EdTechs et acteurs institutionnels : quel modèle d’après-crise ?
Tirer les enseignements de la crise sanitaire sur les usages numériques pour poursuivre la dynamique institutionnelle de soutien aux EdTechs
La crise sanitaire a fortement accéléré la mise en place de nouvelles pratiques numériques dans le secteur de l’éducation. En effet, 13 millions d’élèves et 800 000 professeurs ont expérimenté, en mars 2020, l’école à la maison. De nouveaux champions de la French Tech ont ainsi pu tirer leur épingle du jeu : c’est par exemple le cas d’Openclassrooms, start-up proposant des formations certifiantes en ligne, qui a vu ses activités croître de façon exponentielle du fait de la pandémie.
Pour autant, l’essor des technologies de l’éducation « EdTechs » se heurte aujourd’hui encore à de nombreux écueils notamment sur le champ de l’éducation.
Tirer les enseignements de la crise du Covid-19 sur les usages
Un nombre de plus en plus important d’outils numériques est à disposition des enseignants. A ce titre, peuvent être cités tant les espaces numériques de travail (ENT) que les logiciels fournis par les éditeurs historiques de manuels scolaires (ex : Kwyk par Hachette Education) ou encore les logiciels de gestion de vie scolaire (ex : PRONOTE par Index Education) ou enseignante (I-Prof).
Parmi tous les outils, ceux mis à disposition par l’administration (tel que « Ma Classe à la maison ») ont permis de répondre, dans des délais très contraints, aux enjeux de continuité pédagogique. Ils ont pour autant été fortement concurrencés par les principaux outils du marché. Selon le baromètre des usages numériques des enseignants depuis le confinement (1) réalisé avec l’appui de Capgemini Invent, 50% des enseignants ont exclusivement utilisé des outils du marché privé.
Dans le contexte de crise, si l’appétence pour les EdTechs est confortée, les difficultés structurelles préexis-tantes continuent à freiner leur déploiement. Ces difficultés avaient déjà été décrites en 2018 dans une étude de la Banque des Territoires (2) :
Poursuivre la dynamique institutionnelle de soutien aux EdTechs
A l’aune de la crise du Covid-19, de nombreuses initiatives publiques ont alors été prises pour lever les difficultés et rapprocher le monde éducatif de celui des EdTechs. Deux projets récents illustrent cette dynamique :
1. Le déploiement « Territoires Numériques Educatifs » permet de tester, à grande échelle, la mise en œuvre de la continuité pédagogique en levant les principaux freins identifiés lors de la crise sanitaire. Pilotée par le ministère de l’éducation nationale et menée dans 12 départements avec un financement de près de 200 millions d’euros, le dispositif permet l’avènement de projets numériques territoriaux et des accompagnements essentiels en conduite de changement, notamment pour :
2. Deuxièmement, le programme d’accélération « Passerelles » a récemment été lancé par la Banque des Territoires pour les entreprises innovantes du secteur éducatif. Cet accélérateur, opéré par Makesense (as-sociation de mobilisation collective pour une société inclusive et durable), vise à faire passer à l’échelle une dizaine de projets en deux ans. Les objectifs sont de :
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Les expérimentations sur ces deux projets, si elles sont concluantes, doivent permettre de décliner des orientations en faveur de la continuité pédagogique et du développement du numérique dans l’éducation. Il conviendra alors d’en tester les effets dans un environnement post-covid et d’observer l’efficience de ces dispositifs au service de la transition numérique dans l’éducation.
Plus globalement, au-delà des investissements opérés au plan national, l’enjeu réel semble être de renouer un dia-logue entre les enseignants et les institutions quant aux usages du numérique éducatif. Des projets concrets doi-vent ainsi permettre de rapprocher les administrations des EdTechs pour répondre aux besoins, attentes et pra-tiques des familles, des élèves mais aussi des enseignants.
Initier des projets conjoints entre administrations et EdTechs
Lors de la crise sanitaire, les enseignants ont souvent eu l’impression d’être confrontés à un choix : soit celui de l’institution avec les outils mis à leur disposition et répondant aux garanties de sécurité, soit celui du marché en recourant à des solutions plus ergonomiques. L’urgence à rapprocher les deux mondes n’a jamais été aussi criante. Dans cette perspective, deux propositions issues des Etats généraux du numérique pour l’éducation, me-nés par le Gouvernement fin 2020, gagneraient à être mises en œuvre.
1. La mise en place d’un compte ressources et services numériques pour chaque enseignant figure au rang des propositions retenues par le Gouvernement. Pour mettre en œuvre cette proposition, dans un premier temps, un observatoire des EdTechs pourrait recenser, sous forme d’une plateforme numérique, les dispo-sitifs utilisés dans l’éducation et la formation tel que le recommande l’INRIA (3). Dans un second temps, cette plateforme serait appuyée par la création d’un compte EdTech de l’enseignant afin d’allouer chaque année des chèques ou des « pass numériques » dédiés à l’achat de ressources numériques ou à son ac-compagnement (4). Nous préconisons que cette plateforme soit coconstruite avec les représentants des EdTechs et des personnels enseignants contribuerait certainement à son succès. Des mécaniques de cofinancement permettraient de rendre le dispositif moins risqué d’un point de vue financier.
2. La création de « l’Education Data Hub », la plateforme de données d’éducation, est un projet également annoncé à l’issue des Etats généraux du numérique pour l’éducation. Les EdTechs éligibles à rejoindre le hub pourraient être sélectionnées sur la base de projets soutenus et expérimentés avec des enseignants lo-calement. En s’intégrant à la démarche hub, les EdTechs pourraient bénéficier des résultats de la re-cherche la plus avancée, notamment en intelligence artificielle. Nous préconisons que l’Education Data Hub soit un levier pour les soutenir dans le développement, le test d’algorithmes et l’entrainement d’intelligences artificielles et leur mettre à disposition des jeux de données et des infrastructures afin d’évaluer leurs innovations et de mesurer leur performance.
La mise en œuvre de ces deux projets, concrets et ambitieux, doit être un levier pour initier de nouveaux modes de collaboration entre institutions et EdTechs au service des apprentissages.
(1) Baromètre des usages numériques des enseignants depuis le confinement – Novembre 2020 – SynLab, Banque des territoires et Capgemini
(2) Etude « Le marché Edtech scolaire et parascolaire » – Juin 2018 – Banque des territoires
(3) Livre blanc « Éducation et numérique » – décembre 2020 – Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA)
(4) Livre blanc « Numérique éducatif : pour des territoires inclusifs, attractifs et innovants » – novembre 2020 – Banque des territoires
Un article co-écrit avec Jean-Louis TRUONG et Alice ROBICHON!
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