Erreurs métrologiques lors des mesures de température sans contact
Les métrologistes sont parfois sceptiques sur les méthodes de mesure sans contact comme la pyrométrie infrarouge. Cependant les fabricants de pyromètres annoncent des précisions élevées. Bien entendu, le choix du bon modèle en fonction de l’application est crucial pour atteindre cette précision. Il faut tenir compte de la nature du matériau et de son état de surface ainsi que de tous les paramètres extérieurs pouvant perturber la mesure. De nombreuses erreurs peuvent être évitées ou fortement atténué en respectant quelques règles simples. Cet article décrit les sources d’erreurs et les solutions à mettre en place pour garantir une mesure juste et fiable.
Émissivité
Les pyromètres mesurent le rayonnement infrarouge émis par un objet. La quantité d'énergie infrarouge qui est rayonnée dépendra des propriétés physiques du matériau et de son état de surface. La capacité d’un objet à rayonner l'énergie thermique est appelée « émissivité » (ε). Lors d’une mesure de température par infrarouge, il est indispensable de renseigner cette valeur. L’utilisation d’une valeur émissivité incorrecte peut engendrer une erreur de mesure considérable. Le tableau (fig. 1) montre les déviations de la température (ΔT) pour un pyromètre utilisant une émissivité de 80% au lieu de 90%. C’est erreur augmente lorsque la longueur d’onde utilisé augmente et quand la température augmente. Il faut donc choisir l’instrument ayant la courte longueur d’onde tout en restant compatible avec l’application.
Ceci est particulièrement nécessaire lors de la mesure sur des surfaces métalliques dont les émissivités sont extrêmement variables ou incertaines. L’utilisation de longueurs d'onde plus courtes réduira considérablement la valeur d’incertitude de mesure. L’émissivité des métaux tend à augmenter à des longueurs d'onde plus courtes et l’impact d’un mauvais réglage d'émissivité diminue également.
Perte en transmission
Dans les conditions idéales, l'atmosphère entre le pyromètre et la cible sera dégagée de tout obstacle. Mais dès que des obstacles apparaissent, comme des poussières, de la vapeur, des fumées, ou d'autres médias tels que des hublots ou des lentilles, alors une partie de l'énergie émise par l’objet sera réfléchie ou absorbée. La température affichée sera diminuée.
Si le taux de la transmission est connu, par exemple dans le cas d’un hublot avec τ=0.95, l'utilisateur peut compenser cette perte d’intensité ajustant l'émissivité du même facteur comme ci-dessous.
ε pyromètre = ε objet * τ des obstacles
ε pyromètre = arrangement d'émissivité à l'instrument
ε objet = émissivité d'objet de cible
τ des obstacles = taux de transmission des obstacles présents sur le trajet optique
Les contaminants tels que la poussière, les gouttelettes d’huile ou les vapeurs, qui s'accumulent au fil du temps sur la lentille de pyromètre ou la fenêtre de protection constituent un réel problème. Plus les optiques s’encrassent, plus les valeurs affichées diminuent. En pareil cas, il est impératif de nettoyer la lentille très régulièrement. L'utilisation d'une purge à air qui balaie un filet d’air diminue la fréquence des opérations de nettoyage. Certains modèles de pyromètres intègrent une fonction de détection d’encrassement de la lentille qui déclenche une alarme lorsque qu’un nettoyage s’impose.
Radiations parasites de l’environnement
La valeur affichée dépend de l’énergie infrarouge totale reçue (ΦΣ) par le détecteur. Cette énergie correspond à la somme des énergies émissent par l’objet ainsi que toutes les autres sources émettrices extérieures appelées rayonnement de fond ou radiations extérieures.
