Enjeux et Défis des EnR / Place de l’Afrique, Freins et Problématiques
Rédigé par : Mounir Elleuch
Conseiller-Consultant International en Energie
Expert en gestion de conformité des projets de Production Electrique et Gaz
mounir_elleuch@yahoo.fr
Je partage avec vous la première partie de l'article " Promotion des EnR " consacrée aux Enjeux & défis des EnR / Place de l'Afrique, Freins et Problématiques.
Bonne lecture.
I. Enjeu et défis des EnR,
Pour faire face aux défis majeurs de la sécurisation d’approvisionnement en énergie électrique, la croissance économique et l’employabilité, l’adoption massive des énergies renouvelables EnR ( PV et Eolien ) se présente indéniablement aujourd’hui vu son caractère inépuisable comme la solution universelle la plus indiquée favorisant un développement durable respectueux de l’environnement à travers une transition énergétique à bas carbone et moins dépendante aux énergies fossiles.
Grâce aux développements technologiques accrus observés durant la dernière décennie, les coûts des EnR ( PV et Eolien ) n’ont cessé de baisser atteignant une compétitivité remarquable rivalisant celle des énergies fossiles.
Selon l’ IEA world energy outlook 2017, « depuis 2010 le coût des nouvelles centrales solaires photovoltaïques a baissé de 70 %, celui de l’éolien de 25 % et le coût des batteries de 40 % » confirmant la chute vertigineuse des coûts des PV parmi les EnR et accentuant la rivalité des coûts entre PV et Eolien dont la tendance serait vraisemblablement plus serrée voire renversée au profit des PV.
La baisse significative des coûts des EnR a eu un effet positif considérable sur le retour d’investissement et a conduit à un changement important dans les politiques énergétiques et a stimulé la R&D pour l’innovation de nouvelles techniques de fabrication telles que le stockage de l’énergie et le développement de panneaux solaires concentrés CSP plus performants et à plus grande échelle.
Cependant, vu le manque de flexibilité des EnR, le défi technique majeur à relever demeure celui de leurs intégrations aux réseaux électriques lesquels sont pilotés par des systèmes électriques complexes censés à la fois :
- Gérer la production et le transport électrique,
- Permettre l’accès à cette intégration moyennant le renforcement adéquat des interconnexions et/ou raccordements,
- Gérer la compensation des intermittences générées par les EnR sachant que la production électrique des PV et Eoliennes ne peut être facilement modulée en fonction de la demande.
II. Place de l’Afrique / A quand le changement d’échelle des EnR
L’Afrique est le continent le plus ensoleillé de la planète, et représente un gisement considérable d’énergie solaire. Cependant et paradoxalement, la majorité des pays africains disposant de cette richesse naturelle inépuisable se distinguent par une production d’électricité « la plus chère et la moins fiable » (*) et présentent un déficit énergétique chronique sous l’effet de la forte croissance de la demande de consommation d’énergie électrique et du manque manifeste en ressources d’énergie primaire de type fossile ainsi que l’augmentation du prix du baril de pétrole.
La sécurité énergétique revêt une importance capitale et demeure le défi et l’objectif majeur de toute politique énergétique. En effet, la sécurité d’approvisionnement en énergie est confrontée constamment à la satisfaction de la demande dont le taux d’accroissement est très significatif en Afrique et dans les pays émergents créant un déséquilibre Offre/Demande menaçant et conduisant à des hausses de prix considérables.
S’agissant d’un déséquilibre instantané affectant l’ensemble du réseau électrique interconnecté « maillé », la gestion de la production et le transport d’électricité s’avère très délicate. Les systèmes électriques ne disposant pas de moyens de production diversifiés et répartis géographiquement, ni de marge de réserve de production ni d’interconnexions avec des réseaux externes sont vulnérables aux fortes variations de charges. La stabilité du réseau est alors fortement compromise et se manifeste par le recours le cas échéant aux délestages automatiques préprogrammés à plusieurs niveaux de sévérité pour la sauvegarde du réseau électrique et éviter la coupure générale fatale dite ‘’ black out ‘’ aux conséquences économiques très lourdes ( pertes d’énergie et économiques considérables ).
