EPISODE 7 : Béton et eau, une pluie de solutions

EPISODE 7 : Béton et eau, une pluie de solutions

Trois ingénieurs aquitains remportent le trophée de l'édition 2020 du concours Prospective et Innovation à l'attention des écoles d'ingénieurs sur le thème Béton et eau"

Au terme des délibérations du jury, composé de professionnels adhérents au SNBPE, de CIMBETON et de professionnels de l’enseignement du Génie Civil, ce sont Louis Durieublanc, Edward Moscrop et Yohan Naumer, 3 étudiants de l'ISA BTP : Institut Supérieur Aquitain du Bâtiment et des Travaux Publics, qui ont été désignés lauréats de l’édition 2020.

L’équipe s’est penchée sur la question de la gestion de l’eau pluviale et le basculement qui peut être opéré pour que, quittant son statut de nuisance, elle devienne ressource. Le béton peut jouer un rôle capital dans cette valorisation grâce à ses propriétés uniques et aux avancées de la recherche et du développement dans ce domaine. Louis, Edward et Yohan proposent ainsi diverses innovations telles que des zones tampons pour éviter l’engorgement des stations d’épuration pendant les fortes pluies, construites avec un béton permettant la dépollution de l’eau, ou encore la création d’un béton capacitif dont les caractéristiques permettraient, par électro statisme, de produire de l’électricité avec l’écoulement des eaux de pluie.

Introduction et contexte du projet

Les espaces urbains font face à des évènements pluvieux de plus en plus intenses et imprévisibles, générés par les effets du dérèglement climatique. La densification des zones urbaines conduit à une imperméabilisation des sols et donc à une saturation des réseaux d’assainissement.

Il y a aujourd’hui un enjeu fondamental à propos de la préservation de la ressource en eau et de la maîtrise du risque d’inondation.

L’enjeu consiste donc à développer une approche globale du cycle de l’eau, la « gestion intégrée des eaux pluviales » qui consiste à restituer le cycle naturel de l’eau en adéquation avec les projets d’urbanisme à l’échelle du territoire urbain, afin de créer la ville éponge et répondre aux attentes croissantes des citadins en matière de qualité de vie.

Après avoir évoqué l’approche de distinction entre lieux de récupération et de gestion de l’eau, nous présenterons des alternatives en béton pour assurer un stockage vertical de l’eau pluviale dans la ville. Enfin nous exposerons l’idée d’utiliser le ruissellement de l’eau pour exciter électriquement un béton dit « capacitif ».

Distinction entre lieu de récupération et lieu d’évacuation de l’eau pluviale

Le concept principal

Une grande partie de l’eau pluviale tombe sur les chaussées et trottoirs des villes. Ces surfaces sont souvent synonymes d’imperméabilité. Il est reconnu que l’introduction des végétaux dans les villes permet de contrer ce phénomène, car ces systèmes miment le cycle de l’eau naturel qui se déroule dans la nature en général. Cependant, il n’est pas possible d’introduire de la végétation partout. Par exemple, les chaussées et les trottoirs, qui de plus représentent une grande surface exposée à la pluie, ne peuvent pas être totalement remplacés par des végétaux1. Une idée pourrait donc être de différencier le lieu de récupération et le lieu de gestion.

L’avantage de la végétalisation est qu’elle permet à l’eau de s’évaporer naturellement, ainsi que de s’infiltrer dans le sol sous-jacent. Ainsi, si la ville dispose d’espaces verts tampons, qui pourraient être espacés à intervalles réguliers dans la ville, on pourrait imaginer un système d’acheminement de l’eau pluviale récoltée depuis les routes et les trottoirs de la ville vers ces espaces.

Afin de pouvoir poursuivre ce concept, il nous faut un moyen de récupération adapté ainsi qu’un moyen de transit de cette eau vers les espaces tampons.

Il existe aujourd’hui des chaussées à structure réservoir qui permettent le stockage de l’eau pluviale directement au sein de la chaussée. Nous avons imaginé un concept similaire mais qui enverrait cette eau vers les espaces tampons décris ci-dessus, et non vers les stations d’épuration traditionnelles.

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La couche de roulement serait en béton poreux, ce qui permet aux eaux de pluie de s’infiltrer directement dans les routes, avant de rejoindre des canalisations souterraines qui amèneraient les eaux dans les espaces tampons.

