DRH Business Partner : quelle est sa place ?
Don Quichotte et Sancho Panza - Google Images

DRH Business Partner : quelle est sa place ?

Dépassée de sa fonction support, la fonction RH a su justifier sa place de « créatrice de valeur », dans un contexte propice aux crises et aux évolutions. De nouveaux métiers sont nés, dont celui de DRH business partner. Voici une proposition de réflexion sur le sujet...

Qu’est-ce qu’un(e) Directeur(rice) des Ressources Humaines « partenaires d’affaires » (business partner) ?

Dans leur ouvrage « Fonctions RH », Maurice Thévenet et al. placent le (la) DRH au plus haut niveau de la fonction des Ressources Humaines (2015, p. 93). En effet, c’est lui (elle) qui est à la source de la définition et de la politique de la stratégie RH. Autrement dit, il (elle) « pense » le modèle RH de son entreprise. Le statut stratégique du poste de DRH est, également, renforcé par sa place au sein du comité de direction.

Par définition, le business partner ou partenaire d’affaires est un acteur de performance (business/affaires), mais également un créateur de lien et de confiance (partner/partenaire). En effet, le business partner est en charge du bon déploiement de la stratégie globale, à travers tous les niveaux de l’entreprise (stratégique, tactique et opérationnel). Autrement dit, il donne du sens aux prises de décisions, en ralliant les enjeux spécifiques du business et de l’opérationnel.

Alors, le (la) DRH business partner [DRHBP] serait à la fois le référent de la performance RH et le garant du bon déploiement de la stratégie RH, à travers tous les niveaux de l’entreprise. Cela veut dire que le DRHBP ne se contente pas de « penser » la stratégie RH : il doit la comprendre dans une perspective stratégique (Thévenet et al., 2015, p. 93). Autrement dit, il définit les concepts RH qui seront utilisés, en réponse à la stratégie globale. Puis, il veille à l’assimilation de ces concepts sur le terrain, par les méthodes et outils RH appropriés. Ainsi, nous comprenons que le rôle et les missions du DRHBP s’étendent à la globalité de son entreprise.

En 2011, le magazine Personnel posait la question, dans le numéro 521, « DRH business partner : mythe ou réalité ? », sur les défis liés aux niveaux d’implication du DRHBP. Comment organiser ses différentes missions ? Comment définir son rôle, devant les diverses attentes de ses partenaires ? Comment déployer une perspective stratégique RH performante et cohérente à tous les niveaux (stratégique, tactique et opérationnel) ? Il semblerait que le DRHBP souffre, sur le terrain, de son « multi-positionnement » et par conséquent, d’un manque de sens à son métier.

En quoi le DRHBP possède un rôle controversé, au sein de l’entreprise ?

Nous étudierons, dans un premier temps, le problème de place du DRHBP, au sein de l’organisation. Ensuite, nous aborderons le problème de sens, lié au métier du DRHBP. Nous conclurons sur une perspective d’évolution, pour le DRHBP.

I.           Le problème de place

Placé à la tête de la stratégie sociale d’une entreprise, le DRHBP joue un rôle à multi-niveaux. En effet, il travaille avec le top management (niveau stratégique), et comme vu plus tôt, il accompagne aussi le management de proximité (niveau tactique) et plus généralement, les collaborateurs de l’entreprise (niveau opérationnel). Ce « multi-positionnement » soulève ces questions : comment le DRHBP peut gérer les attentes de chacun ? Comment ces différents acteurs perçoivent le rôle du DRHBP ? En m’appuyant sur la théorie des rôles des RH (Ulrich,1996 ; Ulrich & Brockbank, 2005), nous chercherons à comprendre la place attendue du DRHBP, par les trois groupes suivants : le top management, le management de proximité et les collaborateurs.