Au vu de son potentiel, l’Afrique en profite le moins de son énergie solaire et aurait pu être le leader mondial dans ce domaine. Malgré son gisement solaire grandiose impérissable et convoitisé, les projets EnR en particuliers solaires PV sont encore dans l’ombre et n’arrivent pas à « décoller » et ce malgré l’intérêt qu’ils présentent tant du point de vue diversification des sources d’énergie et réduction de la dépendance à l’énergie fossile que du point de vue potentiel élevé d’ensoleillement, durabilité et rentabilité économique de plus en plus compétitive eu égard aux énergies fossiles.
En revanche, La technologie solaire thermique CSP est prometteuse. Elle offre les avantages significatifs tels que l’intégration industrielle remarquable, le stockage de l’énergie et la compensation des intermittances ce qui constitue un atout important en faveur de l’intégration des EnR à plus grande échelle aux systèmes électriques. Toutefois le coût de revient assez élevé de cette technologie constitue un frein pour son expansion à plus grande échelle.
Néanmoins, la construction de projets CSP de petite taille en micro-réseau ‘’micro-grid’’ pourrait convenir aux pays en développement à faible taux d’électrification ‘’taux de couverture réseau’’ pour l’alimentation des zones éloignées défavorisées et non connectées au réseau électrique, ou pour le renforcement des alimentations électriques « bout de réseau » moins fiables et non secourues dites ‘’ en antenne ‘’. La construction décentralisée de ces projets est beaucoup plus avantageuse pour ces pays que les extensions du réseau électrique dont les coûts et délais de réalisation sont nettement plus élevés.
(*) : la tarification est en général parmi les plus élevées au monde, due au manque criant d’infrastructures électriques et vétusté des réseaux ainsi que les pertes très élevées de transport et distribution électrique.
III. Freins et problématiques
Malgré les développements technologiques importants des EnR réalisés pendant la dernière décade arrivant à un stade significatif de maturité, et la baisse vertigineuse des coûts notamment du Mwh solaire, le développement des EnR à grande échelle n’a pas suivi le même rythme et se trouve confronté à beaucoup d’obstacles se rapportant principalement aux contraintes suivantes :
- Manque de lucidité des aspects réglementaires et institutionnels
- Rigidité des procédures administratives de passation des marchés
- Non respect des plans solaires et hésitation dans la prise de décision
- Retards considérables de réalisation et contraintes liées au volet foncier
- Faible incitation à l’investissement privé
- Modes de financement
- Aspects techniques
Pour l’Afrique, malgré le privilège d’avoir de grandes étendues pour le PV, la majorité des projets EnR réalisés sont de petites tailles. Les projets EnR de grande taille ne sont pas encore matures et connaissent beaucoup d’indécision et scepticisme. L’hésitation observée dans la prise de décision se manifeste souvent dès la phase conceptuelle « FEED » et s’étend parfois jusqu’à la phase d’ingénierie de détail engendrant des retards considérables de réalisation et dérapage de plannings causant des augmentations de coûts d’engineering et manque de compétitivité compromettant la rentabilité et crédibilité des objectifs initialement fixés. Cela est dû en général aux facteurs suivants :
- l’improvisation et non consistance des études de marchés et d’analyses des coûts de projets « CAPEX, OPEX »
- la rigidité réglementaire et administrative menant aux révisions et reports répétitifs de délais
- le manque de financement et d’intérêts de la part des investisseurs privés.
Néanmoins, la participation du secteur privé dans l’investissement des projets EnR en mode PPP pour la conception, construction et/ou exploitation & maintenance « O&M » des installations s’est nettement améliorée ces dernières années. Les institutions financières internationales s’y trouvent plus rassurés et stimulés pour investir dans l’économie verte et soutenir les énergies renouvelables de plus en plus compétitives vis-à-vis les énergies fossiles.