Est-il possible d’être partie-prenante sans avoir d’enjeu perso ? Retour sur une expérience collaborative.
On le dit trop souvent, l’aventure entrepreneuriale est souvent longue, semée d’embûches et il faut avoir l’âme d’un coureur de fond pour ne pas s’y perdre ou s’y épuiser. C’est pourquoi, avant de me lancer à corps perdu dans cette aventure, j’ai voulu me poser les bonnes questions quant à mes besoins, mes envies, mon environnement, ma vie personnelle, sans oublier le sujet financier. Ce questionnement arrive dans une période de ma vie où je suis immergée dans l’intelligence collective, le Design Thinking et l’innovation collaborative. Alors pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable en tentant de répondre à l’hypothèse suivante :
Est-il possible d’éviter des décisions irrationnelles dans la création de mon service, grâce au collaboratif ?
Je suis convaincue que les mécanismes de prise de décision sont plus irrationnels quand les enjeux sont importants. Ainsi, je ne voulais pas que mon projet professionnel soit déterminé par mes émotions, mon histoire ou mes idéaux mais par un réel besoin du marché. J’ai alors eu l’envie de co-construire un service grâce à l’intelligence collective. Mais très vite, une question s’est posée : comment embarquer et motiver des participants qui ne sont pas de vraies parties-prenantes de mon projet ?
Retour sur les étapes clés :
1. Sélectionner les participants
N’ayant pas encore défini mes cibles, je ne pouvais pas inviter les utilisateurs finaux dans cette expérience en tant que co-participants. Ni même des associés ou mon banquier car le projet que je porte ne nécessite pas d’investissement de grande ampleur. J’ai alors décidé de m’entourer de personnes qui me connaissent dans différents environnements (études, travail, amis, famille) et en qui j’ai confiance. Chaque participant a apporté son prisme de vue sur mon caractère, ma manière de travailler, mes besoins fondamentaux et mes valeurs. Encore fallait-il que ces personnes puissent être présentes physiquement à toutes les sessions et qu’elles parlent toutes français. Cerise sur le gâteau, j’ai sélectionné mes co-participants pour leurs connaissances en entrepreneuriat, leur réseau professionnel et leur intérêt pour l’innovation et l’intelligence collective.
2. Assurer l’embarquement
La première session avait pour objectif de faire connaissance entre les co-participants, d’exprimer les attentes de chacun et les besoins pour nourrir leur engagement durant plusieurs mois. Mais c’était surtout l’occasion d’établir une compréhension commune du service que je voulais créer et d’échanger sur la co-construction des prochaines sessions.
3. Partage des règles du jeu
- Accepter le mode expérimental avec empathie et authenticité
- Ne pas se donner d’objectif final trop contraignant, tel que la présentation d’un business plan, mais se laisser porter par les itérations en cours de route
- Accepter que tout résultat soit positif et constructif, et être prêt(e) à pivoter ou à abandonner l’idée de départ
- Participer aux 3 sessions entre le mois de février et le mois de juin 2019
4. Nourrir l’engagement
Après la première session qui avait pour objectif d’embarquer les co-participants, j’ai rapidement compris que je ne pouvais pas arriver à la deuxième session « la tête et les mains vides ». J’ai donc mis en place plusieurs actions pour nourrir et accélérer mon projet, telles que :
- créer mon entreprise individuelle et mes cartes de visite
- designer et faciliter des sessions d’intelligence collective
- mettre à jour ma page LinkedIn
- créer un compte pro sur Instagram
- rejoindre un réseau de femmes entrepreneures
En introduction de la deuxième session, j’ai présenté à mes co-participants cet état d’avancement pour leur faire prendre conscience des enjeux de cette expérience et ainsi pouvoir compter sur leur engagement.
5. Inclure les utilisateurs finaux
« Marie, pour pouvoir t’aider, nous avoir besoin de savoir avec qui tu as envie de travailler ». Ayant toujours été salariée, je ne m’étais jamais autorisé cette question mais j’ai surtout eu envie d’en savoir plus sur mes cibles potentielles… et vite ! Les sessions 2 et 3 ont été construites afin d’inclure des témoignages de segments cibles. Nous avons ainsi mis en commun notre réseau pour réaliser des interviews empathiques avec des PME, des multinationales et le secteur public. Cette méthode était aussi un moyen de valoriser notre travail expérimental à l’extérieur de notre groupe. Pour nous tous, ce fut un exercice nouveau et certainement celui qui a demandé le plus d’engagement. Mais le fait d’inclure des utilisateurs finaux nous a permis d’éviter de faire des fausses hypothèses et de travailler avec de la vraie data. Résultats : des surprises et une grande itération.
6. Dire Merci
Comment remercier ces personnes qui ont donné de leur temps et de leur énergie pour un projet dans lequel ils n’ont aucun enjeu professionnel ou personnel ? J’ai choisi de leur offrir une expérience immersive, unique et qui demande un certain lâcher-prise, à l’image de notre expérimentation : un dîner chez l’habitant grâce à la plateforme EatWith.
Et après ?
Après 4 mois d’expérimentation, je suis revenue sur les attentes formulées par les co-participants lors de notre première rencontre et j’espère pouvoir dire sans prétention que nous avons fait un très beau chemin ensemble ! A chaque fois, j’ai été frappée par leur engagement, leur envie de m’aider avec sincérité, et leur curiosité pour de nouvelles méthodes de travail.
Plus personnellement, cette expérience collaborative m’a poussée à passer à l’action plus rapidement que prévu mais en ayant pris conscience, de manière neutre, de tout l’écosystème entourant mon service. J’ai aussi expérimenté la triple posture « sponsor/facilitatrice/participante » et un vrai lâcher-prise face à des personnes pour qui j’ai une grande estime, et donc une certaine peur de montrer ma vulnérabilité. Plus que des personnes de confiance, je me suis construite des alliés qui m’ont permis d’assumer et d’exprimer à voix haute mon projet professionnel.
#ensembleonestplusfort