Evasion fiscale: à qui la faute?

Evasion fiscale: à qui la faute?

Lorsqu'on évoque les pratiques et acteurs qui mettent sous pression l'économie réelle et les finances publiques, on met souvent en avant AirBnB ou Über. Pourtant, même avec l'affaire des Panama Papers, personne ou presque ne semble vouloir remettre sérieusement en cause le rôle des avocats et fiduciaires dans ce qu'ils appellent avec pudeur "l'optimisation fiscale", plus connue des Etats sous le nom d'évasion fiscale. La réalité est que s'il y a des responsables à la situation actuelle, c'est en grande partie chez ces deux acteurs qu'il faut les chercher, eux qui sont gagnants quoi qu'il arrive. Leur force, c'est de connaître la loi et trouver les failles qui permettent de la contourner. Pour eux, l'important, c'est la lettre de la loi, pas son esprit. Ce sont eux que les banques à une époque récente, mais aussi Amazon, Starbucks, AirBnB ou Über doivent remercier pour les montages financiers qui leur permettent d'évacuer les bénéfices vers des latitudes ou le taux d'imposition s'apparente au coca light. Très léger, même si on préfère ne pas savoir comment il a été fabriqué. Le plus désespérant dans l'histoire, c'est que quand les banquiers finissent par conduire l'économie entière vers la récession, ou que les journalistes qui font encore leur métier mettent en lumière les éléments d'un scandale, c'est encore une fois aux avocats et aux fiduciaires qu'on a recours pour se mettre en ordre avec la loi. Depuis que l'Etat a décidé de réguler le secteur banquier, les fiduciaires ont vu exploser les résultats de leurs activités de "compliance". Soyez assurés que les plus "novateurs" des avocats sont eux déjà en train de réfléchir à de nouveaux moyens de permettre à leurs clients d'optimiser leurs bénéfices - dans le respect le plus strict de la lettre de la loi bien sûr. Optimisation fiscale, pénal, droit de la famille, dans tous les cas, aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de renoncer à avoir un avocat. Non pas parce qu'ils apportent une plus value, mais parce que comme pour la bombe nucléaire au bon vieux temps de la guerre froide, on en a besoin pour contrer le potentiel de destruction de la partie adverse. Un nouvel équilibre de la terreur. 

Michaël CLAPSON

Créateur de contenu UGC

8 ans

Les états ont ouvert la boite de PANDORE et maintenant ils ne savent plus comment faire. Le problème est que les états eux-même et un certains nombres de politiques ont recours également à cette pratique aussi légale (et c'est bien là le problème) qu'elle est immorale. C'est d'ailleurs pour cela, outre la difficulté de lutter contre ce genre de choses, qui explique qu'on ne fait rien. Il est tout de même incroyable qu'on n'entende plus parler de Panama Papers. Je suppose que l'on doit négocier, dans le plus grand secret et grâce aux mêmes avocats qui leur ont permis de le faire, la régularisation des personnes présentes sur les documents. Et doit-on parler des multinationales qui, sous prétexte qu'elles font leur bénéfices à l'étranger, paient 0% d'impôts dans leur pays. Il suffirait pourtant de s'entendre entre les pays pour décider si telle société qui est de telle nationalité, doit payer ses impôts dans son pays. Cela sous-entend être prêt à se battre contre un lobbying riche et puissant. Il faut donc beaucoup de courage politique, et le soutien sans faille de l'opinion publique.

Michaël CLAPSON

Créateur de contenu UGC

8 ans

Le problème n'est pas forcément de payer trop d'impôts ou pas. Regardez le nombre de personnes qui font le nécessaire pour ne pas payer d'impôts du tout... Il s'agit de personnes qui s'exonèrent elles-mêmes d'impôts sous prétexte qu'ils ont beaucoup travaillé, réussi, créé des emplois, bref... Cela étant il faudra harmoniser notre fiscalité avec nos voisins européens pour éviter la compétition fiscale entre les pays. Cela sous-entend perdre une partie de notre indépendance. Mais soit on veut l'Europe soit on ne la veut pas, mais on ne peut pas la vouloir à moitié.

