Du pigment au pixel, les nouveaux enjeux de l’image
Alors que le monde de la communication est régi par la quête de contenus qualitatifs et uniques, j'ai voulu revenir sur la prise de pouvoir de l'image et son évolution au travers de l'Histoire. L'enjeu de cet article est de comprendre à qui appartiennent les images et qui sont véritablement les nouveaux créateurs ?
Si Platon était vivant en 2016, il serait sans doute bouleversé. Sa caverne ne serait plus un trou noir composé d’ombres et de lumières, mais plutôt une salle multimédia avec des milliers d’écrans accrochés au mur. Platon invitait déjà ses contemporains à se responsabiliser face aux images perçues et au pouvoir qu’elles pouvaient exercer. Apposée à l’ère du digital, l’Allégorie de la caverne prend tout son sens. Face à la multiplicité des images et des contenus, nous devons apprendre à faire la part des choses. Alors qu’il y a encore quelques décennies, la création d’un visuel appartenait à celui qui avait un talent artistique (peintre, illustrateur…), le développement des outils numériques a créé de nouvelles formes d’usages et surtout de nouveaux enjeux.
Infographie réalisée par Creads Partners, le 1er studio créatif en ligne qui gère la création de contenus visuels des marques au quotidien.
L’image n’est plus unique, elle est multiple
Les canaux de diffusion se sont multipliés pour offrir aux images des supports très divers tant dans la forme que dans la matière. Loin d’être unique, une image est ainsi répétée, transformée et réinterprétée en fonction des protagonistes qui s’en empreignent. Nous avons tous en tête la sérigraphie « Vingt Marilyn » d’Andy Warhol qui représente vingt portraits de Marilyn Monroe à la fois très similaires et pourtant si différents.
Marilyn Monroe Diptych 1962 d’Andy Warhol
L’objectif de l’artiste étant alors de questionner sur le caractère unique d’une représentation d’art dans un monde régie par la production à la chaîne et les médias de masse. L’ensemble de l’œuvre sérigraphique de l’artiste, nous montre notamment qu’une même image peut devenir multiple par ses milliers d’interprétations possibles. On parle alors de multiplicité des regards sur un même objet.
1 image, 1000 interprétations.
Car l’un des principaux enjeux liés à l’image est celui de la divergence des interprétations qui peut avoir des conséquences économiques ou politiques. De ce fait, les caricatures de Mahomet parues dans Charlie Hebdo en 2012 avaient conduit à de profonds conflits d’intérêts, créant ainsi une polémique mondiale. Un simple dessin humoristique avait alors réveillé la haine de toute une religion. On se rend alors compte que les auteurs ont de véritables responsabilités.
Et quand à cette même image s’ajoute plusieurs créateurs (co-création), l’enjeu diffère encore. Il devient alors difficile de savoir à qui appartient une image et qui a le droit de l’exploiter. Ce pouvoir devient de plus en plus stratégique à l’ère du tout digital.
N’importe qui est capable de créer un support visuel.
Notamment avec l’explosion des équipements technologiques qui démocratisent la photographie et le graphisme. Des milliers d’individus amateurs sont ainsi capables d’exécuter des tâches que seuls des professionnels pouvaient jusqu’alors réaliser.
Le pouvoir des images.
On parle souvent du pouvoir de l’image mais il ne faut pas omettre le pouvoir des mots. Chaque communicant, Chef d’entreprise ou Homme politique sait ô combien le choix d’un mot est crucial. D’ailleurs, dans la Grèce Antique, la parole était égale à la raison. Il était ainsi convenu que toutes pensées passaient forcément par le langage, et donc les mots et les signes linguistiques.
Mais à l’heure du « changement » inculquée par notre gouvernement, nous ne pouvons pas nous limiter à une telle interprétation. Il semblerait que l’Image avec un grand « i » tire de plus en plus la couverture sur elle jusqu’à déchaîner les passions, comme ce fût le cas pour Charlie Hebdo.
Mais, revenons à l’insight énoncé précédemment qui est celui de la croissance exponentielle de la création de contenus et aussi de l’explosion du nombre de photographes-amateurs. Tous les individus sont devenus capables de créer une image virtuelle (évangélisation de Photoshop) ou réelle (via un appareil photo, une caméra embarquée ou encore une webcam). Ils sont aussi capables de la déformer, la transformer ou la diffuser au monde entier d’un simple clic.
Tous addicts à Photoshop - Humour.com
Les selfies, ou l’art de partager un autoportrait capturé avec son smartphone, illustrent parfaitement cette profonde mutation sociologique, celle de s’exprimer à travers une ou plusieurs photographies.
Notre vie semble se résumer à un album photo virtuel composé de milliers de clichés personnels, associés aux milliers de clichés de nos amis dans lesquels nous sommes tagués.
Nos centres d’intérêts sont quant à eux hiérarchisés en fonction des likes, pins et tweets que nous pouvons associer à certaines images sur des réseaux comme Pinterest.
Le réseau social, réseau d’images ?
Si les réseaux sociaux étaient au départ des outils de networking et de partage d’idées codifiées – 1 tweet = 140 caractères – ils sont vite devenus des canaux de diffusion d’images et de vidéos. Sur Twitter ou Facebook, pour ne citer que ces réseaux, les marques améliorent considérablement les performances de leurs publications en ajoutant un contenu visuel, telle qu’une image ou une vidéo.
