Et si le retour au travail après cancer se transformait en épreuve de souffrance !

Le retour au travail après cancer reste une problématique trop sensible voire tabou qui suscite peu d'attention de différents secteurs professionnels. En effet, nombreux patients atteints d'une affection de longue durée (ALD), notamment le cancer se heurtent toujours à de multiples difficultés de réintégration au travail lors de leur reprise générant parfois une baisse de performance, une diminution de responsabilités, ou encore un refus de promotion menant à une reconversion, une retraite prématurée ou un licenciement. Ceci nous pousse à nous interroger sur le vécu des sujets concernés ainsi que l’attitude antipathique de certains collègues qui rendent parfois ce défi soi-disant condamné à l’échec.

De la résonance à la recherche d’une identité perdue

« Quand je terminerai mes traitements, je pourrais me reconstruire à nouveau » ; « j'ai hâte de reprendre mon travail, c'est dur de surmonter l'ennui surtout lorsqu'on est artisan » ; « parfois, je me perçois comme une charge lourde pour ma famille… j’attends toujours l’avis de mon médecin traitant pour savoir si j’aurai encore une fois la chance de retourner travailler » ;  « Suis-je capable de bosser… vous pensez vraiment que je serai la bienvenue après toute cette rupture et les transformations que j’ai subi ?» ; « je ne veux pas qu’on me traite comme un objet de pitié ».

Le récit des sujets consultés apporte un éclairage fondamental dans la compréhension de leur vécu psychique, il en ressort qu’une multitude de contraintes affectent plus ou moins directement la période de transformation du statut de patient à celui d’employé apte aussi bien au plan psychologique que physique. Une reprise souvent souhaitée mais difficile à vivre à la fois. À ce titre, nous allons essayer de fournir certains renseignements que nous jugeons nécessaires à la préparation de cette période qui peut également être une opportunité pour reconfirmer sa confiance en soi, en ses compétences, confiance qui permet au sujet de remonter le moral et de briser l’image stéréotypée de personne invalide.

La phase de transition présente -t- elle un risque de rechute ?

Retentissement psychologique, fatigabilité, stigmatisation, rupture d’équilibre, isolement, crise d’angoisse, sentiment d’inutilité, honte, abandon, difficulté de mémorisation et de concentration, refus de médication, etc. sont autant de répercussions nuisibles qui marquent la période d’après-cancer. Ces manifestations ne sont pas toujours prises en considération malgré le malaise qu’elles peuvent provoquer chez le sujet.

Éléments contextuels insuffisants voire inexistants

Au Maroc, nous ne disposons pas de statistiques exhaustives et fiables sur ce sujet à cause de la pénurie des études nationales et de structures de recherche accréditées ayant pour objectif d’assurer une meilleure santé et le mieux-être des populations. Ainsi, la majorité des demandes de reprise du travail sont étudiées d’une manière personnalisée par les dirigeants et bien selon des dispositifs internes de suivi et d’accompagnement multi-variés rendant difficile une éventuelle évaluation de leurs progrès. Cela peut être attribué également aux spécificités de chaque politique organisationnelle qui règne au sein des milieux professionnels.

Que dire le code du travail sur les ALD ?

Quant au nouveau code du travail Marocain, les maladies chroniques ne figurent pas dans les sections abordées seulement les maladies professionnelles ce qui interprète qu’on est face à un vide juridique pouvant entraîner des décisions administratives extrêmement sévères telle la privation de salaire. C’est d’ailleurs dans ce genre de situations que surviennent les rechutes de dépression.

Généralement, lors de l’hospitalisation, les sujets souffrants peuvent bénéficier d’un arrêt de travail de longue durée (supérieure ou égale à six mois). Or, au cours des suivis ambulatoires de certains types de cancer dont le traitement est un peu réduit dans le temps comme par exemple le cas de cancer du sein qui représente selon le Ministère de Santé 20% de l’ensemble des cancers (compris les deux sexes) et 35,8% de tous les cancers féminins, susceptible d’être guéri s’il est dépisté tôt. Dès lors, il est possible d’opter pour le mi-temps thérapeutique qui signifié un aménagement temporaire des horaires du travail, appelé aussi temps partiel thérapeutique afin de récupérer en douceur.

Quels conseils pratiques suivre pour gérer l’épreuve du travail après-cancer ?

Pratiquement, il est indispensable pour les patients de bien :

- Préparer leur retour à l’emploi on faisant une visite de pré-reprise à la présence d’un psychologue du travail, médecin du travail, responsable de ressources humaines ou supérieur hiérarchique bienveillant ;

- Demander une adaptation des conditions de travail ;

- Solliciter de nouvelles sessions de formation ;

- Accepter les témoignages de bienveillance et de soutien ;

- Suggérer le télétravail comme alternative (exercer une activité professionnelle à distance voire à domicile en dehors de l’entreprise en utilisant des outils technologiques de l’information et de la communication) ;

- Suivre des séances de groupes de parole, méditation ou de relaxation, cela permet de se rassurer, changer les idées, stabiliser l’humeur et de reprendre le travail efficacement.

Il est temps de changer les mentalités …

De leur côté, les managers doivent dénoncer fortement les propos discriminants et de songer à prendre des décisions disciplinaires à l’égard des salariés qui manquent d’empathie avec cette population. L’organisation des tables rondes et des journées de sensibilisation autour de cette problématique peut jouer un rôle colossal dans le recadrage des comportements aberrants ainsi que dans la réussite de cette transition.

Dans la même perspective et pour bien répondre aux demandes particulières des sujets concernés, une étude qualitative à caractère anonyme a été dédiée à toute personne qui a vécu le combat d'un cancer et qui s'apprête à retourner travailler. Si l’un (e) de vos proches, collègues, amis ou voisins est concerné n’hésitez pas à lui proposer de venir partager son expérience, libérer les blocages afin de reprendre le rythme de sa vie professionnelle.

Si vous avez des questions, veuillez nous contacter via l’adresse e-mail suivante : travailaprescancer@yahoo.com