I.1.   Le top management

Le top management a besoin du DRHBP dans une perspective stratégique, pour améliorer les processus d’entreprise et gérer le capital humain de l’organisation. Aujourd’hui, le DRHBP est devenu indispensable à la stratégie globale de l’entreprise, dû aux tendances externes macroéconomiques (e.g. enjeux de la RSE et de la réputation d’entreprise) et microéconomiques (e.g. pression de la concurrence). Ces évolutions externes à l’entreprise ont crédibilisé la place du DRHBP, comme un partenaire stratégique et un agent de changement (Ulrich,1996). Par exemple, le DRHBP guide le top management sur sa politique sociale et ses investissements RSE : comment recrutons-nous ? comment assurerons-nous l’égalité des chances, dans notre entreprise ? comment prévenons-nous les risques au travail ? Aussi, le DRHBP est à l’origine des politiques de changement, comme par exemple les restructurations. Le top management lui demande de définir cette transformation et de veiller à son application, sur le terrain. 

Alors, les demandes du top management vis-à-vis du DRHBP s’avèrent lourdes et complexes. D’abord, les politiques et initiatives RH ne sont pas toujours adaptées, au cas de l’entreprise en question. John Kotter, dans son livre « Leading Change » expliquait que c’était la première cause d’échec pour les transformations organisationnelles (1995) : dirigeants et partenaires RH voyaient le changement comme une réponse à une tendance, plutôt que comme une évolution réelle de leur entreprise. Comment être un agent du changement pour une transformation qui n’est pas nécessaire, pas prioritaire,… ? Comment œuvrer pour une politique sociale performante, si son objectif premier est de simplement répondre aux tendances externes (macroéconomique/microéconomique) ? Nous pouvons nous interroger sur l’authenticité du rôle de DRHBP. Réel partenaire stratégique pour l’entreprise ou simple composant de la stratégie marque employeur ?

Aussi, le DRHBP, qui gère le capital humain de son entreprise, fait face à un problème de mesure de la performance. Comment rendre compte, au top management, des compétences et métiers performants qui doivent être développés, quand les informations récoltées manquent de fiabilité ? Le DRHBP semble être dépendant de sa relation avec le management de proximité et de ses collaborateurs.

I.2.   Le management de proximité

Le management de proximité a besoin du DRHBP, dans une perspective à la fois tactique et opérationnelle. D’abord, le DRHBP est agent de changement : il accompagne les managers dans les transformations d’entreprise, notamment, concernant la gestion d’équipe. Le DRHBP est aussi un expert fonctionnel (Ulrich & Brockbank, 2005) ; c’est-à-dire qu’il conseille et amène les managers, vers une autonomie sur différentes tâches RH, qu’il leur a déléguées. Par exemple, la gestion du planning et des absences peut être effectuée par le manager, qui transmet ces informations à la fonction RH, qui les enregistre sur le SIRH.

L’autonomie du management de proximité semble faire grandir la confusion, dans le rôle du DRHBP (Magazine Personnel, 2011). Dans un sens, la démarche d’autonomie a des airs d’assistanat, vécu par le DRHBP : « les managers ont toujours besoin de moi pour tout », « ils n’ont rien compris à la stratégie, je suis obligé de tout contrôler ! ». De l’autre sens, l’autonomie visée ressemble à une surcharge de travail injustifiée et inadaptée, du côté des managers : « je croûle sous le travail et je dois faire ces questionnaires en plus ? je vois pas l’intérêt ! », « on nous explique rien de toutes les manières, on doit se débrouiller ! »… Ces sentiments sont dûs à un manque de communication et à une mauvaise transmission des informations. Comment rester un partenaire d'affaires, dans ces conditions ? Comment managers et DRHBP peuvent espérer créer de la valeur, si leur relation manque de confiance ? Comment le DRHBP peut déployer sa stratégie RH, si le management de proximité n’y trouve pas d’intérêt ? Nous voyons ici l’importance de partir des besoins de l’entreprise, pour penser toute politique sociale. Ce point semble primordial pour crédibiliser la place du DRHBP. Est-ce que cela veut dire qu’un DRHBP performant est celui qui est attentif aux demandes de tous ses collaborateurs ?

