Et si vous faisiez carrière dans l’industrie?
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Et si vous faisiez carrière dans l’industrie?

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Par Gaëlle Coursel

Délocalisations, pollution, travail à la chaîne… L’industrie souffre d’une mauvaise image auprès des salariés français. Pourtant, cette année, un tiers des entreprises de notre dernier classement Top Companies 2024, qui recense les sociétés de plus de 5.000 salariés offrant le plus d’opportunités professionnelles, sont issues du secteur industriel. Alors, peut-on vraiment faire carrière dans l’industrie? Réponse avec plusieurs experts du secteur. 


“L’industrie, c’est sale, c’est moche, et ça pue. Voilà ce que pensent la majorité des gens”, déplore 👔 Yann Nabusset 🦞 AMALO RECRUTEMENT dans un post sur LinkedIn. Depuis dix ans, ce recruteur met un point d’honneur à redorer le blason des entreprises industrielles françaises. Et il n’est pas le seul. En février 2023, les acteurs de l’industrie tricolore ont lancé une ambitieuse campagne de communication portée par le slogan “Avec l’industrie, on a un avenir à fabriquer”. L’objectif? Renforcer l’attractivité de ce secteur. “Les jeunes ont une image déconnectée de la réalité. Or, depuis les années 70, l’industrie a beaucoup évolué”, explique le spécialiste Olivier Lluansi , chargé par le gouvernement d’une mission sur la renaissance industrielle de l’Hexagone. 

L’industrie française revient de loin. Ces cinquante dernières années, sa part dans le PIB national est passée de 20%... à 9,5% (chiffres 2022). Près de 2,5 millions d’emplois industriels ont été détruits sur cette période. “Avec la crise sanitaire, la crise logistique et les difficultés d’approvisionnement, la guerre à nos portes, les Français ont pris conscience que fabriquer chez nous ou proche de chez nous pouvait être un sujet important”, constate le président de France Industrie Alexandre Saubot , lors d’un live sur LinkedIn. Depuis 2020, une politique industrielle plus volontariste a permis de redresser progressivement la barre. Verkor à Dunkerque, STMicroelectronics à Crolles, Novo Nordisk à Chartres… Les annonces d’investissements industriels pour la construction de méga-usines sur le territoire se sont ainsi multipliées. En 2023, le solde des ouvertures nettes d'usines était ainsi de 201 contre 176 en 2022, selon le nouveau baromètre de la Direction générale des Entreprises publié en mars 2024. 

Verkor vient d'annoncer le recrutement de 1.200 personnes d'ici 2027 pour la construction de sa gigafactory de production de batteries électriques à Dunkerque.

Si la crise énergétique rend cette réindustrialisation encore fragile, les besoins en main d'œuvre explosent. 60.000 emplois sont actuellement vacants dans le secteur. Selon le ministre délégué chargé de l’industrie Roland Lescure , 1,3 million d’emplois seront même à pourvoir dans les dix prochaines années. “La digitalisation, la transition énergétique et la modernisation de notre outil industriel créent une dynamique favorable”, analyse la recruteuse de Michael Page France MOURIER dans un post. “Il y a aussi un enjeu de transition démographique. Près de la moitié des salariés de l’industrie ont plus de 45 ans. Il y a un énorme besoin de transfert de compétences”, ajoute Stéphanie Lagalle-Baranès , directrice générale de l’ OPCO 2i , un organisme qui accompagne les industriels sur les questions de formation. 

Outre les recrutements, les perspectives de carrière dans l’industrie se multiplient. Ainsi, un tiers des entreprises de notre dernier classement Top Companies 2024, qui recense les sociétés de plus de 5.000 salariés offrant le plus d’opportunités professionnelles, sont issues du secteur industriel. Airbus , déjà présente dans le classement 2023, se positionne cette année en tête du palmarès, suivi en deuxième position par Schneider Electric . Parmi les nouveaux entrants, figurent aussi Sanofi , Safran , Air Liquide ou encore Michelin

Une diversité de métiers

Certaines industries s’annoncent particulièrement porteuses. Après 25.000 recrutements en 2023, le secteur aéronautique prévoit d’ouvrir 20 à 25.000 nouveaux postes en 2024. Quant aux filières d'énergie décarbonée (éolien, solaire, hydrogène, électrification...), les besoins sont évalués à 350.000 emplois d’ici 2030, selon un récent rapport de l’association EVOLEN . “Nous prévoyons d’embaucher 1.000 personnes en 2024, ainsi que 1.700 apprentis, alternants et stagiaires”, confirme Dominique LAURENT , DRH de Schneider Electric . Conséquence de la volonté de relocalisation des médicaments essentiels sur le territoire français, l’industrie pharmaceutique n’est pas en reste et devrait créer 10.000 emplois en 2024. 

