Escroc
La règle de base de l'escroquerie et que l'escroqué ait le sentiment d'être en partie responsable de ce qui lui arrive. Une assurance, pour l'escroc, que l'escroqué ne se manifestera pas, de crainte d'être lui-même reconnu coupable, et d'être humilié du fait de sa naïveté. L'agriculture est un bon exemple de ce phénomène.
Dès la fin de la dernière guerre mondiale, quand il a fallu reconstruire la France, l'industrie a mis l'agriculture a son service, tout en glorifiant la France rurale, bien entendu. L'industrie avait besoin de main-d'œuvre, l'agriculture sera mise en demeure de lui fournir. L'industrie avait besoin de débouchés, l'agriculture est ainsi devenue le secteur qui transformait des produits industriels en produits agricoles. Secteur primaire et secondaire étaient inversés. L'agriculture a transformé les produits industriels, engrais, phytosanitaires, chimiques et pharmaceutiques, vaccins et antibiotiques, en produits primaires végétaux ou animaux. Ces derniers étaient ensuite repris et transformés par l'industrie, encore l'industrie. Pourquoi pas, si les agriculteurs s'y retrouvent ? Mais l'industrie voulait aussi maîtriser les salaires de ses personnels, et pour cela qu’ils aient accès à une alimentation pas cher. L'agriculture a donc dû maintenir les prix aussi bas qu'il était possible pour se maintenir. L'idée que les agriculteurs restaient dans leur ferme tant qu’ils y parvenaient permettait de pressurer au maximum une population devenu auxiliaire de l'industrie.
Résumons : Une agriculture pourvoyeuse de main-d'œuvre bon marché, consommatrice de produits industriels et à la fois fournisseuse de matières premières pas cher à l'industrie, des revenus agricoles bien au-dessous du smic. Voilà de quoi susciter la colère des agriculteurs, une colère légitime. Les agriculteurs qui ont survécu ce sont, pour une part, enrichis en reprenant notamment les terres de ceux qui ont dû partir. Ils ont ainsi participé sans en être vraiment conscients, à l'exploitation de l'agriculture par l'industrie. Ils trouvent dans les produits industriels des solutions techniques qui leur permettent de continuer, toujours sous la surveillance et le contrôle de l'industrie. Ils ont eux-mêmes créé les organes de cette domination, avec des coopératives qui sont devenues progressivement de véritables entreprises guidées par une logique industrielle. L'escroquerie est parfaite. La colère, légitime comme je l'ai déjà dit, des agriculteurs est à la mesure de leur déception. La formidable mission de nourrir le monde ravalée à la triste nécessité de survivre. Pour y parvenir tout est bon, avec cette désillusion proche du désespoir en fond de décor. Plutôt que de changer d'orientation, ce que font quand même une part minoritaire d'entre eux, allons plus vite et plus loin dans la logique industrielle, avec des drones, des engins de plus en plus lourds, des produits administrés en costume de cosmonaute tellement ils sont toxiques, et toujours les débouchés maîtrisés par l'industrie. Sans vergogne, celle-ci est prête à mettre l'agriculture française en concurrence avec d'autres plus économiques, toujours dans la recherche de maîtrise des salaires, conditionnée par le maintien de prix bas pour l’alimentation. Dernier coup de génie de l'industrie, diriger la colère des agriculteurs sur l'environnement, pour réduire les contraintes de ce côté-là et permettre ainsi à l'industrie d’écouler librement ses produits. Bravo les escrocs !
La relation industrie-agriculture relève d'une escroquerie à grande échelle nous nous payons tous le prix dans nos assiettes, notre santé, notre dépendance à des marchés internationaux qui nous échappent largement, escroquerie et dont les agriculteurs sont à la fois les victimes et les complices.
Il existe de nombreuses formes d’escroqueries, à des échelles variables, et dont l'environnement est la matière première. Les crédits « carbone », par exemple, et des certificats d'économie d'énergie sont de nouveaux instruments financiers dont le but est d'inclure les coûts évités dans les calculs économiques. Tentative difficile de prise en compte de la non-consommation de ressources ou de la réduction de rejet dans l'environnement alors que tous les indicateurs traditionnels portent sur la production sans égard à ses effets pervers. Une fragilité due au caractère innovant d'un tel système, fragilité qui a ouvert un champ à des escrocs peu soucieux de l'environnement, et qui discréditent ainsi les efforts de modernisation des théories économiques.
Deux exemples, donc, d'escroquerie sous des formes très contrastées, qui sont des obstacles à l'innovation dont nous avons bien besoin pour ouvrir une nouvelle ère de développement. Le développement durable doit surmonter de nombreux obstacles. Il y a le poids des habitudes, l’inertie des modes de penser et des institutions, les résistances au changement sous toutes ses formes. Il y a aussi les pièges tendus par les escrocs qui tentent de profiter des failles inévitables dans la recherche de nouveaux modèles.