D'une économie de stock à une économie de flux
Sans que nous n’y ayons vraiment pris gare notre société est arrivée à ses limites avec partout des signes évidents de craquement tant sur le plan environnemental, économique ou sociétal. Cela touche bien entendu notre manière de produire ou de consommer mais également notre façon de nous organiser nécessitant de remettre en cause fondamentalement nos modèles et modes de vie.
Répondre à ces enjeux nécessite tout particulièrement de repenser les bâtimentsainsi que les transports et l’usage que nous en faisons, ces derniers représentant à eux deux près de 75% de la consommation énergétique globale. D’où l’importance que nous attachons au Smart Building et à la Smart City.
Nos villes se sont étendues considérablement dans les 30 dernières années, concentrant souvent les mêmes activités dans un même endroit (travail, logement, commerce, enseignement, santé, etc…). Ce mode développement a notamment conduit à une ghettoïsation des territoires et occasionné des mouvements pendulaires croissants, de moins en moins supportables, les lieux de vie étant de plus en plus éloignés des lieux d’activités compte tenu du renchérissement du foncier. Ce n’est plus durable d’autant plus que nombreuses activités peuvent désormais être déportées tandis que les espaces sont sous-utilisés, à peine 30 % du temps et 4% pour les voitures particulières. Il est temps de repenser intégralement notre concept de ville occidentale en s’appuyant sur le numérique et les nouvelles technologies en découlant.
Nous évoluons progressivement vers une société de services répondant à des usages, décorrélés le plus souvent de la propriété. Il s’agit d’une rupture fondamentale consécutive au digital avec le passage d’une société de stock à une société de flux.Il s’agit d’une mutation profonde qui touche tous les secteurs d’activité et particulièrement le domaine de la ville.
Internet et l’apparition des plateformes de services viennent simultanément bouleverser les habitudes du consommateur qui privilégie progressivement la qualité de services autour de la mobilité ou des espaces à leur propriété pour un usage exclusif. Il s’agit d’une toute nouvelle donne qui impacte directement la conception même des véhicules ou des bâtiments.
Cette tendance est fondamentale, car elle concerne la conception même des véhicules ou des bâtiments qui doivent être « Prêts pour des Services Multiples » et notamment disposés à une économie de partage. Cela se traduit pour l’industrie automobile par la proposition de véhicules électriques partiellement autonomes et partagés en substitution des véhicules thermiques. Il en va de même pour les bâtiments. La mutation est déjà en marche avec une demande croissante pour des bâtiments « réversibles » disposant d’espaces partagés mais ce n’est qu’un début. Le bâtiment de demain n’aura plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui car il sera plurifonctionnel, modulaire, composé d’espaces partagés, reconfigurables presqu’en temps réel. C’est un changement majeur qui est difficilement concevable car cette notion de partage des espaces à grande échelle et en temps réel n’a jamais existé dans l’histoire de l’humanité ! Pensons désormais les bâtiments comme des plateformes de services avec des Hubs dédiés et d’autres « satellites » multifonctions, véritables espaces de vie.
Le bâtiment serviciel devient ainsi extensible à presque toutes les fonctions et activités : travail, enseignement, logement, restauration, culture, commerce, divertissement,… Dans ce contexte, un bâtiment ne pourra plus être pensé seul mais comme un élément d’un ensemble plus large à l’échelle d’un quartier ou d’une commune pour apporter au citoyen la palette de services et activités la plus complète et mutualiser tant que possible différents types d’espaces fonctionnels (travail, logement, santé, alimentation, commerce, culture, enseignement, etc..) ce qui sous-entend l’émergence de nouveaux métiers, opérateurs de services et garants de la qualité de services.
Comment résister alors à une offre de services globale personnalisable et adaptable en temps réel autour des espaces et de la mobilité qui sera certainement plus économique et moins contraignante qu’une solution traditionnelle reposant sur la propriété ou la location longue durée.
Cette évolution est en marche, elle répond à la mutation de notre société vers une économie de la fonctionnalité, ainsi qu’aux enjeux environnementaux et d’accès aux ressources. Au niveau mondial, l’industrie du bâtiment anticipe progressivement cette tendance avec une production préfabriquée, hors site, modulaire, intégrant des matériaux plus durables comme le bois.
Toute cette évolution va contribuer à réduire considérablement notre empreinte Carbone par une réduction conséquente du trafic automobile urbains et péri-urbains ainsi que de la consommation énergétique de nos bâtiments par une optimisation de leur utilisation.
C’est une formidable opportunité que nous devons accompagner. Elle doit permettre à un plus grand nombre d’accéder à plus de services à commencer par ceux les plus élémentaires et ceci tout en recréant de la proximité et apportant les conditions pour une plus grande mixité sociale et plus de solidarité.
Article paru le 6 Juillet 2019 dans la revue investir
Emmanuel FRANCOIS Saint Didier au Mont d’Or, le 17 Juin 2019
Président Smart Buildings Alliance for Smart Cities
@EM_Francois1