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Les espaces verts seront donc réalisés avec une certaine profondeur (entre 50 et 80 cm de haut pour une superficie de 200m².), afin de laisser une marge de remplissage du bassin lors de fortes pluies tout en évitant le débordement.

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La valeur ajoutée d’un béton assez spécial

Pour que ce concept soit viable, il faut à tout prix que l’eau rejetée dans la nature soit dépolluée. En effet, les eaux pluviales qui arrivent dans les villes vont se mélanger avec le polluant principal des véhicules : les hydrocarbures. Ce polluant est sous forme de très fines particules qui sont très nocives.

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Il existe pourtant une solution à cette problématique : l’Alcanivorax borkumensis. Cette bactérie, au nom un peu barbare, réagit avec les hydrocarbures et donc permet de dissoudre les polluants stagnant sur les routes de la ville. Le béton poreux employé dans ce concept serait donc propice au développement de cette bactérie, ce qui sera le moteur principal de la dépollution des eaux pluviales. Les images ci-contre schématisent le métabolisme de cette bactérie. Ainsi l’eau rejetée dans les espaces verts tampons sera propre et ne nuira pas à l’environnement.

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Le stockage vertical de l’eau pluviale

Les façades verticales

Les immeubles et les bâtiments occupent aussi une grande partie de la surface des villes. L’eau tombant sur les toitures des immeubles est généralement déversée dans le réseau d’assainissement général de la ville, via des canalisations d’eau pluviale. Depuis quelques années, le concept de toiture végétalisée est mis en valeur car elle permet de gérer l’eau là où elle arrive.

Cependant, lorsque l’on tourne son regard sur la ville, on remarque assez vite que les parois des bâtiments présentent une surface non négligeable et pourtant inexploitée.

Ces surfaces, pourraient, avec notre principe, présenter une tout autre utilité dans la ville éponge de demain. En effet, nous avons imaginé une paroi verticale telle que, en supplément du bâti existant, un mur supplémentaire puisse retenir de l’eau et la piéger. Ce réservoir se remplirait d’eau lors d’évènements de fortes précipitations en récupérant l’eau ruisselant sur la toiture.

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D’un point de vue structurel, l’espacement interne serait de 25cm à 30cm. Le défi serait, de l’intérieur, d’éviter au maximum les pressions internes de l’eau. Pour se faire, la forme que prendrait le réservoir à l’intérieur serait de formes les plus courbes possibles, quitte à augmenter la place que prendrait le béton dans ces réservoirs.

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Pour une façade d’environ 20m de côté et de trois étages, le volume d’eau stocké pourrait avoisiner les 40 m3. Lors de fortes précipitations, la paroi réservoir pourrait se remplir en l’espace de 1h30.

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La paroi interne serait en béton hydrofuge, pour conserver une bonne étanchéité du bâtiment et aussi garantir une bonne durée de vie du béton. La paroi externe elle serait faite d’un béton très faiblement poreux, pour nourrir une végétation accrochée en face extérieure. Les dimensions et principe de cette façade sont présentés sur les schémas ci-dessous.

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En hiver, pendant les périodes présentant des risques de pluies verglaçantes et de gel-dégel, nous pourrions imaginer de fermer un clapet pour que la paroi ne reçoive plus d’eau.

Le premier bienfait que ce stockage dans les parois de la ville pourrait générer est bien évidemment le stockage direct de l’eau et donc la diminution des risques d’inondations.

Les champignons urbains

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Remarquant que le stockage vertical de l’eau au sein même de la ville pouvait avoir des vertus non négligeables dans la ville éponge de demain, nous avons imaginé la mise en place de châteaux d’eau miniaturisés dans la ville que nous appellerons champignons urbains.

Présentant la même forme que la plupart des châteaux d’eau que nous connaissons, ces champignons urbains auraient un diamètre à leur base de 1,15m et un diamètre d’environ 4 à 5m à leur sommet, à environ 5m du sol2.

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Ceux-ci seraient faits d’une structure en béton, au même titre que les châteaux d’eau, et par le même principe de béton faiblement poreux énoncé plus haut, nous pourrions végétaliser la surface du béton et ainsi accroître l’évaporation par les végétaux.

Evaporation de l’eau stockée

C’est lorsque nous stockons cette eau au sein même de la ville que nous nous rendons compte de l’intérêt que celle-ci puisse porter dans la ville et sa gestion de l’eau.

