Entreprise apprenante, entreprise diktyocratique.
En grec, « δίκτυο » (diktyo) signifie « réseau ».
L’entreprise diktyocratique réussit à équilibrer les pouvoirs au sein des réseaux :
- Les pouvoirs formels, incarnés par les réseaux structurés de management, l’organisation, les processus, les méthodes, les outils institués …tout ce que l’entreprise peut prescrire et résulte donc plutôt d’une décision de la direction, top-down,
- Les pouvoirs informels, représentés par les relations sociales, les réseaux de collaboration et d’échanges entre collègues/pairs, les réseaux d’amitiés, d’influence et de leadership …tout ce que l’entreprise ne peut pas aisément prescrire et résulte plutôt d’une décision individuelle des salariés, bottom-up.
Une entreprise qui ne parierait que sur les premiers ferait preuve de peu d’adaptation, de flexibilité et d’innovation. Elle pourrait néanmoins réussir très bien sur une période courte, mais risquerait de s’éloigner progressivement de son marché et de ses clients.
Une entreprise qui ne miserait que sur les seconds ferait preuve d’une adaptation forte et d’un engagement sûrement élevé de ses salariés, mais, bien que (enfin ...) « libérée » (…) de son management, aurait de grandes difficultés à industrialiser et capitaliser son savoir-faire, à être rentable sur une longue période, voire à exister au-delà d'une certaine taille.
Si l’entreprise peut assez "facilement" décider des premiers, elle ne peut que favoriser l’émergence des seconds. Elle peut définir un modèle de développement humain intégrant les pouvoirs informels, mais plutôt dans le sens d'un "enablement/empowerment".
L’entreprise apprenante a besoin de mobiliser simultanément les pouvoirs formels ET les pouvoirs informels pour ancrer les nouveaux apprentissages: pour chaque effort de formation formelle, il faut, au sein d’un même « programme/projet », anticiper et concevoir les supports (physiques, digitaux …) pour favoriser sa contrepartie informelle, celle qui sera développée au sein des réseaux d’apprenants, en formation et/ou en situation de travail et en interactions, et permettra un réel ancrage des pratiques nouvelles au sein des réseaux.
En ce sens, le « digital learning » peut remplir d’autant mieux son rôle qu’il peut favoriser les échanges informels entre pairs, managers, collègues … Grâce aux outils technologiques digitaux, les échanges informels sont davantage possibles, en théorie...
En pratique, les difficultés ou questions deviennent alors : « Comment insuffler une culture de l’échange ? Comment l’animer ? Comment inciter les personnes à consacrer une partie de leur temps aux dons ou échanges d’informations ou de savoir-faire ? Comment faire pour que la communauté des apprenants trouve plaisir et motivation à se former entre pairs ? La "gamification de tout" est-elle la solution ? Faut-il créer des "challenges apprenants"? Quel est le rôle du management formel dans ces pratiques d'échanges … ? Faut-il récompenser ou reconnaître le rôle de tutorat ou apprentissage du manager ou bien cela fait-il partie de sa fonction classique ? Cela se traduit-il dans ses objectifs formalisés ? Comment est-ce mesuré et objectivé ? etc... »
Dans l’entreprise diktyocratique, la formation se conçoit en termes de flux ou d’« audience », comme un média d'information (social), et de moins en moins en termes de stock ou de « production », comme le cinéma ou le livre. Penser et agir en termes de réseaux modifie la supply chain de la formation vers la formation 4.0.
On rejoint ainsi les propos de George Siemens dans les années 2000 sur l'apprentissage "connectiviste" où la compétence-clé devient la capacité à poser la bonne question et à chercher la réponse (dans son entourage, sur le web ...), et non plus tant la capacité de savoir par soi-même, tant la réalité professionnelle devient complexe et parfois paradoxale.
Les direction des ressources humaines et de la formation devront intégrer assez rapidement cette fonction d'animation "connectiviste" des réseaux pour être en prise avec les nouvelle façons d'apprendre et en phase avec tous les nouveaux besoins de formation émergents, notamment ceux de la formation en situation de travail, et se faire aider par le management formel dont la fonction de tutorat sera encore renforcée dans des dispositifs de digital learning "blended".
Pour tout échange et conseil sur l’entreprise apprenante, pour réaliser une étude sur la culture apprenante de votre entreprise (au-delà des efforts de formation formelle) : tlemetayer@sixun.fr.
medecin expert en santé publique chez Cnam (Caisse nationale de l’Assurance Maladie)
6 ansLes réseaux individuels peuvent servir l intérêt collectif à condition que l individu soit reconnu, encourage, soutenu.