Entreprises en difficulté : Cession de bail commercial, la logique résurrection de la clause de solidarité Cédant / Cessionnaire. Cass. Com. 15.11.17
Entreprises en difficulté : Cession de bail commercial, la logique résurrection de la clause de solidarité Cédant / Cessionnaire. Cass. Com. 15.11.17 pourvoi n° 16-19131
L’article L.642-7 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde prévoit la cession des contrats nécessaires à l’activité de l’entreprise cédée. Cette exigence de nécessité sera le plus souvent remplie par le contrat de bail commercial qui concerne les locaux dans lesquels l’entreprise est exploitée.
Rappelons ici que le bailleur qui se voit imposer la cession du bail peut, de surcroît et depuis la loi Pinel du 18 juin 2014, se voir imposer l’autorisation donnée par le tribunal adoptant le plan de cession au cessionnaire, d’adjoindre à l’activité prévue au contrat, des activités connexes ou complémentaires[1]. Toutefois, le bailleur doit être entendu par le tribunal ou dûment appelé.
Non content de cette situation que le bailleur peut estimer désavantageuse, ce dernier ne pourra même pas espérer faire valoir la clause de garantie solidaire prévue à son bail.
En effet, pour mémoire, les articles L.622-15 et L.641-12 al.2 du code de commerce prévoient la neutralisation des clauses dites de solidarité cédant / cessionnaire. La loi de sauvegarde a modifié les règles antérieures en réputant non écrite, en cas de cession du bail, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire, tant en procédure de sauvegarde, qu’en redressement et liquidation judiciaire.
La mesure se justifie pour le débiteur personne morale car il disparait du fait de la liquidation judiciaire et ne peut donc plus se substituer au cessionnaire défaillant. S’il s’agit d’une personne physique, accorder la possibilité au bailleur de se retourner contre elle, serait contradictoire avec le principe de non-reprise des poursuites individuelles.
Le cas soumis à la Cour de cassation est atypique et démontre le talent de certains plaideurs pour tenter de faire dire à des textes ce qu’ils ne disent pas, parfois avec un certain succès.
Mais la haute juridiction veille et a jugé utile de publier son arrêt.
Les faits sont simples : Monsieur X a acquis, au titre des opérations de la liquidation judiciaire de Monsieur Y, le fonds de commerce de celui-ci, exploité dans les locaux donnés à bail par Monsieur Z (le bailleur). Par un acte postérieur, Monsieur X cède in bonis et à son tour le fonds de commerce à une société qui fera très vite l’objet d’une liquidation judiciaire. Monsieur Z, le bailleur, assigne Monsieur X le cédant en paiement pour des loyers non payés par son cessionnaire.
Monsieur X, le cédant, invoque à son profit les dispositions des articles L.622-15 et L.641-12 al.2 du code de commerce pour prétendre que la clause de solidarité cédant/cessionnaire est réputée non écrite pour avoir été neutralisée lors de la liquidation judiciaire précédente, celle de Monsieur Y.
Le premier juge avait estimé l’argument convaincant.
La Cour d’appel puis la Cour de cassation doivent alors rétablir la Loi.
La Cour de cassation, rejetant le pourvoi de Monsieur X, rappelle que si l’article L.641-12 al.2 du code de commerce, qui autorise le liquidateur à céder le bail des locaux utilisés pour l’activité du débiteur, répute non écrite toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire, cette règle ne profite qu’au preneur en liquidation judiciaire de telle sorte qu’une telle clause retrouve son plein effet au profit du bailleur en cas de nouvelle cession du bail selon les modalités du droit commun.
Ainsi, et il semble qu’il faille le préciser, si le code de commerce peut prévoir la neutralisation des clauses de garantie cédant / cessionnaire lors d’un plan de cession, la clause du bail retrouve toute sa plénitude à l’occasion d’une cession ultérieure, pour autant que celle-ci s’opère in bonis.
Franck IACOVELLI
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[1] Article L.642-7 al.4 du code de commerce.