En finir avec la principauté des walis

Il ne se passe pas une semaine sans que l'on entendre parler des frasques de nombreux walis au niveau national. Un wali de l'ouest du pays serait intervenu afin de limoger une directrice de l'éducation qui n'aurait pas fait preuve de suffisamment de docilité vis à vis de son cancre de fils. Un autre, à l'est aurait attribué indûment des assiettes foncières à des spéculateurs pompeusement baptisés investisseurs et le wali de la capitale se fait souvent remarquer pour ses interventions intempestives et rarement justifiées.

Les commentateurs médiatiques ou sur les réseaux sociaux déplorent ces comportement. On ne compte plus les articles dénonçant les agissements de tel ou tel wali. Or, en procédant de la sorte, les observateurs manquent de viser le problème réel qui ne réside pas dans la compétence des walis mais bel et bien dans l'existence même du concept de walis dans notre pays.

Tout d'abord, le wali bénéficie de prérogatives absolument colossales. Il est le détenteur de l'autorité administrative, sécuritaire et économique au sein de sa wilaya. Il bénéficie même le pouvoir de suspendre les présidents d'assemblés wilayales et communales élues, prérogative dévolue normalement à la justice. Cette concentration démesurée des pouvoirs au sein des mains d'une seule personne est source de gabegie et de corruption notamment parce que le wali agit sans contre pouvoir et sans contrôle à priori ou à postériori.

De plus, le wali est nommé et non élu. Ce mode de désignation des walis, héritage du jacobinisme à la française, ayant été abandonné partout dans le monde implique une déconnexion totale entre le haut fonctionnaire et les problématiques de son gouvernorat. En effet, comment un natif d'Oran, de Tizi Ouzou ou de Annaba pourrait comprendre et traiter les problèmes de Illizi ou Adrar, régions qu'il n'aura bien souvent jamais visité avant d'entrer en fonction ? Le parachutage de hauts fonctionnaires ayant reçu un cursus plus que sommaire au sein de l'ENA locale (encore un héritage colonial !) à la tète de gouvernorats aussi grands que la France ou aussi peuplés que la Suisse est un déni de démocratie inadmissible au 21eme siècle.

Enfin, le wali n'est comptable devant personne de sa gestion et n'a bien souvent qu'un agenda sécuritaire et de maintien de la paix social à remplir. Il n'est la que pour dépenser des budgets octroyés par l'état central et n'a aucune incitation à développer l'économie locale. Il n'est qu'un super intendant la ou nous aurions besoin de super managers. Le recrutement des walis dans le corps des hauts fonctionnaires de l'état favorise ainsi une logique bureaucratique totalement en décalage avec les besoin d'élévation économique et sociale des populations.

Le wali, barricadé dans son palais vit loin du peuple et de ses préoccupations quotidiennes. Il expédie les affaires courants en faisant le moins de vagues possibles en attendant sa mutation ou ou mieux encore sa promotion comme ministre.

Pour résumer, le système des Walis est inique, anti-démocratique et inefficace. Il n'est pas en adéquation avec les besoins de l'Algérie moderne.

Pour remédier à cela, une réforme constitutionnelle courageuse devrait dans le futur abolir ce système de pro-consuls moyenâgeux en transférant une part très importante des pouvoir des walis aux présidents d'assemblés wiayales qui ont pour eux la légitimité des urnes et le fait de bien connaitre leurs circonscriptions.

Ce transfert ne pourra bien évidemment pas se révéler efficace sans le transfert de moyens financiers importants aux collectivités locales en leur transférant par exemple la collecte de la TVA ou de l'IRG sur leur territoire. Ce processus de décentralisation salutaire ne signifiera pas la transformation de l'Algérie en état fédéral, autre système étranger à notre histoire et culture, étant donné que les pouvoirs de police et de gendarmerie resteront sous l'autorité du wali désigné par le président de la république. 

Une telle réforme s'impose si nous voulons enclencher le développement local, seul vecteur efficace et pérenne de lutte contre le chômage et d'élévation de la société.

Omar Ibn Abdillah

Formateur | Expert en Intelligence Économique & Stratégies Durables | CEO d’Invea - La Plateforme des Consultants Africains-es

6 mois

😊👍

Super intendants au lieu de super manager .Tout est dit .

Malik GUIDOUM

Organisateur d'évènements, Guide Conférencier, Auteur

7 ans

Merci Salim Amir BENABBES pour cet article très éclairant, vous avez raté votre vocation..-;)

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