Effet du stéréotype d'appartenance sociale sur le conseil en orientation auprès d'élèves de troisième : vers une hiérarchisation de la voie profession

Effet du stéréotype d'appartenance sociale sur le conseil en orientation auprès d'élèves de troisième : vers une hiérarchisation de la voie profession

Problématique

Dans le système éducatif, il a été montré que le conseil en orientation pouvait être influencé par le stéréotype d'appartenance sociale (Channouf, Mangard, Baudry et Perney, 2005). Notre étude s'appuie sur ces travaux et propose d'aller plus loin en montrant qu'au sein de la voie professionnelle, il existe une hiérarchie des filières en terme de prestige conduisant, pour un élève perçu comme « scolairement moyen » (notes comprises entre 9 et 12 avec appréciations moyennes), à un conseil différent selon l'appartenance sociale qu'on lui suppose.


Méthodologie

581 enseignants et psychologues de l’Éducation Nationale ont répondu à un questionnaire en ligne présentant un dossier fictif d'élève de troisième « moyen », présenté avec des adjectifs induisant un stéréotype d'appartenance sociale comme étant soit favorisée soit peu favorisée. Il était expliqué que l'élève hésitait entre une seconde générale et technologique (2GT) et une seconde professionnelle (2PRO), puis, qu'après avoir finalement opté pour la voie professionnelle, il hésitait de nouveau entre deux spécialités : "maintenance des véhicules option A – voiture particulière" et "réparation des carrosseries". Celles-ci étaient présentées par une brève description ainsi qu'avec leurs taux de pressions respectifs, différant ainsi de manière significative en terme de prestige perçu  (p< 0,001).

Les répondants devaient indiquer dans quelle mesure ils conseilleraient la 2GT ou la 2PRO à l'élève, puis dans quelle mesure ils conseilleraient l'une ou l'autre spécialité. Ensuite, les répondants devaient pronostiquer la réussite et l'épanouissement de l'élève dans chaque spécialité.


Hypothèses

1- à dossier scolaire équivalent, les élèves perçus comme appartenant à un milieu social peu favorisé seraient davantage orientés vers la 2PRO que les élèves perçus comme appartenant à un milieu social favorisé.

2- au sein de la 2PRO et à dossier scolaire équivalent, les élèves perçus comme appartenant à un milieu social favorisé seraient davantage orientés vers une spécialité de 2PRO perçue comme prestigieuse.


Résultats         

1- Nous n'observons pas de différences d'orientation entre 2GT/2PRO selon l'origine sociale de l'élève. Quelques soit son origine sociale perçue, l'élève est globalement plus orienté en 2PRO qu'en 2GT. Il lui est également prédit plus de réussite.

2- Lorsque l'élève est perçu comme issu d'un milieu social favorisé, il lui est significativement conseillé la spécialité la plus prestigieuse (p= 0,037). Il lui est également prédit plus de réussite (p= 0,097) ainsi que plus d'épanouissement (p= 0,017), comparé à l'élève perçu comme issu d'un milieu social moins favorisé.

Une analyse de médiation montre que c'est parce que nous nous attendons à ce que l'élève issu d'un milieu favorisé réussisse mieux et s'épanouisse mieux dans la filière sélective que nous la lui conseillons.


Discussion

Nos résultats nous amènent à penser que les inégalités sociales existent même au sein de la voie professionnelle. Face aux différences de perception concernant les personnes issues de différents milieux sociaux (Durante et Fiske, 2017), il apparaît que les nombreuses spécialités professionnelles, par l'image qu'elles renvoient, jouent en défaveur des personnes provenant des milieux les plus modestes.

Une autre question interpelle, celle du taux de pression. Cet indicateur est régulièrement utilisé sur le terrain et notre étude laisse à penser qu'il semble créer autour de lui-même une hiérarchie dans la voie professionnelle.

De manière générale, notre étude montre comment la perception sociale d'un élève, dont les notes sont dans la moyenne, peut influencer le conseil en orientation qu'il lui sera prodigué, et cela de manière inconsciente (Devine, 1989). Sensibiliser les acteurs du conseil en orientation sur les mécanismes des stéréotypes semble être un levier important à actionner, notamment à l'aube des réformes actuelles et du rôle de conseil tenu par les différents acteurs du système éducatif.


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