I.3.   Les collaborateurs

Les collaborateurs ont besoin du DRHBP, dans une perspective opérationnelle et tactique. En effet, le progrès au travail et l’investissement des entreprise sur la gestion du capital humain, mettent les demandes des collaborateurs en lumière. La Harvard Business Review France consacrait un dossier sur « la valeur du bonheur », qui démontrait que des employés épanouis dans leur travail contribuaient fortement à la performance d’entreprise (2016, p. 41-75). On y incitait, les dirigeants et notamment les DRHBP, à intégrer des politiques de bien-être au travail, visant à améliorer l’environnement de travail et à développer le potentiel du salarié.

Le DRHBP devient à la fois un développeur de capital humain, un avocat des salariés et un expert fonctionnel (Ulrich & Brockbank, 2005). Un triple-rôle qui rappelle au DRHBP les besoins de ses collaborateurs : l’évolution de leur carrière et l’amélioration de leur environnement de travail. Mais, comment intégrer ces demandes à la stratégie RH ? Est-ce qu’elles sont toutes créatrice de valeur ? La complexité du rôle du DRHBP est de trouver l’équilibre entre la richesse des demandes, au sein de son entreprise et les exigences des tendances externes.

De plus, le DRHBP se trouve confronté à un problème de concrétisation. Est-ce que les méthodes et outils RH sont accessibles et compris de tous ? En quoi ces initiatives servent à la performance d’entreprise ? Ce dernier point est lié à la difficulté des RH de faire le lien entre leurs activités et la performance (Thévenet, et al., 2015). Cela voudrait dire qu’un DRHBP serait plus serviable que servile, s’il réussissait à être reconnu pour ses actions de performance et de création de lien. Comment le DRHBP peut rendre compte de la valeur de son travail, pour les autres et pour lui-même ?

 Nous avons vu que le problème de place du DRHBP réside dans les multiples perceptions de son métier par le top management, le management de proximité et les collaborateurs. Ainsi, il est facile pour le DRHBP de se sentir « coincé » dans son métier et d’avoir l’impression d’être plus servile que serviable. Le DRHBP a besoin de clarifier son rôle et ses missions, afin de lui donner du sens et donc, de la valeur pour l’entreprise.

II.           Le problème de sens

La fonction RH a connu différentes dénominations, liées aux transformations de ses missions et à l’évolution de ses métiers (Thévenet, et al., 2015, p. 9). Maurice Thévenet et al. expliquent que cette « multi-dénomination » est à l’origine de la complexité des RH : de quoi les RH sont réellement responsables ? (2015). Dans le cas du DRHBP, nous pouvons nous demander si les multiples perceptions du métier ne sont pas associées à cette addition du nom de « DRH » et celui de « business partner ». Autrement dit, est-ce que la dénomination n’est pas à l’origine des confusions du rôle du DRHBP ? Dans un autre sens, est-ce que ce « multi-rôles » du DRHBP ne montrerait pas que son métier répond à un réel besoin, en entreprise ?

II.1. Un nom, une fonction

Pouvons-nous redonner du sens au rôle du DRHBP, en changeant sa dénomination ? Prenons le cas du groupe hôtelier AccorHotels, qui a transformé le département des RH pour celui de « Talent & Culture » (AccorHotels Group, s.d.). Par ce changement, l’équivalent DRHBP choisit de définir son métier, autour de l’axe Talent et l’axe Culture. Cela veut dire que cette nouvelle dénomination libère de toutes les anciennes associations d’idées, liées au DRHBP et prépare l’équivalent DRHBP à définir et déployer sa stratégie RH, à travers ces deux axes. Ainsi, il paraît beaucoup plus facile à AccorHotels de faire valoir sa politique des talents. Par exemple, en multipliant leur présence sur les réseaux sociaux et en investissant sur de nouvelles approches de recrutement (e.g. recrutement par casting), l’équivalent DRHBP touche une large audience, qui va nourrir cette stratégie du Talent et par conséquent, créer de la valeur pour l’entreprise (e.g. marque employeur glorifiée).

