Enseignement supérieur : où nous mène la révolution numérique ?

Enseignement supérieur : où nous mène la révolution numérique ?

Tous les secteurs doivent se remettre en question du fait de la révolution numérique. L’enseignement supérieur, et en particulier les écoles de commerce, n’échappe pas à la règle. Où est-ce que tout cela nous emmène ?

La connaissance gratuite et pour tous

Avec le numérique, la connaissance est dorénavant accessible plus facilement et plus rapidement. Grâce à des moteurs de recherche comme Google et Wikipedia, nous trouvons la réponse à la plupart de nos questions en quelques clicks. Avec les MOOCs, nous pouvons apprendre gratuitement, de chez nous, et de la bouche des experts les plus éminents. La connaissance, comme beaucoup d’autres choses, est devenue accessible à n’importe quel moment, de n’importe où et sur n’importe quel support. Et très souvent, gratuitement.

L’enseignement supérieur est bouleversé par la révolution numérique à l’instar de tous les autres secteurs. Si par le passé, la connaissance était seulement accessible à quelques heureux élus, ce n’est plus le cas. Dans ce contexte, comment est-ce que les écoles de commerce peuvent continuer à justifier des frais de scolarité élevés ? Où cela nous mènera-t-il ? Comparons l’état actuel de l’enseignement supérieur à celui d’autres secteurs qui ont déjà été bouleversés par la révolution numérique.

Plus vite, avec moins ou pas d’intermédiaire : trouver le juste équilibre entre numérique et présentiel

Nous utilisons le numérique parce que c’est pratique. Il nous donne un accès plus facile et rapide à des produits et services que nous pouvons dorénavant acheter en ligne. En réduisant le temps de mise sur le marché, en automatisant les processus de livraison, et en servant des volumes plus larges de consommateurs, la révolution numérique a permis à certains acteurs de la grande distribution de faire des affaires plus vite, plus facilement, et en diminuant les coûts.

Mais les consommateurs aiment cependant – dans certains cas - voir et toucher les produits avant de se décider à l’achat. C’est le fameux « showrooming», qui permet aux consommateurs de se rendre dans un magasin traditionnel (« brick and mortar ») pour voir ou toucher le produit, avant de l’acheter en ligne, là où c’est moins cher. C’est pourquoi certains « pure players » de la vente sur Internet comprennent que créer des magasins « en dur » peut permettre d’augmenter leurs ventes.

La leçon que l’enseignement supérieur peut tirer de ces exemples est qu’il sera probablement nécessaire d’ajuster l’équilibre entre ce qui est proposé en format numérique et en présentiel. La plupart du temps, le contenu sera plutôt accédé via des MOOCs, des vidéos, ou des conférences, parce que c’est pratique. S’il n’y a pas de valeur ajoutée à rassembler des personnes dans une salle de classe, il ne faut pas le faire. Mais beaucoup d’apprenants aiment aussi interagir entre eux ou avec un expert de temps en temps. C’est le bon mélange entre ces deux méthodes d’enseignement qui va assurer le succès du « blended learning ».

Si c’est en ligne, c’est gratuit : utiliser le numérique pour étendre son empreinte, mais pas dans un but lucratif

Il est de plus en plus difficile de monnayer la musique en ligne. Pour quelques euros, il est en effet possible d’avoir un abonnement donnant accès à des millions de chansons...

En pratique, beaucoup de musiciens utilisent des sites de partage gratuits pour augmenter leur base de fans. Mais sans faire d’argent. Les profits ne sont à envisager que pendant les concerts ou les événements qui seront organisés par la suite. Car si les consommateurs ne sont en général pas prêts à payer pour du contenu, ils sont souvent prêts à payer pour une expérience.

De même, l’enseignement en ligne ne sera probablement pas rentable à terme pour la plupart des écoles. Surtout si elles ne sont pas célèbres mondialement. Mais l’enseignement en salle de classe, faisant partie du blended learning, peut générer des revenus. Puisque les participants sont la plupart du temps prêts à payer pour rencontrer un expert en chair et en os.

L’Age des Héros dans un monde où le vainqueur rafle tout

Internet peut parfois sembler une masse cacophonique, où seuls quelques heureux privilégiés ont un succès exceptionnel. Nous connaissons tous le succès de Gangnam Style. La vidéo musicale de PSY qui a généré plus de 2 milliards de visites en quelques mois. Mais en marge de ces succès exceptionnels, de nombreux groupes locaux et talentueux n'arrivent pas à vivre de leur art.

Internet est en effet un monde où le vainqueur rafle tout. Seuls quelques blockbusters font de l’argent. Mais quand ils en font, ils en font beaucoup.

D’une manière similaire, les écoles dont la marque est plus faible vont probablement souffrir de la globalisation imposée par Internet. C’est pourquoi les établissements d’enseignement supérieur doivent construire des marques fortes et globales au risque de disparaître...

Et l’un des meilleurs moyens pour s’assurer la notoriété d’une marque dans l’économie de la connaissance est d’amener dans la salle de classe quelques « profs stars », leaders d’opinion ou autorités intellectuelles, pour lesquelles les participants sont prêts à payer un peu plus...

Les plateformes : valorisation du contenu créé par des tiers

A l’avenir, quelle sera la relation entre ces « profs stars » et les établissements d’enseignement supérieur ?