Par ailleurs, tous les métiers sont-ils concernés? Oui, et à tous les niveaux hiérarchiques. Techniciens de maintenance, responsable de contrôle qualité, conducteur de ligne de production… La diversité des métiers “dépend des spécificités de chaque secteur et de chaque technologie ou savoir-faire (électromécanique, hydraulique, robotique, électrotechnique...)”, détaille 👔 Yann Nabusset 🦞 AMALO RECRUTEMENT dans un post. Pour y accéder, un bac pro peut suffire, mais un bac+2 ou bac+3 est recommandé. Avec des usines de plus en plus technologiques, certaines compétences numériques sont désormais requises. “Sur notre site de Dunkerque [qui produit des médicaments contre l’asthme], on parle de l'entretien de machines très sophistiquées, c’est de l'orfèvrerie”, explique Anne LOISELLE , responsable du recrutement chez AstraZeneca .

Quant aux ingénieurs, c’est simple: les industries leur déroulent le tapis rouge! “Un profil intéressant peut trouver en trois mois. Et dans certaines spécialités comme l’automatisme industriel, en trois semaines!”, confirme Julien WEYRICH , fondateur de CENTURION SEARCH | Cabinet de recrutement . Certaines compétences sont particulièrement recherchées: la cybersécurité, l’informatique, l’électrotechnique, la recherche et développement (R&D)… Selon la CDEFI - Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs , il manquerait actuellement 10.000 ingénieurs par an pour combler les besoins des entreprises. Résultat, “six techniciens ou ingénieurs sur dix sont sollicités au moins une fois par mois par un recruteur en France”, révèle la recruteuse de Michael Page France MOURIER

Des salaires attractifs

Pour attirer les candidats et retenir leurs salariés, les entreprises industrielles vantent leurs parcours de carrière. “J’ai visité une quarantaine de sites. A chaque fois, le responsable de l’unité de production ou le responsable qualité est une personne qui a commencé en tant qu’opérateur. L’industrie est très terre à terre. Si vous êtes capable, vous êtes promu”, explique Agnès Park , DRH de l’équipementier automobile Valeo . “Historiquement, l’industrie est un secteur qui fait progresser les gens, qui fait de l’insertion”, confirme l’expert Olivier Lluansi . “Avec un bon diplôme d’ingénieur, vous pouvez aussi changer facilement de poste. Pas besoin de tout plaquer! Chez Airbus par exemple, il y a des dizaines de métiers différents”, ajoute 👔 Yann Nabusset 🦞 AMALO RECRUTEMENT , qui conseille aussi de miser sur les entreprises de taille intermédiaire et les PME (voir notre classement Top Companies 2024 des ETI). 

Côté rémunération, les chiffres parlent d’eux même. Selon une étude de l’Insee, les salariés de l’industrie sont en général payés 20% de plus que dans les services, le commerce ou encore la construction. “Au sein des usines, il arrive souvent que les cols bleus soient mieux payés que certains cols blancs, à des fonctions support”, confirme Olivier Lluansi . Mais le secteur ne se prête pas aux extravagances. “Nous n’avons pas la volonté de mieux rémunérer qu’ailleurs. Les ingénieurs sont payés au juste prix du marché. Pour fidéliser, nous proposons par contre certains avantages, comme de l’actionnariat salarié”, détaille Agnès Park de Valeo . Même discours chez AstraZeneca , avec Anne LOISELLE : “Nous avons des grilles salariales et un ‘package’ attractif, avec un système de bonus, d’intéressement et de participation”.

 Enfin, reste la question des conditions de travail, qui rebute encore de nombreux jeunes diplômés. “Quand on dit ‘usine’, on pense à Germinal. Mais aujourd’hui, dans certains sites, on peut manger par terre!”, s’amuse le recruteur Julien WEYRICH . Chez AstraZeneca , la propreté est même une question de sécurité. “Nos opérateurs travaillent dans un environnement à l’hygiène irréprochable”, confirme Anne LOISELLE . Quant à la pénibilité, “elle est aujourd’hui largement allégée grâce à des exosquelettes ou des avancées technologiques”, explique Stéphanie Lagalle-Baranès de l’ OPCO 2i . Et d’ajouter: “J’ai même l’exemple d’une usine en Bretagne qui a augmenté ses cadences en journée pour permettre aux jeunes de ne plus travailler la nuit”. 

