Du Vice à la Vertu …et vice et versa

Il y a quelques jours, j’ai reçu le message suivant envoyé par ma Fédération Professionnelle Je me suis dit : bien sûr qu’il faut condamner la guerre, toutes les guerres mais peut être encore plus les guerres civiles car elles font s’affronter des fils et des pères, des frères, …(mes parents étaient jeunes quand la guerre d’Espagne a commencé)…

Mais voilà qu'en relisant ce message j’ai immédiatement pensé à tous ces autres messages reçus depuis 1 mois, les posts lus sur les différents réseaux sociaux où il y systématiquement un drapeau ukrainien…. Il semblerait que ce soit la manière pour beaucoup de montrer leur soutien. Mais c’est toujours le même drapeau jaune et bleu, jamais un drapeau russe, pourquoi ? Le peuple russe ne souffre-t-il pas, qu’il soit basé en Russie ou dans les provinces russophones du Dombass ? N’est ce pas vers les peuples, d’où qu’ils soient, que doivent aller nos prières ?

Choisir un camp c’est poser un acte politique, au nom de la liberté, pour condamner l’agression, l’invasion d’un État souverain...(entendus dans des conversations). Mais pourquoi cette invasion là et pas d’autres ? (le 24 mars 1999, l’OTAN va frapper la Yougoslavie avec des bombardements pendant 78 jours . La Yougoslavie était un Etat souverain, ces actes étaient condamnables par la charte de l’ ONU+ le Droit international + les résolutions du Conseil de sécurité sur le Kosovo)...

Pourquoi une telle vague de compassion pour les uns et de condamnation pour les autres, partout en Europe? Pourquoi cette guerre là et ces victimes là ? N’y a t il pas en ce moment même d’autres guerres qui continuent à faire des victimes ? (Yémen,…). Question de proximité peut être...

Que pourrait/devrait-on faire, sans prendre parti ? («Les guerres ce sont des gens qui ne se connaissent pas et qui s'entretuent parce que d'autres gens qui se connaissent très bien ne parviennent pas à se mettre d'accord". Paul Valéry…)

Au delà des minutes de silence avant de démarrer notre prochaine réunion zoom, ou du drapeau que nous allons coller dans toutes nos correspondances, posons nous un peu, et prenons un peu de distance et de hauteur …ou pas !

Il y a quelques temps j’avais recommandé dans un de mes posts (Janvier 2022) le livre de NASSIM NICHOLAS TALEB « Jouer sa peau ». Comme cela m'arrive souvent quand j'ai l'esprit préoccupé par un sujet,, j'ai trouvé dans ce livre (que je suis en train de relire), des éléments qui sont venu nourrir ma réflexion, que je vous livre ici. (Quelquefois c’est un reportage, un documentaire, une conférence, une discussion avec un pair qui m’inspire). Pas de réponse, mais une aide pour prendre de la hauteur, justement.

NNT : « Il est immoral de se revendiquer vertueux sans connaître pleinement les conséquences de la vertu ». Que nous dit l’auteur :« l’exploitation de la vertu à des fins d’image, d’intérêt personnel, de statut social, … » n’est pas un comportement vertueux. La difficulté réside dans l’alignement que nous sommes capables d’avoir entre ce que nous disons et ce que nous faisons.

Le public et le privé . NNT : « ... avoir raison en théorie sans tenir compte du monde réel, sans se soucier des conséquences que nos idées ont sur les autres, juste parce qu’elles nous confèrent un statut vertueux qui nous rend indifférent à cette considération... »? Est ce que c'est "bien"?

Il n’est pas courageux et sage de dire que, face à certaines situations qui au demeurant nous « choquent », nous ne pouvons rien faire à notre niveau individuel « si les autres ne le font pas aussi » (argument pouvant être utilisé aussi valable pour la protection de l’environnement) car il n’y a pas toujours une solution systémique à un problème considéré comme une injustice. NNT : « A ma connaissance il n’y a pas de système éthique qui permet que quelqu’un se noie sans lui venir en aide parce que les autres ne le font pas … ».