Une nouvelle dénomination peut développer la place de leader du DRHBP, au sein de la stratégie globale. En effet, tout rôle RH se doit d’être « leader des RH » (Ulrich & Brockbank, 2005). Cela veut dire que, pour donner du sens au rôle du DRHBP, il faut que ce dernier ait des qualités de leadership : être inspiré et inspirant, motivé et motivant, reconnu et reconnaissant… N’y aurait-il pas un problème de leadership, derrière la controverse du rôle du DRHBP ?

II.2. Métier d’avenir

Le défi du DRHBP est celui d’allier l’humain avec le business. Ce paradoxe fait grandir « les sceptiques » : est-ce possible de créer des entreprises humaines ? Cette analyse nous amène à cette question : est-ce que le rôle du DRHBP manque de sens, par son incapacité à croire en ses missions et à transmettre sa foi, à ses partenaires ? 

Nous avons vu que la mauvaise communication nuisait à la qualité des relations humaines, étroitement liée à la performance RH (et donc, de l’entreprise). Cela laisse suggérer qu’une entreprise qui n’arrive pas à créer du lien entre tous ses niveaux, ne peut pas performer sur le long terme. N’y aurait-il pas intérêt d’investir sur des métiers, méthodes et outils qui permettent une meilleure communication, dans l’entreprise ? N’y a-t-il pas une place pour le DRHBP, prédisposé à faire du lien, à tous les niveaux de l’organisation ?

 

Le DRHBP, né des évolutions externes, répond à des besoins essentiels, en entreprise. Son implication « multi-niveaux » le rend, à première vue, servile. Le DRHBP, en charge de multiples rôles, souffre du manque de sens de son métier, dans l’entreprise. En effet, nous avons vu que le rôle controversé du DRHBP était, en partie, causé par les multiples perceptions du métier par le top management, le management de proximité et les collaborateurs. Nous avons proposé deux pistes d’action : le changement de dénomination et le travail sur le leadership du métier. Toutes deux appartiennent à la notion de la communication.

Lors de mon mémoire académique « la toxicité en entreprise » (2017), j’ai étudié le phénomène des personnes toxiques au travail – en quoi et pourquoi le sont-elles ? J’ai pu constater que le refoulement des émotions – entre autres – participait à la toxicité d’une personne, qui nourrit le processus de toxicité d’une entreprise. Il serait intéressant de comprendre comment la libération des émotions pourrait devenir un axe de communication majeur, pour le DRHBP de demain. Cette valeur pourrait être à la source d’une politique anti-toxicité, visant à assainir les relations humaines, au sein de l’entreprise.


Références:

AccorHotels Group. (s.d.). Nos valeurs. Consulté le Février 26, 2018, sur Site web Accorhotels group: http://www.accorhotels.group/fr-FR/talent/our-philosophy/our-values

Halopeau, S. (2017). La toxicité en entreprise. Groupe Sup de Co La Rochelle.

Harvard Business Review France. (2016). La valeur du bonheur. Harvard Business Review France, 12, 41-75.

Kotter, J. (1995). Leading change: Why transformation efforts fail. Harvard Business Review Press.

Magazine Personnel. (2011). DRH Business Partner: mythe ou réalité? Magazine Personnel, 521.

Thévenet, M., Dejoux, C., Bender, A.-F., Condomines, B., Marbot, E., Normand, E., . . . Storhaye, P. (2015). Fonctions RH: Politiques, métiers, outils des ressources humaines (éd. 4e). Montreuil: Pearson.

Ulrich, D. (1996). Human Resources roles: creating value, not rhetoric. People and Strategy, 19(3), 38.

Ulrich, D., & Brockbank, W. (2005). The HR value proposition. Harvard Business Press.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Séverine Halopeau

Autres pages consultées

Explorer les sujets