Entretien avec Béatrice Blohorn-Brenneur sur la médiation judiciaire

Voici un extrait de l’entretien avec Béatrice BLOHORN-BRENNEUR sur la médiation judiciaire, présidente et fondatrice du Groupement Européen des Magistrats pour la Médiation (GEMME), du Conseil International de la Médiation, présidente de Chambre honoraire de la Cour d’appel de Lyon, ancienne médiatrice du Conseil de l’Europe.

Dans quelles situations recommander la médiation judiciaire ?

Je ne recommande pas la médiation quand il y a une question de pur droit à trancher, qu’il s’agit de faire jurisprudence, que l’ordre public a été violé, que les parties n’ont pas la pleine disponibilité de leurs droits ou que l’on est en présence d’un passage en force. A contrario, quand il y a un besoin de rapidité, de confidentialité, de contrôler l’aléa du jugement et, plus généralement, en présence des facteurs de complexité humains, la médiation est très opportune. Par exemple, lorsqu’il y a une forte teneur émotionnelle du fait d’une grande ancienneté dans l’entreprise ou lorsque les plaignants étaient membres d’une même famille, mariés, associés…

Par ailleurs, dans certains dossiers, il est possible d’anticiper qu’une décision judiciaire se heurterait à des difficultés d’exécution (litige transfrontalier, batterie de contentieux où peut se mêler du pénal au civil…).

Faire accepter la médiation est le plus difficile. Si elle peut être proposée à tout moment de la procédure, je n’obtenais pour autant « que » 50 % d’acceptation.

C’est souvent l’employeur qui refuse d’aller en médiation, parce qu’il craint parfois, à tort, que son acceptation ne révèle une forme d’incompétence ou parce qu’il perçoit le procès comme un moyen de gagner du temps (souvent trois ou quatre ans) pour retarder le paiement des indemnités.

Histoire de médiateur racontée par Béatrice Blohorn-Brenneur

Je me souviens d’un plombier salarié qui avait subi un grave accident du travail.

Un ballon d’eau chaude lui était tombé sur l’épaule et malgré sept opérations, il ne pouvait plus exercer son métier. Son licenciement pour défaut de reclassement l’avait fait sombrer dans un cercle vicieux : divorce, expulsion de son appartement, dépression…

Sur le fond, le licenciement avait été prononcé de manière régulière.

Sur la forme, il y avait une certaine inhumanité à clôturer froidement 27 ans de collaboration dans de telles circonstances. Ils acceptèrent la médiation et l’employeur fut profondément ému quand son ancien employé lui montrant son épaule, déclara : « Voici les cicatrices qui font de moi l’infirme que vous avez jeté à la misère ». Face aux regrets exprimés et à la tristesse sincère de l’employeur, l’employé lui a tendu la main en disant « Ça ne répare rien, mais ça me suffit ! »

L’employeur lui proposa alors un poste de gardien en CDD pour réaliser le « tuilage » avec l’actuel gardien qui avait prévu son départ à la retraite. Il revient au juge d’inviter les acteurs en médiation judiciaire, ce qui constitue la phase la plus difficile du processus. Le ou les médiateurs désignés devront ensuite réaliser des entretiens individuels pour préparer la table ronde et s’assurer que la médiation est bel et bien un processus volontaire. Que ce soit en matière judiciaire ou en matière conventionnelle, cette phase d’invitation est la clef d’entrée en médiation, ce qui nécessite une certaine méthode.