Electricité : l'autoconsommation, jusqu'où ?
"Produire et consommer sa propre électricité grâce à des panneaux photovoltaïques … Appelée autoconsommation, cette pratique qui concerne les entreprises, notamment les grandes surfaces, et les particuliers, intéresse au plus haut point les acteurs de l'énergie. Deux colloques, l'un organisé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), l'autre par le syndicat des professionnels de l'énergie solaire Enerplan, ont planché à Paris sur la question. Les deux réunions ont fait le plein. Pourtant, l'autoconsommation n'est encore qu'un épiphénomène. A peine 30.000 foyers français y recourent, ce qui représente 0,4% de la consommation. D'autres pays comme l'Italie (750.000 foyers équipés) et l'Allemagne (2 millions) font mieux.
Comme l'a expliqué le directeur général d'EDF EN Antoine Cahuzac, c'est le prix raisonnable du kilowattheure électrique en France (deux fois moins élevé qu'en Allemagne) et notre bon bilan carbone (" dix fois moins d'émissions de CO2 " qu'outre-Rhin) qui explique l'apathie française en matière d'autoconsommation. Mais avec la baisse continue des prix des panneaux photovoltaïques, le boom du digital et des systèmes décentralisés et le désir de produire mieux c'est-à-dire de manière plus vertueuse, notre pays devrait rapidement rattraper son retard.
En effet, environ 4 millions de foyers français pourraient produire et consommer leur propre électricité en 2030. Pour ces foyers, « s’équiper de panneaux photovoltaïques pour auto-consommer » leur électricité « sera rentable », a affirmé Xavier Piechaczyk, membre du directoire de RTE, lors d’un de ces colloques.
Cela représenterait une production annuelle comprise entre 9 et 20 terawattheures, soit au maximum environ 4% de la consommation électrique française et cela permettrait aux foyers concernés d’économiser en moyenne 100 euros par an sur leur facture d’énergie, a détaillé M. Piechaczyk.
Une nouvelle révolution? Pas si vite.
Si c’est un point positif pour les consommateurs, « ce n’est pas neutre » pour le système électrique, a toutefois avancé M. Piechaczyk, notamment pour les gestionnaires du réseau qui sont rémunérés en fonction de la quantité de courant qu’ils transportent.
Le gendarme du secteur et le gouvernement planchent d’ailleurs actuellement sur des moyens d’accompagner l’autoconsommation.
D’ailleurs l'autoconsommation n'a pas vraiment débuté. Mais les acteurs du secteur se livrent déjà à une de ces guerres picrocholines dont la France a le secret. Les industriels comme Schneider Electric sont chauds bouillants face à ce nouveau business. Idem pour les électriciens avec EDF et Engie qui ont lancé leurs solutions " Mon soleil et moi " (11.000 euros) et "My Power" (7.000 euros). L'administration et le gestionnaire du réseau de distribution Enedis (ex ERDF) sont en revanche plus timorés.
Tant que les solutions de stockage ne sont pas au point, les " auto-consommateurs " ne vont pas rompre les liens avec le réseau. En revanche, ils pourront demain vendre leur surplus d'électricité à Enedis, voire à leurs voisins (autoconsommation collective).
Ce changement n'est pas neutre. C'est tout simplement le sacro-saint principe de la péréquation tarifaire de l'électricité qui pourrait être remis en cause. Les auto-consommateurs paieront-ils demain les mêmes taxes (CSPE, taxes sur les réseaux, TVA) que les autres clients?
Le président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), Jean-François Carenco, a indiqué que l’institution rendrait avant la fin janvier 2018 sa décision sur le tarif de rémunération du réseau électrique pour les projets d’autoconsommation.
Il a mis en garde contre les risques de dérives communautaires que l’auto-consommation, un phénomène « souhaitable et inéluctable», pourrait générer. Lors du colloque, l’ancien préfet a reçu le soutien de Ladislas Poniatowski. « Ne cassez pas la péréquation tarifaire », a lancé le sénateur de l’Eure. A droite comme à gauche, il y a une unanimité pour la maintenir ». Michèle Pappalardo, directrice du cabinet de Nicolas Hulot, a dit qu’il était important de prendre en compte le retour d’expérience des premiers appels d’offre d’auto-consommation. Et la directrice de cabinet du ministre de la Transition écologique et solidaire d’ajouter qu’avec l’auto-consommation « on ne sait pas trop vers où on va ».
De son côté le gouvernement est « en réflexion » pour prolonger une exonération de taxe pour l’autoconsommation, a déclaré Michèle Pappalardo.
En parallèle, le gouvernement va augmenter les volumes prévus d’appels d’offres dédiés à l’autoconsommation à partir de 2018, a-t-elle ajouté."