Dommage corporel, le scandale des tableaux à double entrée

De manière régulière, les contrats qui couvrent l’incapacité de travail, les couvertures de prêts hypothécaires, assurent le risque pendant 3 ans maximum d'arrêt de travail

 

Au delà, ils consolident et indemnisent si l’assuré atteint un certain seuil


C’est là qu’intervient la scandaleuse hérésie :

 

D’abord, il est souvent fait référence à une mention soigneusement dissimulée en petits caractères dans les nombreuses pages des conditions générales et particulières :

« L’assureur n’est pas tenu par les conclusions de la SECU »

 

J’admets que les expertises SECU sont parfois étonnantes mais ne se caractérisent pas, en général, par une grande générosité.

Alors lorsqu'il est établit une incapacité professionnelle égale ou supérieure au 2/3, je pense qu’elle est acceptable, sauf …

Par les assureurs

 

Ensuite et surtout, l’indemnisation se fait par une double évaluation

-       L’incapacité professionnelle

-       Le déficit fonctionnel

 

Le trait gras marque respectivement la limite du tauX à 33% et 66%


On souscrit un contrat censé couvrir l'incapacité de travail mais on y introduit une dose d'IPP bien que, comme le mentionne le Barème dit de Droit Commun des assureurs,

L'éventuelle incidence sociale et/ou professionnelle ne fait pas partie du contenu de l'IPP

La finalité du contrat est donc dévoyée

Mais cette pratique permet souvent à l’assurance d’échapper à ses obligations

 

Pour aider le profane à comprendre l’enjeu, je vais prendre un exemple un peu extrême :

Imaginons un violoniste concertiste international.

Il perd dans un accident, la 3e phalange du 5e doigt gauche et il est droitier

Il ne peut donc plus jouer au violon,

Il peut juste donner des cours de solfège

Sa situation est proche d’une invalidité professionnelle de 100%

IPP dans le barème dit de droit commun des assureurs : 3%

Indemnisation : O€

 

Un certain nombre de constats doivent être faits

 

Les médecins conseils d’assurance ont une propension à prendre toujours une position qui sous évalue l’AIPP, en manière telle que dans le tableau croisé, la victime se retrouve quasi systématiquement en dessous de la zone d’indemnisation.

En outre, de manière non exceptionnelle, sur des critères mystérieux ou secrets auquel le non-initié n’a pas accès, ils fixent l’incapacité professionnelle à un taux le plus souvent largement inférieur à 100%

 

Le summum a été atteint récemment :

Lors d'une rencontre avec un sapiteur cardiologue, l’incapacité totale de travail de la victime fut reconnue de commun accord et considérée comme toujours en cours

Quelle n’est pas la surprise, à la lecture du rapport de l’expert principal, d’apprendre que le sapiteur a reçu « une mission complémentaire » qui, à notre insu, limite l’incapacité totale à 8 jours, suivi d’une période à 50% et une consolidation avec un taux à 5%

Ceci ressemble furieusement à une mission rectificative avec des instructions précises, limitatives (mais où donc est l’indépendance  tant affirmée du médecin conseil ?)

 

Le deuxième point porte sur la méthode :

Les polices d’assurance concernées portent sur la couverture d’une incapacité de travail. L’utilisation d’un tableau à double entrée qui module les critères de prise en charge par une incapacité fonctionnelle, contrevient selon moi, à l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation, justement rappeler par la Cour de Cassation (chambre civile 1, 13/12/2012, 11-27, publié au bulletin) et qui stipule

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »


Il me semble intéressant de rappeler deux articles de loi qui me semblent pouvoir être invoqués:

  • l’article 1171 du Code civil prévoit que : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. ».

 

  • L’article 1104, du Code civil érige au rang de principe l’idée que : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. ». Ainsi, en référence aux articles 1194 et 1103, on peut en déduire que, « c’est parce que les contrats ont la même force que la loi, qu’ils doivent être exécutés de bonne foi ». 


Enfin, je me demande si l’Article 50 du code de déontologie médicale (article R.4127-50 du code de la santé publique) ne trouve pas à s’appliquer

Le médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliter l'obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit.

 

On retrouve encore parfois, la notion d’une « incapacité totale et définitive de reprendre une activité professionnelle quelconque »), pour éviter l’indemnisation.

La Cour de cassation a pourtant censuré cette approche :

« L’incapacité doit s’apprécier en fonction des répercussions de l’accident ou de la maladie sur l’activité professionnelle de l’assuré et non par référence à une activité professionnelle quelconque ».

L’assuré peut donc prétendre, dans ce cas, au bénéfice de la garantie.

Le rejet de cette argutie est absolument logique :

Une quadriplégique, grâce à la dictée vocale et à l’IA, pourrait parfaitement être capable de travailler. Il reste juste à trouver l’employeur !

 

 

Les assurés, potentielles victimes, ne sont malheureusement pas informées de ces arguties assurantielles.

Ce défaut d’information me semble une voie de contestation exploitable

 

En tout cas, il faut espérer qu’un jour, une victime courageuse, patiente et dotée des moyens financiers, ait la force et la conviction pour aller jusqu’en Cassation

 

 

monteiro silver frederik

Coördinator projectontwikkeling chez Coca-Cola Bottling Co. Consolidated

3 sem.

Excellent travail, bravo Docteur encore du travail bien sûrement écrit, en souhaitant bonne année 2025!

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