ERASMUS : une réussite européenne depuis 30 ans!
Soufflant ses 30 bougies, le programme doit faire face aux difficultés que traverse l'Union européenne!
Rares sont les projets européens à avoir autant été plébiscités à travers les décennies. Certains gardent le souvenir ému de L'Auberge espagnole, d'autres vantent une "réussite européenne": Erasmus, le programme qui a permis à plus de 5 millions de personnes de partir étudier à l'étranger, fête lundi ses 30 ans, dans une Union européenne en plein doute.
"C'est une expérience unique", se souvient Lila, deux ans après l'aventure. Son départ à Dublin a permis à cette Française de 24 ans, étudiante en commerce à l'époque et aujourd'hui salariée, de "mûrir, grandir", "d'apprendre sur le plan personnel" et de "rencontrer plein de gens avec qui on garde plus ou moins contact". C'est le 15 juin 1987 que voit le jour ce programme, baptisé en mémoire d'Érasme, l'un des grands humanistes de la Renaissance. À l'origine, il permettait aux seuls étudiants de partir suivre une année de cursus à l'étranger. Mais il n'a cessé de s'étendre, passant de 11 pays inscrits au départ à 33 pays participants. Désormais nommé Erasmus +, il a aussi gagné élèves du primaire et du secondaire, des lycées professionnels, demandeurs d'emplois, etc.
L'Auberge espagnole
Au total, sur les 5 millions de personnes bénéficiaires, 3,3 millions d'étudiants ont pu vivre l'aventure, qui sera célébrée lundi à l'Odéon-Théâtre de l'Europe à Paris, en présence de membres du gouvernement. L'anniversaire sera aussi fêté le 26 janvier à Bruxelles, avant d'autres événements au long de l'année. Erasmus+ a même eu les honneurs du cinéma. Dans le film à succès L'Auberge espagnole de Cédric Klapisch (2002), un jeune Français part étudier à Barcelone, mais... est très occupé par ses tracas sentimentaux. Une étude publiée en 2014 estimait d'ailleurs que, depuis le lancement d'Erasmus, plus d'un million de bébés sont nés de couples formés lors de ces séjours d'étude.
Pour les responsables d'Erasmus+, qui viennent de dresser le bilan des 30 ans du programme, la construction d'"une citoyenneté européenne" et d'"une Union européenne plus équitable, plus inclusive et durable" est en marche. "Le succès est indéniable", abonde Jean-Luc Nahel, chargé des relations internationales à la Conférence des présidents d'universités (CPU) françaises. "Aujourd'hui, la mobilité internationale des étudiants est l'un des éléments qui permet de juger les universités", explique-t-il.
L'ombre du Brexit
Quel avenir pour ce programme salué, alors que l'Union européenne n'a jamais autant douté d'elle-même ? Les partenaires européens sont "en ce moment même en train de renégocier le futur programme Erasmus+ et regardent de plus près quelle est la volonté politique pour après", souligne le porte-parole d'Erasmus+, Lucas Chevalier.
Si l'enjeu incontournable, selon lui, est celui des "moyens alloués pour répondre à la demande croissante", dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, le programme est ébranlé par le vote britannique de l'an dernier sur le Brexit. Certes, pour le directeur des affaires étudiantes à Oxford, Den Moore, le prestigieux établissement "entend rester une communauté florissante et cosmopolite", et "le résultat du référendum britannique ne changera pas cela". "Nos étudiants du monde entier seront aussi chaleureusement accueillis qu'ils l'ont toujours été."
Baisse des demandes au Royaume-Uni
"Perdre Erasmus serait un choc conséquent pour Oxford et de nombreuses universités du Royaume-Uni", admet cependant Loren Griffith, directeur de la stratégie internationale à Oxford. Se voulant rassurant, le ministre britannique des Universités, Jo Johnson, a annoncé en octobre que les règles allaient rester inchangées pour les étudiants de l'UE pour la rentrée 2017-2018, notamment en ce qui concerne les frais d'inscription, et "ce pour l'intégralité de leur cursus".
Mais l'incertitude sur la date de sortie du Royaume-Uni de l'UE n'aide pas à y voir clair. Ainsi, la célèbre université de Cambridge a fait part de ses craintes en décembre, indiquant que les demandes d'inscription en provenance de l'UE pour 2017 avaient baissé de 14,1 %, passant de 2 651 à 2 277. Étudiant français en échange depuis septembre à l'université de Durham (nord-est de l'Angleterre), Younes, 19 ans, inscrit dans un cursus d'histoire, en est en tout cas convaincu : "Erasmus+, c'est indiscutablement une des choses les plus positives de l'Union européenne."
Article tiré du journal "Le Point"