Et si le monde du travail était en fait un parcours de golf ? par Jean-Jacques Lebrun
Sport et travail se trouvent souvent associés, le premier étant pris comme modèle pour le second. Ces comparaisons prirent différentes formes et ont évolué au cours du temps. Au début du management par projet, les premières similitudes ont été identifiées entre les acteurs d’un projet et une équipe de relais d’athlétisme, courant tous dans la même direction, l’un après l’autre, mais se passant le témoin « en mouvement ». Puis, cette comparaison apparaissant trop « linéaire », sans l’idée du travail en parallèle qui permet de gagner du temps, l’équipe de rugby a été pris comme modèle où dans une mêlée, chacun est à sa place mais tous poussent en même temps dans la même direction.
La réussite de l’Entreprise passant par un travail collectif, bon nombre de comparaisons étaient donc faites avec les sports d’équipe. Ainsi, des anciens sportifs de haut niveau viennent en entreprise parler de leur pratique passée, et faire des analogies avec le management des entreprises. Il peut même y avoir collusion, lorsque des activités sportives sont proposées lors de stages de « team building » d’équipes d’entreprise, visant à se dépasser collectivement et à développer la solidarité.
Pour ma part, après avoir pratiqué de nombreux sports collectifs (volley-ball, hand-ball, aviron), je trouve énormément de plaisir à jouer au golf. Activité décrite comme snob, individualiste, « qui n’est pas un sport », le golf n’est jamais pris comme source d’inspiration pour le management d’entreprise. Et pourtant, ce sport m’a appris beaucoup de choses transposables au monde de l’entreprise (mais rien à voir avec la vidéo ci-dessous…)
Ce sport pratiqué au sein du milieu naturel est soumis à de nombreux aléas : le vent, la pluie, l’irrégularité du terrain, qui sont amplifiés par des difficultés créées par l’homme (des pièces d’eau, des zones sableuses appelées « bunkers »). Très vite, le joueur (s’il est soucieux de progresser) apprend qu’il ne sert à rien de pester, récriminer, pleurnicher contre ces éléments vis-à-vis desquels il ne peut rien. Il faut les accepter et se concentrer sur les leviers que l’on peut actionner. Que de temps gagné si une telle attitude s’appliquait dans nos entreprises !
Nous pourrions nous concentrer sur des actions pour créer de la valeur, pour satisfaire nos clients et nous y engager pleinement, et ne plus chercher d’excuse dans les taux de change, le prix du baril de pétrole, la mondialisation !
Pour la majorité des joueurs de golf amateurs, nous jouons contre nous-mêmes. Ainsi, la balle que nous devons « swinguer » est là où nous l’avons envoyée le coup précédent. Elle est immobile et ne dépend en rien d’un quelconque adversaire malintentionné ! A nous de l’accepter, et d’en tirer le meilleur profit pour le coup suivant. De la même manière, au sein de nos entreprises, être redevable de nos actions passées, les assumer sans chercher d’autre responsable que soi-même, et quel qu’en soit le résultat le prendre comme un point de départ pour aller de l’avant serait une importante source de succès.
A l’exception des compétitions internationales, il n’y a pas d’arbitre au golf. L’honnêteté amène donc le joueur à valider son coup, s’autoriser le droit de rejouer, même de se pénaliser, voire, en compétition, de solliciter de son propre chef l’avis d’un arbitre en cas de doute. Je ne ferai aucune comparaison avec la vie en entreprise mais je suis certain que cela évoquera chez chacun d’entre vous une situation rencontrée…
Les golfeurs n’étant pas des êtres parfaits, quelques règles de bienséance sont réunies dans « l’Etiquette ». Elles sont souvent issues du respect du terrain et des partenaires. Un golfeur débutant doit les connaitre et les appliquer sur le parcours afin d’obtenir le permis de jouer qui s’appelle la « carte verte », devenant ainsi un gentleman sur le parcours. Et là encore, le respect n’est-il pas essentiel en entreprise, sous toutes ses formes : respecter ses clients, respecter ses collègues, respecter ses engagements… Mais contrairement au golf, aucun « permis au Respect » n’est exigé lors d’une embauche en entreprise…
Aussi, si je ne devais retenir qu’une seule analogie entre le golf et mon activité professionnelle, ce serait ce Respect sous toutes ses formes.
Enfin, ce sport historiquement masculin, est pratiqué de plus en plus par des femmes, et à une vitesse qui me semble bien supérieure à celle dans bon nombre d’entreprises…
Jean-Jacques Lebrun est Directeur Innovation et R&D chez Adisseo. Il a réalisé une partie de sa carrière chez Rhodia en tant que Directeur R&D Europe puis Directeur R&D et Stratégie de la division Spécialités Industrielles. Auparavant il était directeur de laboratoire au CNRS.