ΦΣ = Φε + Φτ + Φρ
ε = émise par la surface de l’objet
τ = transmise au travers de l'objet
ρ = réfléchie sur la surface de l’objet
L’erreur occasionnée par le rayonnement de fond aura moins d’impact lorsque l’émissivité de l’objet est importante et lorsque la température de l’objet mesuré est sensiblement plus chaude que celle de l’environnement. Le rayonnement de fond est un problème important en sortie directe d'un four de recuit à cause des parois du four qui se réfléchissent sur l’objet à mesurer. Pour limiter cette influence, on essaiera de viser une zone de l’objet qui est à « l’ombre » du rayonnement du four. On prêtera également attention à d’autres sources souvent sous-estimées comme: les lampes d’éclairage, les éléments chauffants ou les sources laser.
Dans le cas des applications faisant intervenir des lasers, l’énergie des lasers étant très supérieure à l’énergie infrarouge détectée par le capteur, on utilisera des filtres coupe-bande spécifiques.
Les phénomènes d’aberrations optiques, de la lumière diffuse ou des diverses réflexions intervenants sur les composants optiques, ou la diffraction des ondes lumineuses font que le détecteur reçoit de l’énergie provenant de son champ de visée mais également au-delà. On appelle ce phénomène l’Effet de Taille de Source (SSE). Pour réduire ce phénomène, le fabricant d’instrument optique apporte un soin particulier dans le design, l’assemblage et le traitement de surface de ses optiques. Les lentilles à haut gradient diminuent favorablement le SSE. Le SSE est aussi nettement plus faible lorsque le pyromètre est précisément placé à sa distance focale et que la lentille est focalisée : l’image est nette est de taille minimale. C’est pourquoi les instruments à lentilles focalisables sont préférés.
Les aberrations optiques ont un des conséquences qui augmentent lorsque la longueur d’onde du détecteur augmente. Il faut donc apporter un soin encore plus important sur les modèles grandes longueurs d’ondes. Ces modèles sont utilisés pour les températures relativement basses. Pourtant, c’est aux basses températures (0-200°C) que l’on trouve le plus gros des instruments premiers prix. Ces équipements sont alors extrêmement sensibles à la distance à laquelle on les utilise.
L’Effet de Taille de Source devient négligeable lorsque la surface de l’objet est très nettement supérieure la taille spot de visée et que la température est homogène.
Ainsi pour réduire le SSE, il est recommandé d’utiliser un pyromètre focalisable et de s’appliquer lors de l’alignement de la focalisation. Un pointeur LED, une visée directe ou une caméra vidéo facilitent grandement ces taches.
Les pyromètres bichromatiques
Un pyromètre bichromatique mesure le rayonnement infrarouge à 2 longueurs d’onde et détermine le ratio. Après simplification, la température mesurée peut être exprimée avec la formule suivante où λ1 et λ2 représentent les deux longueurs d'onde centrales :
TM = température mesurée
TW = température vraie
C2 = Constante de radiation
Si les émissivités ε1 et ε2 sont équivalentes, alors la température mesurée sera égale à la température vraie. Ainsi, tant que l’émissivité du matériau à ces 2 longueurs d’onde reste identique, le mode bi-chromatique permet une mesure sans avoir à renseigner l’émissivité du matériau. En théorie, le mode bi-chromatique est recommandé lorsque l’émissivité de l’objet varie dans le temps ou en fonction de la température. En pratique, il faut être plus prudent car certains matériaux ont de ε1 et ε2 qui varient différemment. Le résultat peut alors être totalement erroné. A titre d’exemple, l’émissivité de nombreux métaux non ferreux varient fortement en fonction de la longueur d’onde.
Autre avantage du mode bichromatique est son immunité face aux perturbations sur le trajet optique. En effet, la perte d’énergie due à la présence de fumées, poussières ou vapeur est la même aux 2 voies de mesure. Le rapport des signaux reste constant et la mesure reste bonne. Les pyromètres bichromatiques travaillent simultanément en mode mono et bi-chromatique. L’utilisateur peut donc choisir son mode de mesure en fonction de l’application voire même enregistrer les 3 voies de mesure pour une étude approfondie.