Les images ont ainsi pris une place capitale dans la création de contenu des marques et dans la vie des internautes qui ne se séparent plus de leurs appareils photos, au point de photographier les plats qu’ils mangent ou d’investir des centaines d’euros dans l’achat d’une caméra embarquée afin de filmer leurs vacances au ski.
L’image, nouvel espéranto ?
Au-delà de l’aspect fun et attrayant d’un visuel, cette mutation vers le 100% visuel peut s’expliquer par la mondialisation. Même si ce mot parait presque rétro en 2016, il n’aura jamais été autant d’actualité. Le web est un terrain propice aux échanges et à la discussion à l’échelle planétaire. Or, si les mots ont une limite, qui est celle de la compréhension de la langue, l’image quant à elle est universelle.
Nul besoin de parler la même langue pour lire la même image. Loin d’être un fait nouveau, les communautés moyenâgeuses utilisaient déjà les blasons pour se distinguer et être reconnues. En faisant un saut temporel dans notre époque, les blasons se sont transformés en logos.
Dans la même lignée, nous pouvons citer l’exemple de la Bible, qui au début de sa publication n’était pas comprise par le peuple analphabète. Les peintures et illustrations religieuses ont grandement servi à l’apprentissage des épisodes bibliques.
Un autre exemple probant est celui des pictogrammes dont la compréhension va au-delà des barrières linguistiques et culturelles pour devenir une forme d’évidence. L’image ne semble donc plus être un art, mais un langage. Un langage universel et un support de diffusion qui appartient à chacun.
L’image est un produit de consommation courante.
Allons encore plus loin et posons-nous une autre question : l’image est-elle devenue décomplexée et dématérialisée ? Avec l’apparition des premiers appareils photos (Leica, Rolleiflex, Minox, Polaroid ou Nikon) et des premières caméras numériques grand public (Sony et JVC), notre rapport à cette dernière a largement évolué depuis les années 80, connaissant un fort virage vers la démocratisation dans les années 2000.
Les internautes consomment les images comme ils consomment des produits de premières nécessités. Les plateformes vidéos (Youtube, Dailymotion, Viméo, Vine…) et photo (Picasa, Flickr, Path, Instagram…) pullulent sur la toile et sur nos mobiles pour le plus grand plaisir des industriels et des startups qui ont compris qu’ils devaient répondre à cette soif d’images.
Infographie - A day in the Internet par MBA online
Les applications de retouche photo se comptent par centaines et prennent un tel pouvoir sur les utilisateurs, qu’elles sont capables de créer des diktats. Ainsi, l’utilisation d’une application comme Instagram catégorise socialement un individu en le rendant cool ou has been auprès de certaines communautés. Une aubaine pour les créateurs d’Instagram qui ont vu leur société être rachetée par Facebook pour la modique somme d’1 milliard de dollars.
D’ailleurs si nous revenons en arrière aux prémices de la photographie, nous nous rendons compte que la photo était perçue comme une prise de liberté par rapport à la peinture puisque les artistes n’avaient plus besoin de représenter la Nature ; elle leur était offerte d’un simple enclenchement manuel. Il faut d’ailleurs remonter à 1850 pour voir les premiers photomontages apparaître. Une technique qui révolutionne notre rapport à l’image et qui est modernisée avec Internet et la quête de liberté de tous les internautes.
La monétisation des images
Il convient aussi de se demander si l’image est devenue une forme de monnaie ? Difficile de répondre à cette question. En tout cas, elle est en passe de le devenir. L’image est d’ores et déjà un objet de troc. Certains clichés se vendent à prix d’or aux tabloïds pour peu qu’ils contiennent un scoop. Les médias n’ont alors pas peur de la valeur amorale d’une image ; la rentabilité de la vente de cette dernière étant plus importante que la protection de l’individu qu’elle représente. A contrario, certaines images ont perdu toute leur valeur monétaire. Google images en tête, les moteurs de recherche ont donné place à une démocratisation de la gratuité où la question de la propriété intellectuelle ne se pose plus. L’avènement des banques d’images gratuites n’a fait qu’entériner cette perte de valeurs. Contrairement à l’industrie du cinéma et de la musique qui établissent des règles strictes, l’image n’est pas une industrie à proprement parler avec des codes clairement identifiés. On se sent beaucoup moins coupables en piratant une image trouvée sur le web et en la réutilisant à ses propres fins, qu’en téléchargeant illégalement un film.
Une chose est certaine. Les images appartiennent de moins en moins à leurs auteurs. Nous assistons à une véritable bataille entre auteurs, distributeurs et grand public. Comme pour l’ensemble des contenus présents sur le web, ce sont les utilisateurs qui deviennent des médias et n’hésitent plus à tourner en ridicule certaines images, la culture du même entête. Le respect de l’image est donc en jeu. La majorité des banques d’images et des moteurs de recherche proposent toutefois des fonctionnalités afin de distinguer les images libres de droit, des images sous licence ; tandis que les réseaux sociaux émettent des règles afin de respecter la vie privée des individus. Pour survivre les industriels doivent donc s’adapter aux attentes de leurs consommateurs. Tout l’enjeu étant de parvenir à trouver le bon équilibre entre liberté de création et éducation des néo-créateurs.
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