Force est de constater que la plupart des acteurs qui remportent la bataille du web sont des plateformes. De Facebook à Uber, les plateformes proposent du contenu et des services qu’elles n’ont pas créés elles-mêmes. Ce qu’elles font, c’est en réalité de servir d’entremetteuses entre différents acteurs. Et chaque acteur peut avoir un rôle différent : prestataire de services (conducteur de voiture dans le cas d’Uber) ou client par exemple.

A l’avenir, cela soulève la question de l’affiliation des enseignants. Si les écoles de commerce deviennent des plateformes où elles tirent parti d’un réseau d’experts, d’organisations et d’alumni ; quel sera le rôle des professeurs ?

En tant que coordinateurs de plateforme – par exemple en tant que coordinateur de programmes - ils font partie intégrante de la plateforme. Par contre, en tant que producteurs de contenu, ils pourraient être plus indépendants et servir différentes institutions. De la même manière que les éditeurs ou développeurs servent plusieurs plateformes différentes : sur iTunes, Google Market, ou des plateformes de jeux vidéo. Mais ces professeurs « producteurs de contenu » doivent être établis en tant que leader d’opinion ou autorité intellectuelle pour exister. Ce seront uniquement « les profs stars » qui survivront dans cette cacophonie globalisée qu’est aujourd’hui le monde numérique. 

Créer de la valeur, développer la marque, monnayer l’expérience

L’enseignement supérieur n’est pas un secteur comme un autre. Il faut toujours faire attention lorsque l’on pose la question du modèle économique de l’enseignement supérieur à ce qu’on ne l’aborde pas comme un marché standard… Dans de nombreux pays, la France comprise, tout discours sur la monétisation, le  positionnement ou l’image d’une institution académique suscite au mieux de la suspicion. Et quoiqu’il en soit, il n’y a pas de doute que l’éducation n’est pas directement comparable au secteur du divertissement ou des médias. Mais ces secteurs qui ont déjà subi la révolution numérique nous donnent à voir quelques leçons intéressantes…

Dans un monde global, et à cause de la révolution numérique, il n’y a pas de doute que les écoles de commerce doivent réfléchir à la manière dont elles vont se développer pour prendre acte de ces nouvelles réalités. Et il ne fait aucun doute que les écoles de commerce doivent apporter aux étudiants quelque chose qui n’est pas disponible par ailleurs gratuitement. Des étudiants qui sont de mieux en mieux informés et conscients des différences entre établissements, si elles existent…

Si les écoles de commerce veulent survivre à ces bouleversements, il n’y a donc aucun doute que leur modèle économique doit s’adapter au monde numérique.

Cédric Quéniart

J'aide les marketers B2B à construire leur roadmap contenu 2025

7 ans

Bonjour Nicolas et merci pour votre réflexion sur les enjeux du numérique dans l'enseignement supérieur. Selon mon expérience, ils se situent à deux niveaux : la façon dont le numérique bouleverse les usages au sein même des formations (e-learning, MOOC, ...) mais aussi la façon dont le numérique peut être mis à profit par les formations en amont, dans une logique de recrutement. J'ai rédigé un article sur ce deuxième point : https://www.contentpourvous.fr/enseignement-superieur-inbound-marketing/ Au plaisir d'échanger avec vous sur ces questions passionnantes !

Marco Serri

Chef de studio communication

7 ans

Bonjour Nicolas, et merci pour ce bel article qui milite pour une transformation des pratiques d'enseignement. Certes aujourd'hui, le haut-débit, les réseaux sociaux, la robotique et l'intelligence artificielle appellent à une révolution éducative. La piste est intéressante d'ailleurs pour la formation tout au long de la vie des professionnels, cadres ou non, qui ont besoin de souplesse au-delà des temps classiques de scolarité. Vous et moi savons d'ailleurs l'importance de ces deux éléments constituants : les nouvelles plateformes et les "profs stars", car ils permettent aux écoles bien inspirées de déployer des offres adaptées. Pour autant, les options qui existent aujourd'hui profitent principalement aux plus aguerris, aux plus sensibles aux nouvelles technologies parmi nous - et le fait est peut-être plus susceptible d'exacerber les inégalités que de les diminuer. Que diriez-vous de réfléchir ensemble au-delà de la seule offre des écoles de commerce ? Selon vous, quelle réflexion pourrions-nous apporter aux décideurs qui aille dans le sens du bien commun, de la formation tout au long de la vie pour tous, afin que les économies du XXIe siècle n'en viennent pas à créer une sous-classe massive ? Que pensez-vous qu'il faille pour que la recette des profs stars puisse fonctionner dans l'enseignement public et à d'autres niveaux (lycée par exemple) ?

Yoann FRI

🫡 🪖🚁Chef de la Division Technique Aéromobilité - Le Cannet des Maures - ⚙️Président Rotary Club Val d’argens « Les Arcs »

8 ans

Article intéressant. On pourra toujours critiquer votre vision d'avenir en disant que rien ne remplacera le modèle existant mais le constat est clair, nous sommes face au darwinisme de l'enseignement... La génération Z aborde l'enseignement de manière digitale, connectée, communautaire, nous devons anticiper le mieux possible cette évolution.

Petite correction à mon premier commentaire: j'ai voulu écrire "à un certain moment de la durée ". Je vous saurais gré de bien vouloir m'excuser pour mon manque d'attention.

Je trouve les commentaires de Madame Séverine HELY -JOLY et celles de Monsieur Pascal RUFF très pertinents. Ces aspects de la question n'avaient pas retenu mon attention.

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