Face cachée #5 Grégoire
- C’est quoi ton job avec Akken ?
Sur le projet SonoPluie, la balade sonore en parapluie géolocalisé, je suis sur la conception de la déambulation et l'écriture sonore. En gros, avec Pascaline Marot, nous interviewons les habitants d'un territoire pour en faire un grand documentaire en mouvement, mis en valeur par les compositions musicales de Yannick Donet. Tout le défi de ce travail d'équipe est de faire rentrer cette matière très riche et très belle dans le paysage que traverse les promeneurs pour que cela reste une expérience à vivre entraînante et passionnante.
- Tu viens du milieu du cinéma et de la réalisation audiovisuelle, qu’est-ce-qui t’a amené au média sonore ?
Vous allez rire mais au début de cette aventure, j'étais très inquiet de mettre de côté cette « grande carrière de réalisateur » à laquelle rêve tout étudiant en école d'audiovisuel !
Mais très vite, je me suis rendu compte que j'étais dans le cinéma dont je rêvais en secret : un film dont le spectateur crée les images dans sa tête, aidé d'une bande son diffusée en stéréophonie dans ses oreilles. Pour moi c'est ça le « cinéma Total ».
Ce qui est assez amusant c'est qu'en réalité, on n'est pas exclusivement dans le média sonore : ce n'est qu'un outil qui sert à replacer l'humain au cœur du paysage.
- Sur les balades sonores, tu es sur les fronts artistiques et techniques en même temps, c’est un choix, une nécessité, une passion ?
Les trois à la fois... et dans le désordre, mon capitaine !
Au tout début du projet, on ne savait pas où on allait, on savait juste que ça allait être très long.
Et comme, on touchait à quelque chose d'innovant dans le fond et dans la forme, nous avons compris qu'il y allait avoir une grande part de débrouillardise, ce qui nécessite d'être très polyvalent. Nous avons attaqué le projet sur tous les fronts à la fois : écriture sonore, textuelle, du cheminement, géolocalisation... Nous avons très vite frotté tout ça au terrain pour voir comment ça sonnait. Tout s'est alors entremêlé et les frontières sont devenues très minces entre technique et artistique.
Je me suis un temps essayé au métier d'assistant-réalisateur au cinéma. Ce qui est passionnant dans ce rôle, c'est d'être vraiment le traducteur entre une équipe artistique et une équipe technique pour que le film voit le jour. J'ai longtemps essayé de comprendre quelle était ma place dans toutes mes créations. C'est vraisemblablement à cet endroit frontière et mouvant, ni tout à fait dans l'un, ni tout à fait dans l'autre, mais assurément dans les deux à la fois.
- Petit, est-ce que tu ouvrais tes radio-réveils pour voir comment c’était dedans ?
Vous avez enquêté chez mes parents ou quoi ??? Enfant, j'étais une vrai calamité. Tout ce qui pouvait être dévissé, cachait potentiellement un secret à explorer... Je vous laisse imaginer que toutes les radios, ampli-phono et autres lecteurs VHS y sont passés à la maison. Après, ça ne m’intéressait pas plus que ça de les remonter, alors mon père planquait tous les tournevis de la maison. Mais j'ai toujours fini par les retrouver. Hinhinhin !
- Peux-tu nous raconter un souvenir qui t’a marqué lors d’une interview pour une balade sonore ?
Oh ! Après dix ans d'interview pour SonoPluie, il y en a des tonnes...
… C'est cette fermière du fin fond du Beauvaisis, qui au bout de 2h d'interview, te révèle qu'elle est aussi championne de France de pêche au gros.
… C'est ce petit garçon qui s'est fait viré de l'école et qui revend au ferrailleur ce qu'il a pêché dans la rivière du coin pour s'acheter un jour la caravane de ses rêves et partir faire le tour du monde.
… C'est cet instituteur à la retraite, qui lorsqu'il travaillait sur cette île de l'estuaire de la Gironde, montrait à ces enfants « îlouts » qui n'avait jamais mis les pieds sur « le continent », ce qu'est un autobus au travers de ses jumelles.
… et tant d'autres vécus, pas si extraordinaires au premier abord, mais qui t'accélèrent le cœur à l'instant où c'est livré sans filtre, brut de décoffrage, authentique.
- Si tu étais un personnage de fiction, qui serais-tu ?
Sans hésitation je serais SuperMixomatose, mi-homme mi-rongeur, au bonnet et au slip de lapin (en fourrure synthétique bien-sûr), aux yeux rouges injectés de sang parce qu'il n'arrête pas de dévisser tout ce qui peut se démonter dans ce bas-monde et à la pugnacité qui l'amènera à résoudre tout problème techno-insoluble... (Je sais, il a l'air un peu flippant, mais j'ai toujours eu de la tendresse pour le côté badass des héros dans les comics) !