Ainsi, l’évaporation de l’eau stockée pourrait bien présenter une grande utilité. Au même titre que l’évaporation stockée dans les végétaux permet de rafraichir son environnement, l’évaporation de l’eau stockée dans ces parois réservoirs pourrait entrainer un rafraichissement qui serait le bienvenu dans des villes toujours plus bétonnées.

En effet, non seulement les surfaces bétonnées entraînent une imperméabilisation des villes, mais cela crée aussi des îlots de chaleur qui empêchent les villes de se rafraîchir pendant les périodes chaudes3. Les toitures végétalisées sont utiles, certes, mais les avantages calorifiques de cette eau rejetée ne sont pas optimaux.

A ce titre, si l’eau était amenée à être stockée verticalement dans les façades, le rafraîchissement serait beaucoup plus performant. Nous avons donc imaginé une structure en béton pour les façades des bâtiments qui stockerait l’eau pluviale arrivant depuis les toits.

Nous pourrions utiliser l’énergie nucléaire produite à perte par les centrales nucléaires françaises la nuit pour pomper l’eau depuis des réservoirs en sous-face de bâtiments de la ville. Cette eau pompée pourrait être amenée vers les stockages verticaux, vers les parois et les champignons urbains.

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Ce principe est déjà connu et viable, puisqu’il est utilisé de la même manière sur le barrage de Grand’maison en France, utilisant cette même énergie nucléaire produite la nuit pour repomper de l’eau en aval et la renvoyer vers le bassin de rétention d’eau afin de faire de la valorisation énergétique, nous pourrions faire la même chose en vue de journées chaudes.

L’eau de pluie : une ressource

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Toute l’eau stockée dans ces parois et champignons urbains ne va pas seulement servir au rafraichissement des villes, car on peut y trouver une autre utilisation. En effet la consommation en eau moyenne d’un foyer est de 120 m3 par foyer par an. D’après les valeurs du graphique ci-dessous, on voit qu’environ 32% de cette consommation ne nécessite pas d’eau potable. Les sanitaires ainsi que le lave-linge4 pourraient donc être alimentés par un réseau d’eau pluviale venant des parois de stockage verticale et des champignons.

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Ainsi les immeubles de la ville de demain comprendront deux réseaux distincts d’adduction en eau de consommation. Les champignons urbains disposeront d’un filtre en pied pour séparer l’eau des potentiels déchets accumulés au cours du stockage (feuilles mortes etc…). La filtration de l’eau des façades verticales se fera directement sous les bâtiments, avec une cuve de stockage permettant de stocker l’eau non potable pour la consommation des foyers.

L’eau de ruissellement : un générateur d’électricité

Enfin, d’un constat assez simple, qui est l’attraction électrique que peut avoir un ballon de baudruche sur l’eau, nous avons imaginé le ruissèlement dans les villes comme une source d’énergie autonome.

En effet, nous savons que l’eau et l’électro statisme font bon ménage. Par l’utilisation de matériaux électro statiquement sensible, tel le matériau de bakélite, nous pouvons imaginer un béton qui pourrait être électro statiquement sensible.

En se replongeant dans le concours de la SNBPE d’il y a quelques années, nous nous souvenons du béton capacitif. En partant sur cette même base, de béton permettant de laisser passer un courant électrique, nous pouvons imaginer un béton tel que l’électro statisme qu’il génère avec l’eau puisse naviguer sur sa surface et ainsi pourrait alimenter des faibles éléments électriques.

L’apport énergétique étant faible, nous pouvons imaginer des dalles de béton sur la route ou les trottoirs, composées de LED et d’éléments électro statiques, tels que lors de fortes précipitations les dalles de béton s’illuminent.

Sergio Ciccone

CV pour cadres et dirigeants | Soutien aux entrepreneur(e)s en reconversion avec 60000 rebonds |

1 ans

Je n'ai pas tout lu, mais ça me paraît très intéressant Nicolas LUTTRINGER merci 💡💁👏

Sébastien Yafil

Directeur Commercal et marketing chez STRADAL, A CRH COMPANY

2 ans

Comme quoi, avec un peu de recul on peut trouver des solutions avec le beton pour juguler l'artificialisation des sols. Tout doit s'apprehender dans une vision d'ensemble avec une finalité commune et un ajustement des moyens et des doctrines !

Pierre-Antoine D'ARGENTO

Stratégie et Promotion | Matériaux de construction - SNBPE

4 ans

👏👏 ISA BTP : Institut Supérieur Aquitain du Bâtiment et des Travaux Publics hâte de voir la réalisation 😉👌

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