Jean-François ROUGÉ

Advisor, Professor, Entrepreneur, Boards Member: Business Law; Economics & Management

8 ans

Quel réquisitoire! Certes, les conseillers fiscaux ont-ils une part de responsabilité dans la situation actuelle. Mais tout leur mettre sur le dos... Vous allez loin. Comme le précise le commentaire de M. BZDRENGA, le première responsabilité repose certainement (affirmation si l'on prend l'histoire, probabilité forte si l'on se réfère à la situation présente) sur la responsabilité politique. Plus précisément sur la démission du politique et son hypocrisie (de fait, consistant à dénoncer des pratiques qu'il favorise dans ses lois). Si "la guerre froide fiscale" existe elle est le fait des législations qui l'autorisent et des autorités publiques qui ne la combattent pas vraiment. Les professionnels du droit, s'ils ne sont pas des saints, ne font pour la très grande majorité qu'appliquer le droit du mieux de leur art. Les seuls qui soit blamables sont ceux qui fraudent; les autres sont au mieux opportuniste (cequi par ailleurs est une qualité managériale) et créent, contrairement à ce que vous affirmez, une formidable plus value. La guerre fiscale fait effectivement rage. En premier lieu entre les Etats. Sans même parler des listes noires ou grises de l'OCDE, les plus grands d'entre eux cachent comme ils le peuvent leurs paradis fiscaux internes et leurs négociations secrètes avec les firmes globales qu'ils veulent attirer (pourquoi si elles ne paient pas d'impôts et ne créent que très peu d'emploi?). En deuxième lieu entre ces mêmes firmes et les Etats; mais quand ces derniers commencent à redresser la tête, force est de constater que les firmes même globales revoient leurs stratégies. Dans ce contexte on s'étonne du manque de transparence du lobbying pourtant légal... (quand par la volonté d'un président de la république dont c'était et c'est encore certainement une activité fondamentale dans le privé, il n'est pas purement et simplement nié sur le plan légal). Dans tout ça, vous avez raison au moins sur un point; les armes dont disposent la société civile pour ce protéger de tous ces abus sont beaucoup moins puissantes; du moins pour l'instant... Mais elle dispose aussi de ses artistes du barreau!

David Loquercio

🌍 Responsable du portefeuille de services durabilité pour les membres de la FER ♻️

8 ans

Bien sûr, les Etats vont plus ou moins encourager le recours aux pratiques d'optimisation et d'évasion fiscale en fonction de leurs taux d'imposition, et la France n'est de ce point de vue là probablement pas le pays le plus attractif pour les entrepreneurs. Il faut toutefois également reconnaître que pour une grande partie des multinationales, et un certain nombre de personnes fortunées, il n'y a pas de limite vers le bas du montant acceptable d'impôts à payer (je vis en Suisse où le montant des impôts est bien plus raisonnable, et la plupart des gens les considèrent tout de même comme trop élevés). Se cachant derrière "les attentes des actionnaires", il est devenu normal de rechercher des montages financiers qui tout en permettant de bénéficier du contexte d'un pays pour créer des bénéfices contribuent à les évacuer ailleurs. Créer un département de responsabilité sociale dans une grosse entreprise, c'est bien joli, mais si l'architecture générale de la même entreprise sape la capacité d'un pays à entretenir et développer ses infrastructures tout en maintenant un semblant d'équité sociale, combien de temps cela peut-il durer?

Yann JACQUIN

Directeur général chez ExpEmb | Commerce International

8 ans

Il est effectif que l'évasion fiscale est devenue une activité à part entière pour les grands groupes qui "optimisent" à tout va pour payer le moins d’impôt possible. Cette optimisation touche les entreprises, mais aussi les plus fortunés et maintenant même les ménages modestes qui optimisent en exonération et autres niches fiscales. Comme dans une démarche qualité, posons nous la question de la cause racine de cette dérive. Deux raisons liées l'une à l'autre semblent tenir la corde sans savoir si l'une vient de l'autre ou vis versa. Le consentement à l'impôt ou regard de son niveau titanesque. Prenez le cas d'une entreprise qui n'a pas accès aux marchés publiques (tailles insuffisantes, activité industrielle non acheté...), qui n'a pas accès aux aides et autres subventions y compris CIR et qui globalement fini par considérer que les cotisations obligatoires qu'on lui appliquent ne sont pas en ligne avec la redistribution qui lui revient. On peux considérer que l'entreprise n'a qu'à "allez chercher" les subventions de redistribution mais combien n'ont pas la structure et les armes pour allez chercher ces subventions. Les grands groupes ont la structure pour employer des armés de juristes et fiscalistes pour truster l'immense majorité des fonds publiques. Alors une redistribution plus juste et un niveau de prélèvement inférieur possible par des structures étatiques plus optimisées et performantes limiterons sans aucun doute se "sport" national.

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