Dis papa, ça veut dire quoi « Donner du sens » ?…
Quel manager n’a pas entendu cette expression dans l’année qui vient de s’achever comme la solution miracle au problème du moment ?
Le sens est à la mode. Tout le monde semble en vouloir : les salariés, la génération Y, les collaborateurs rétifs au changement, les clients. Comme l’enjeu est important, le mot se fait volontiers précédé du verbe donner. « Donner du sens » est devenu un mot d’ordre.
La limite de l’expression, à priori irréprochable, est atteinte lorsqu’elle se transforme en injonction. « Donner du sens » devient alors « Donnez du sens !».
Alors, formule péremptoire tendance ou, comme on semble le croire, authentique graal managérial ?
Quand le conseil bienveillant se transforme en directive, il est nécessaire de s’interroger. L’insistance ainsi prononcée impose le sens comme une doctrine, prenant le risque que tout le monde ne s’y reconnaisse pas ou bien révèle précisément un défaut ou une absence de sens ? « Donnez du sens ! Allez, donnez du sens ! Mais si, vous savez bien, celui qui nous fait tant défaut » semblent alors dire de plus en plus les stratégies d’entreprise aux managers chargés de les relayer au terrain.
Autant dire : « Trouvez-le vous même ! »
Dans un contexte global où pointent, l’holacratie, l’entreprise libérée, le management participatif, les stratégies descendantes persistent malgré tout dans la plupart des organisations, chargées de « quoi » (faire), « comment » (le faire), « pour quand » (le faire)…Le sens devient alors l’unique recours pour éviter le grand écart.
Donner du sens induit qu’il y en ait un. Faute de le connaître (ou qu’il existe), aider les managers à en retrouver (ou en trouver) s’avère nécessaire. Le sens est essentiel pour, la compréhension des enjeux, l’anticipation des réticences, la motivation, la bonne marche de nos organisations humaines tout simplement.
Evitons toutefois, si cela est possible, de nous le faire imposer. Seul le sens qui nous appartient est le bon…sens. Celui-là se travaille. Il est le fruit des idées qu’on pétrit, des situations dans lesquelles on fait l’effort de se projeter avant qu’elles n’arrivent. Il induit une complicité entre les strates managériales et demande réflexion et concertation.
Réapprenons à mettre en perspective les situations que l’on doit traiter, en s’obligeant à raisonner à plus long terme, en échangeant sur les conséquences de nos décisions, pour trouver notre sens. Parce qu’il nous sera propre, il deviendra plaidable, explicable, légitime au sens le plus fort, puisqu’il émanera de nous-mêmes.
Fermons les yeux et imaginons un monde dans lequel les dirigeants, si prompts à exiger que du sens soit donné, se mettent en disponibilité auprès des managers du terrain : « Si vous ne comprenez pas, si vous craignez que vos collaborateurs ne comprennent pas, venez chercher du sens auprès de nous… » ; Ou mieux encore, « nous nous efforcerons ensemble d’aller en chercher plus haut s’il le faut »…
Et si nous n’en trouvons pas, nous nous poserons enfin et sans honte, la question du pourquoi (le faire !) et nous tenterons d’y répondre avec honnêteté et humilité.
A ce prix, nous aurons des managers cohérents sans cesser d’être inventifs, crédibles bien qu’intègres et appréciés pour leur propre sens.
Eugénie HIRTZ et Jean-Marc CLEYET
Excellence Opérationnelle & Citoyen engagé
7 ansFaut il en conclure qu'il faut donc surtout travailler l’alignement de nos sens?
Directrice développement GSE - Industrie, Laboratoire et Tertiaire
7 ansLe sens ne doit pas être imposé, il peut découler d'une vision souvent managériale. On peut aussi avoir son propre sens , et s'il "colle" avec celui de l'entreprise où vous travaillez, c'est parfait.
General Secretary, Chief of Staff, Amundi Alternative & Real Assets
7 ansMm
Directrice amélioration continue
7 ansJe suis d'accord. Une entreprise doit forger son propre sens qui a une corrélation avec sa mission, sa vision, les contraintes et les avancés technologiques qui l'entourent. Le sens se bâti à travers les individus qui animent l'entreprise et qui la fait progresser. Pour terminer le sens doit transparaître dans nos processus.
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8 ansJ'aime beaucoup ce billet. Je trouve personnellement, et semble-t-il en opposition aux commentaires, que le "sens" est fondamental. Le "Directeur" est étymologiquement celui qui donne la "direction" à l'entreprise et à ses collaborateurs par conséquence, par l'intermédiaire de ses managers qui servent de courroie de transmission du "sens" que le Directeur impulse. Il n'est pas inutile de répéter ce que peut être le sens d'un travail à n'importe quel niveau de l'entreprise vis à vis du sens plus général qu'impulse le Dirigeant. Ce "sens" peut ne pas être forcément en lien avec la production de l'entreprise. Il peut être managérial. Du coup, les entreprises holacratiques sont basées sur un sens organisationnel particulier, en plus des autres particularités de l'entreprise. Ce "sens" au fond, a peut-être plus à voir avec la culture de l'entreprise, ce qui fait son originalité, donc ce qui la rend unique. Et si les collaborateurs sentent que cette culture est forte et unique, ils y adhèrent parce qu'ils n'auront plus peur d'en être... ou en partent pour une autre où ils seront plus motivés. D'où la lettre de motivation. Pourquoi en demande-t-on encore ?... pour savoir si le sens de ce que le candidat serait motivé à donner sera en concordance avec le sens plus général de l'équipe ou de l'entreprise.