Être ou paraître . Il y a des hommes et des femmes courageux qui s’engagent, qui font des choses concrètes, qui vont sur place, qui jouent leur peau et il y a des hommes et des femmes qui parlent, appellent la guerre (surtout sur les plateaux TV et surtout ceux qui portent des chemises blanches sans cravate, …). Ceux là disent aux autres « allez y ! engagez-vous !» mais eux n’y vont pas …ils mettent des petits drapeaux jaune et bleu à leur boutonnière … « un peu comme des escroc qui font la publicité de la vertu. La vertu n’est pas une chose dont on fait la publicité », ce n’est pas une stratégie de communication. (Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite-Evangile selon St MATHIEU)

La simonie. NNT : « A une période de l’histoire, les nantis pouvaient alléger leur conscience en achetant des indulgences et autres faveurs ecclésiastiques ». Cette façon qu’ont la plupart des personnes qui prennent la parole depuis le 24 février de se draper de jaune & bleu, est ce là quelque chose qui parle de cela ?

Il se peut aussi que ce mouvement de soutien à VZ s’étant rapidement, et partout, répandu, ce soit un moyen trouvé pour certain(e)s de résister aux contraintes et à la pression de leurs pairs et de la société, et ainsi d’obtenir qu’on les laisse un peu tranquilles.

 En fait la vertu n'est que rarement au service de notre réputation, sauf quand « les circonstances nécessitent qu’on mette sa peau en jeu en prenant des risques, SURTOUT si notre réputation est menacée".

La vertu concerne les autres et la collectivité. NNT : « La vertu ce n’est pas seulement être aimable avec des gens dont tout le monde se soucie par intérêt…mais avec ceux que les autres négligent – les cas les moins visibles, ces gens à côté desquels le grand commerce de la charité à tendance à passer ».

La vertu la plus louable serait impopulaire ? On peut interpréter ce qu’écrit NNT : il y aurait plus de vertu sans doute à venir en aide aux personnels soignants, pompiers, ambulanciers, …qui ont été suspendus en septembre 2021 et qui « vivent » sans revenus depuis plus de 6 mois, que de s'occuper des civils d’un pays engagé dans une guerre "qui ne me concerne pas". Les premiers sont peut être mes voisins dans le quartier, les seconds sont certes en Europe mais bien loin trop de moi pour que je puisse agir directement ! Mais oser dire cela et cela consisterait à « prendre des postions inconfortables immédiatement censurée par le discours ambiant ». NNT : « Il est beaucoup plus vertueux de défendre la vérité quand elle est impopulaire parce que cela vous coûte quelque chose …votre réputation ».

Prendre des risques : « Le courage (la prise de risque) est la vertu suprême. » NNT : « Un des problèmes des interventionnistas qui veulent se mêler des affaires des autres pour aider - même si ils aspirent à sincèrement faire le bien - c’est qu’ils perturbent certains mécanismes…" Les personnes qui sont sur le terrain, dont la peau est en jeu, ne s’intéressent pas vraiment à la géopolitique ni à de grands principes abstraits » (la liberté, la démocratie, la souveraineté,…). Les gens sur le terrain souffrent et ne veulent pas que cela dure. Or, lorsqu’on ne comprend rien au problème (c’est le cas de la grande majorité de celles/ceux qui « commentent ») et « que l’on ne met pas sa peau en jeu, on voit tout à travers du prisme de la géopolitique ». Pour le commentateur ignorant, tout devient une question d’opposition entre sociétés occidentales et Russie, démocratie et dictature, diplomatie et barbarie, Mars et Saturne... Déjà pendant la période dite "Covid", on a eu droit à la même approche binaire avec les « Pour » et les « Contre », les « Pro » et les « Anti », …

Soyons moins sots, prenons plus de hauteur, mettons plus de conscience, comportons nous en être humain digne. Je propose de prendre le parti de l’humain et pas celui des gouvernements et des institutions, et de bien se garder de juger de façon simpliste une situation très complexe et dont, selon certains (vrais) experts, les origines sont à chercher il y a au moins 8 ans (accords de Minsk – 2014). Et surtout, faisons monter le niveau de conscience afin d’apprécier tout cela avec un peu plus de clairvoyance et d’esprit critique.

Car ceux qui sont sur le terrain de la guerre et qui mettent leur peau en jeu veulent que cela avance pour avoir et/ou retrouver une vie, et pas sacrifier leur existence au nom d’une quelconque grandiose vision géopolitique.

NNT : « Ce qui intéresse les vrais gens (et pas les intellectuels et les institutions) c’est les points de convergence et la paix, pas les conflits et les guerres ».

« Primum veritas, deinde caritas » (d’abord la vérité, ensuite la charité) dit Saint Augustin.