En cas de fraude, les juridictions nationales peuvent écarter un certificat de détachement (CJUE, 06/02/2018)
On le croyait invincible et pourtant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de décider le contraire à propos de certificats A1 obtenus frauduleusement.
Après avoir jugé que le certificat A1 s'impose aux autorités et juridictions de l'État membre dans lequel les salariés travaillent, y compris dans les cas où les travailleurs concernés ne sont manifestement pas des travailleurs détachés (CJUE, 27/04/2017, A-Rosa Flussschiff, C-620/15 ; Cass. AP 22/12/2017, n° 15-28.777), la CJUE vient de faire volte-face dans un arrêt du 6 février 2018 (Ömer Altun e.a. C-359/16).
En l’espèce, les services de l’inspection sociale belge avaient mené une enquête sur des employés bulgares détachés auprès d’une entreprise belge dans le secteur de la construction et avaient constaté que les entreprises d’origine n’exerçaient aucune activité en Bulgarie. Ils avaient donc demandé le retrait de ces certificats auprès des autorités compétentes bulgares. En vain…
Les autorités belges ayant engagé parallèlement des poursuites pénales à l’encontre de la société de construction belge, la question s’est alors posée de savoir si le juge du pays d’accueil (le juge belge) pouvait écarter le certificat de détachement au motif que celui-ci avait été obtenu frauduleusement.
La CJUE a répondu par l’affirmative tout en assortissant cette possibilité de plusieurs conditions :
- Une fraude doit avoir été constatée par la juridiction : celle-ci est caractérisée par le non-respect délibéré des conditions d’obtention du certificat de détachement dans le but de se soustraire à l’obligation de cotiser dans le pays d’accueil.
- L’institution compétente du pays d’accueil doit avoir saisi l’institution émettrice du certificat d’une demande de réexamen voire de retrait du certificat à la lumière des éléments concrets recueillis dans le cadre d’une enquête judiciaire.
- L’institution émettrice doit s’être abstenue de procéder au réexamen du bien-fondé des conditions de délivrance du certificat dans un délai raisonnable.
Cet arrêt semble marquer une vraie inflexion de la jurisprudence communautaire. Il n’en reste pas moins qu’en pratique, il est encore difficile d’évaluer sa portée compte tenu des conditions strictes qui doivent être remplies pour écarter un certificat de détachement.
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