Discours prononcé au nom du Gouvernement provisoire, par le général Charles Hérard aîné, chargé de la présidence aux délibérations dudit Gouvernement

Discours prononcé au nom du Gouvernement provisoire, par le général Charles Hérard aîné, chargé de la présidence aux délibérations dudit Gouvernement

Port-Républicain, le 1er janvier 1844.

Nos pères, fatigués du monstrueux despotisme colonial, transformèrent leurs chaînes en instruments de vengeance ; la Liberté marcha suivie de revers et de succès ; la victoire se fixa enfin sous nos drapeaux ; et dans cette île où chaque lieu n'était marqué que par des forfaits inouïs, où chaque pas ne s'imprégnait que dans le sang, où chaque regard ne rencontrait qu'un enchaînement de souffrances, où chaque écho ne répétait que de longs gémissements, dans cette île infortunée, le monde civilisé vit apparaître avec joie un peuple nouveau, le front couronné par les palmes de la gloire, et proclamant, sous les auspices de l'Être Suprême, l'indépendance de son territoire et de son gouvernement.

C'est au glorieux Dessalines, c'est à ses immortels compagnons que la patrie dût l'ère nouvelle dans laquelle elle entra : l'issue de la guerre de l'indépendance est un prodige. Haïti ne s'est couronnée de tant de lauriers que parce que l'union et la confraternité avaient fait de la nation un seul homme ; renouvelez les nœuds de cette sainte union et de cette sainte confraternité ; resserrez-les avec plus d'amour, car souvenez-vous que le jour où chacun, n'écoutant que la voix de l'orgueil, divisera ses intérêts de ceux de ses concitoyens, ce jour-là, notre civilisation se refoulerait dans les ténèbres du passé, votre liberté et votre indépendance seraient à tout jamais perdues.

C'est aujourd'hui la 41ème  année de la proclamation de cette indépendance ; c'est à pareil jour que, dans la sainte ville des Gonaïves, nos pères, après avoir juré haine aux tyrans, prêtèrent le serment de vivre sous la loi d'une indissoluble union ; quel plus beau jour pour nous que celui-là ! Après avoir repoussé de notre sein l'ignoble despote, n'est- ce pas l'instant de nous confondre dans l'unique et suprême pensée du bien public ?

A la patrie, citoyens, nos bras et nos âmes ! Les forces de notre intelligence et la vaillance de nos épées ! A la patrie toute notre sollicitude !! Alors nous serons puissants et forts.

Sans les guerres intestines qui nous divisèrent, et sans l'administration immorale que nous venons de renverser, la République, entraînée dans le mouvement ascensionnel du siècle, brillerait maintenant de l'éclat le plus majestueux ; mais consolons-nous, citoyens ; la révolution, inaugurée le 27 janvier de l'an dernier, se termine ; un gouvernement définitif, énergique mais juste, va continuer l'œuvre de nos devanciers qui était interrompue depuis 25 ans; une nouvelle constitution sera bientôt proclamée ; le peuple en appréciera les dispositions ; toutefois, elle retirera la République de l'état critique et incertain où elle flottait ; il faut que, dorénavant, entre le gouvernement et les administrés, règne la noble émulation du bien public .

C'est à vous, pères de famille, que sont confiées les destinées futures de la patrie ; inculquez dans le cœur de vos enfants l'amour de l'ordre et de la paix publique avec l'indépendance du caractère ; l'amour du travail sans lequel il n'existe point de bonheur, l'amour de l'Agriculture surtout ; inspirez- leur le respect aux lois et à la vieillesse, la fraternité entre eux ; bannissez surtout de leurs cœurs les funestes préjugés ; faites- en des citoyens pour la patrie.

Instituteurs publics, à vos lumières et à votre patriotisme est confié l'espoir du pays ; chaque palme qu'obtiendra la jeunesse ombragera vos fronts.

Soldats de la ligne et de la garde nationale, soyez toujours prêts au signal de l'honneur, soyez toujours prêts à comprimer les factions, si jamais elles osaient remontrer leur front audacieux ; soyez toujours prêts à combattre et mourir pour l'indépendance du pays, si jamais elle était menacée ; soldats, vous avez pour héritage la bravoure de vos aïeux, vous serez indomptables!

Citoyens, magistrats, et vous, valeureux descendants des hommes de 1804, jurons de vivre libres et indépendants, de nous ensevelir sous les ruines de la patrie plutôt que de courber la tête sous le joug d'aucune domination étrangère; Jurons haine à la tyrannie, et que l'air retentisse mille fois des cris de Vive la Liberté ! Vive l'Égalité ! Vive l'Indépendance ! Vive la République ! Vive le Peuple Souverain !


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Description : En 1768, Jean-Valentin Vastey, un jeune paysan normand, part tenter fortune à Saint-Domingue. C'est alors la colonie la plus juteuse du royaume. Et la chance lui sourit bientôt. Il épouse la fille d'un riche planteur. On la dira liée à la famille d'Alexandre Dumas. Voilà Jean-Valentin à la tête de 80 captifs. Mais le vent tourne. Les métis, les esclaves se soulèvent tandis que les blancs s'accrochent à leurs privilèges. Vastey croise Toussaint Louverture et fuit sa plantation en feu. Ruiné, malade, que deviendra-t-il, lui, le colon dont le fils embrasse la cause des noirs. A l'indépendance d'Haïti, ce fils connaît un destin fabuleux. Anobli, il devient la voix du régime et le conseiller du roi Christophe dont il partagera la fin tragique. Le baron de Vastey laissa derrière lui des écrits enflammés contre le colonialisme. On le considère aujourd'hui comme le père de la négritude


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