Digitalisation de la société : La différence entre la théorie et la pratique
En Janvier 2005, j'ai perdu mon permis de conduire. Cela s'est passé violemment, il était resté dans ma chemise et avait subi la machine à laver du samedi soir. Le dimanche matin, le terrible spectacle d'une chemise tachée à vie par le rose délicat d'un permis de 19 ans d'age m'avait plongé dans l'embarras. Embarras accentué par le fait que, le soir même, je devais récupérer une voiture de location pour un déplacement professionnel. Un séjour au commissariat de garde pour déclarer cette perte douloureuse m'avait permis, en moins de 2 heures, de bénéficier d'un sésame me permettant de circuler en toute légalité et de louer le véhicule nécessaire à mon activité professionnelle. Le nouveau permis, du même rose délicat, m'était délivré 3 semaines après. C'était avant la digitalisation !
Sans être un maniaque de la perte d'objet, j'ai de nouveau perdu mon permis de conduire dernièrement (le premier qui me demande ou, je lui conseille de regarder la définition du verbe perdre) et m'en suis rendu compte le 20 octobre dernier (ce n'était pas un dimanche). Je retourne au même commissariat qui me dit que cette compétence n'est plus chez eux et qu'il faut maintenant s'adresser à la préfecture. La préfecture me dirige rapidement vers le site de l'ANTS (Agence Nationale des Titres Sécurisés : https://ants.gouv.fr).
Je me connecte donc rapidement sur ce site, arrive à circuler à l'intérieur relativement facilement, suis sous le charme quand celui-ci me propose de me rendre au photomaton le plus proche de chez moi pour compléter le dossier d'une photo et d'une signature, de scanner mon justificatif de domicile et de compléter le dossier en moins d'un heure. Une fois le dossier complété j'ai droit à cette annonce "Une fois la déclaration de perte validée par les services de l'État, vous serez informé par message électronique et vous pourrez télécharger sur votre compte une attestation de perte. Cette attestation valable 2 mois vous permettra de conduire en attendant la production et l'envoi de votre nouveau permis ou de votre duplicata."
Le 26 octobre je m'inquiète du statut de ma demande et relance donc le dossier, précisant que j'avais absolument besoin de l'attestation de perte pour le 26 novembre , un déplacement professionnel important à l'étranger avec location de véhicule m'attendant. Je reçois le jour même une information m'avertissant de la bonne prise en compte de mon dossier.
Nous sommes le 21 novembre, je n'ai toujours rien reçu. Ma visite à la préfecture s'est soldée par un "c'est pas nous". Devant la détresse de ma situation, l'employée, charmante au demeurant, s'est éclipsée 20 minutes et est revenue me dire "Votre dossier est complet mais vous ne recevrez rien pour ce week-end". Je passe sur le fait qu'elle avait essayé de me faire connecter directement sur son poste avec mes identifiants personnels car elle n'a pas d'autres moyens de voir les dossiers de l'ANTS, je passe sur le fait que l'ANTS m'a signalé, en mentant de manière éhontée, que le dossier était en préfecture de Nice depuis le 27 octobre (les dossiers sont tous gérés dans le Nord) mais j'ai du mal à passer sur le fait que les projets de digitalisation coûteux menés inconséquemment par l'Etat font de moi une personne qui théoriquement ne devrait plus se déplacer depuis le 20 octobre, donc dans l'impossibilité d'exercer mes fonctions professionnelles et qui donc pourrait aller jusqu'à une perte d'emploi.
La digitalisation c'est le progrès ! Vraiment ? En théorie oui mais en pratique ...Ce qui mettait 2 heures (même le dimanche !) il y a 13 ans se trouve aujourd'hui sans solution, sans délai et surtout sans prise en compte des conséquences induites par un tel "je m'en foutisme".
Likez, partagez, haïssez ce post mais faites qu'il passe sous les yeux des responsables d'un tel gaspillage de nos impôts dans des projets coûteux qui ne traitent pas la globalité des sujets et laissent l'usager avec un service dégradé.
Enfin, je tiens à préciser que toutes les personnes que j'ai croisées sur ce dossier ont été compétentes, à l'écoute, attentives et professionnelles. J'en veux aux responsables de ces projets qui me projettent dans la catégorie des v...x c..s en m'amenant à constater à mon tour que "C'était mieux avant !".
Consultante Interne en Organisation publique | Coach collectif (Grenoble Ecole Management) | Focus Insight (OptimHommes) | Bureau AndCO Ass. Nationale Conseil Organisation du public
6 anseh ce n'est qu'un début...ce n'est pas le problème de la manière (ici en ayant digitalisé), mais le pb du résultat que l'on souhaitait atteindre de cette manière. Quelques fois, nous faisons pire que mieux en digitalisant...et votre exemple est signifiant: que voulions nous ici, rendre un meilleur service à l'usager ou réduire les coûts salariaux? (voilà ce que m'inspire votre article, dont j'adore le style...continuez)
Consultant en organisation et management
6 ansEh oui... Le "problème" de ses projets est qu'ils sont souvent trustés par des techniciens ou pseudo techniciens de l'administration, et en centralité. Nous avons un bel exemple de technocratie. (Littéralement "pouvoir à la technique". L'altitude fait qu'il y a moins d'oxygène et on réfléchis moins bien sans doute. La solution est de faire porter ces projets par des vrais collectifs issus de toutes les parties prenantes, à commencer par ceux qui sont sur le terrain... A bientôt Olivier, je reconnais bien ton style et ta capacité à t'insurger contre ce qui manque de bon sens et ce après toutes ces années ! ;-)