcement du dialogue stratégique ?
L’ensemble des nouveaux dispositifs imposés par le législateur (BDES, CICE, consultations sur la stratégie d’entreprise et le CICE, etc.) reflète une nouvelle approche des politiques publiques qui vise à promouvoir un dialogue social qui soit en mesure de peser sur les décisions économiques et sociales de l’entreprise.
Elle énonce une véritable « option préférentielle pour la négociation ».
Cette promotion du dialogue en entreprise interroge la qualité même des accords sociaux, dans un contexte paradoxal de politiques publiques favorables à la négociation d’entreprise, sans que les conditions d’un dialogue approfondi au sein de l’entreprise ne semblent toujours réunies
Certes, le rôle essentiel du CE dans le domaine économique se borne encore à un partage d’informations. Ce n’est cependant pas un rôle négligeable puisqu’il s’agit de rééquilibrer l’asymétrie d’information entre salariés et employeurs, condition importante de la négociation. En ce sens, les dispositifs de la LSE semblent, a priori, viser un tel rééquilibrage. Cependant ce rééquilibrage interroge la capacité des acteurs – salariés et leurs représentants comme employeurs – à mobiliser ces dispositifs d’information-consultation afin de franchir de nouvelles étapes sur le débat stratégique, la mise en oeuvre de la GPEC, et à enrichir ainsi le « dialogue social » dans l’entreprise.
Les relations sociales s’encastrent par ailleurs dans la gouvernance générale des entreprises qui est elle-même en mutation, entre hypercentralisation stratégique et émiettement de la réalité juridique des entreprises. Le choix affirmé d’une logique anticipatrice dans la définition des procédures d’information – consultation questionne cette dimension) de gouvernance de l’entreprise.
Le pari sera bien alors d’étendre le champ du dialogue social, dans le sens d’une remontée à la source : de l’indemnisation des restructurations à leur anticipation ; de l’information sur la situation de l’entreprise à la participation à la décision stratégique…La représentation des salariés au Conseils d’administration paraît certainement la prochaine frontière, pour un dialogue social constructif dans l’entreprise.
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