Télétravail et quête de sens

L’industrie est-elle pour autant “le nouvel eldorado professionnel”? Dans un article publié sur LinkedIn, Aurélien Gohier , directeur de la communication du cabinet de conseil spécialisé dans l’industrie OPEO , s’interroge: “Le télétravail est un critère de choix pour un jeune sur deux. Et dans l’industrie, le télétravail, ça n’est pas toujours évident”, explique-t-il. Chez Valeo , seuls certains cadres y ont accès, avec un maximum de deux jours par semaine. “On souhaite cultiver un sentiment d’appartenance et minimiser les différences de traitement. On est conscient que cela ne plaît pas à tout le monde, mais j’assume”, confie la DRH Agnès Park . Toutefois, chez Schneider Electric , le télétravail n’est plus un sujet. “Nous l’indemnisons, et l’autorisons même pour les alternants et les fonctions support dans les usines”, contrebalance le DRH Dominique LAURENT

Sur la place des femmes, des progrès restent aussi à faire. Les femmes ne représentent que 30% des salariés de l’industrie, et ce chiffre stagne depuis dix ans. Elles sont aussi très peu présentes dans les fonctions de direction (15% des comités exécutifs). Toutefois, “les grands groupes industriels ont une volonté de féminisation”, constate Julien WEYRICH . Le problème viendrait notamment d’un manque de candidates. “Les formations qui mènent à l’industrie sont trop faiblement féminisées. (...) Il ne se passe pas une semaine sans que nos clients nous demandent de féminiser au maximum nos ‘shortlists’. Et je dois bien dire que dans certains métiers, c'est encore impossible”, abonde 👔 Yann Nabusset 🦞 AMALO RECRUTEMENT dans un post dédié à ce sujet

Enfin, reste l’épineuse question écologique. Si des efforts ont été faits, l’industrie est toujours le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effets de serre, derrière l’agriculture. Pourtant, “plus aucun industriel ne conteste ou ne questionne la réalité du réchauffement climatique. (...) C’est dans l‘industrie qu’on inventera les solutions pour répondre au défi de la décarbonation et de la préservation de la planète”, argumente Alexandre Saubot de France Industrie . Comment? En “proposant des designs qui permettent d’avoir des produits plus durables (...), en vous assurant que l’on produit sans dépense énergétique inutile (...) ou que les machines de votre employeur aient la plus longue durée de vie possible”, complète par l’exemple 👔 Yann Nabusset 🦞 AMALO RECRUTEMENT . Aurélien Gohier appelle même les industriels à plus de sincérité sur le sujet. “On passe plus de temps à expliquer que l’industrie est verte comme jamais, plutôt que de dire aux jeunes: ‘Les externalités sont encore démesurées. On a besoin de votre énergie pour régler tout cela au plus vite’”. A bon entendeur.


🔍 Pour aller plus loin, retrouvez les meilleurs posts et articles sur LinkedIn des experts du secteur: 


📺 Retrouvez aussi le replay de notre live avec Alexandre Saubot , président de France Industrie et du conseil d’administration de France Travail , et directeur général d’ Haulotte ci-dessous: 



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Khalil Hathroubi

Installteur photovoltaique chez Ste alpha sol

9 mois

Je suis installateur mainteneur des systèmes photovoltaique raccordés au réseau et applicateur de revêtement du sol en résine epoxy et étanchéité et peinture industrielle et je cherche du travail sachant que j'ai 21ans j'habite à tunis et j'ai mon permis de conduire aussi je suis un désigner

Christophe PATTE

🏴☠️ J’agite et j'anime la communauté RH | Je dirige le média des Ressources Humaines : myRHline.com

10 mois

l'industrie est de toute façon l'avenir de la France, il est évident que ce secteur va se développer encore davantage dans les années à venir. La France doit rattraper son retard, suite à la destruction partiel du secteur par le passé, sur le sujet et doit aussi revoir son système éducatif pour porter ce développement

DUSEK VAQUETTE Dorothee

Responsable Achats chez Toyo Ink Europe Specialty Chemicals

10 mois

Je travaille dans pour l industrie chimique depuis le début de ma carrière professionnellement. J'ai pu constater que les métiers dans l 'Industrie sont méconnus et.malheureusement pas assez mis en avant lors de l 'accompagnement lors de l 'orientation des étudiants alors que ce devrait être le point de départ pour faire connaître tous les métiers que l'industrie propose ( la liste est très longue..)

Véronique Bru

Directrice régionale Auvergne Rhône Alpes - marché des Particuliers

10 mois

Une industrie qui recrute également suite aux récentes décisions gouvernementales : le secteur nucléaire et EDF qui va embaucher 100 000 salariés d’ici 2033. Cela représente environ 10 000 embauches par an dont 3000 cadres. Avec en particulier, des besoins dans les domaines de l'exploitation, de la conduite, de la maintenance, des études et de la formation.

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