Droit de préemption et Covid-19
Petit point sur la situation en droit de préemption urbain pendant la crise sanitaire, régie notamment par les dispositions de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et de l’ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, telle que modifiée par l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril et par l’ordonnance n°2020-539 du 7 mai fixant des délais particuliers applicables en matière d’urbanisme.
Parue au JO du 8 mai, cette dernière ordonnance a pour objectif de figer la période juridiquement protégée en droit de l’urbanisme du 12 mars au 23 mai.
Mais elle présente d’importantes omissions en droit de préemption …. Surtout si rien n’est spécifiquement prévu en la matière par les nouvelles dispositions législatives adoptées prochainement en vue de la prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 24 juillet (projet de loi présenté en Conseil des ministres le 2 mai).
Instruction des DIA (article 12 quater de l’ordonnance)
- Pour les DIA dont l’instruction était en cours au moment de l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, leur délai d’instruction a été suspendu et recommencera à courir le 24 mai pour la durée restante.
- Pour les DIA déposée à partir du 12 mars et dont l’instruction aurait dû commencer pendant la crise sanitaire, leur délai d’instruction ne commencera qu’à compter du 24 mai, c’est-à-dire que la décision de préemption devra être notifiée au plus tard le 24 juillet, sauf si une demande de pièces complémentaire et/ou une demande de visite a été formulée avant cette date.
Remarque : la prorogation de la période d’état d’urgence jusqu’au 24 juillet, prévue par le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 2 mai, n’a pas d’incidence sur les délais puisque l’article 12 quater mentionne désormais une date précise, le 24 mai, pour la reprise de l’instruction des DIA déjà entamée ou devant débuter.
Remarque bis : l’ordonnance du 7 mai semble être entachée d’une coquille affectant la rédaction de l’alinéa 2 de l’article 12 quater dans la mesure où il énonce que « le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 est reporté à l'achèvement de celle-ci », alors qu’il aurait dû spécifier que le point de départ du délai est reporté « à cette date ».
Recours contre une décision de préemption (article 2)
Pour les décisions de préemption dont le délai de recours aurait dû expirer depuis le 12 mars, la date butoir est reportée au 24 août puisque le délai de recours de deux mois sera déclenché à la fin de la période juridiquement protégée, laquelle s’étend jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence fixée à ce jour au 24 mai (24 mai + 1 mois + 2 mois de délai de recours = 24 août).
Remarque : les recours dirigés contre une décision de préemption ne sont pas concernés par la suppression du délai tampon d’un mois à la sortie de l’état d’urgence et du remplacement de la prorogation par la suspension du délai de recours qui aurait commencé avant le 12 mars, ces deux mesures ne visant que les recours contre des autorisations d’occuper le sol.
Remarque bis : ces délais sont susceptibles d’être rallongés du fait de l’adoption prochaine d’une loi pour proroger l’état d’urgence sanitaire.
Suite à donner à la décision de préemption par le propriétaire (article 2)
Dans le cas où une décision à un prix inférieur de la DIA aurait été notifiée moins de deux mois avant le 12 mars, de sorte que le délai de deux mois dont dispose le propriétaire pour faire part de sa position aurait dû s’achever après le 12 mars, l’application de l’article 2 permet de déterminer la date butoir au 24 août (24 mai + 1 mois + 2 mois de délai de recours = 24 août).
Naturellement, la réponse du propriétaire peut intervenir avant la date butoir.
Remarque : un doute pourrait naître sur la notion de « décision » au sens de l’article 12 quater : peut-on assimiler l’acception ou le refus du prix proposé par le propriétaire à une décision au sens de ce texte ? Dans cette hypothèse, le délai de deux mois ouvert au propriétaire pour accepter ou refuser le prix, voire renoncer à l’aliénation, se calculerait dès le 24 mai.
Toutefois, il est plus raisonnable que considérer que la notion de décision telle qu’appréhendée par l’article 12 quater ne s’assimile qu’aux décisions émanant de l’autorité administrative.
Remarque bis : ces délais sont susceptibles d’être rallongés du fait de l’adoption prochaine d’une loi pour proroger l’état d’urgence sanitaire.
Suite à donner au maintien du prix mentionné dans la DIA par le titulaire du droit de préemption (article 2)
Dans le cas où le propriétaire ferait connaître sa décision de ne pas accepter le prix offert moins de 15 jours avant le 12 mars, de sorte que le délai de 15 jours dont dispose l’autorité préemptrice pour saisir la juridiction de l’expropriation aurait dû s’achever après le 12 mars, l’application de l’article 2 permet d’arrêter la date butoir au 24 août. (24 mai + 1 mois + 15 jours de délai de saisine = 8 juillet).
Là aussi, le mémoire introductif d’instance pourra être régularisé devant le Juge de l’expropriation plus rapidement que ce que permet l’ordonnance.
Remarque bis : ces délais sont susceptibles d’être rallongés du fait de l’adoption prochaine d’une loi pour proroger l’état d’urgence sanitaire.