Facebook vs C-18 : Ce bras de fer va tuer les petites et moyennes entreprises médiatiques
Dans un article précédent, j'ai parlé de la crise créée par le blocage des médias par Facebook et Google. J'ai souligné comment cela pourrait en réalité offrir des opportunités aux créateurs de contenu indépendant. J’ai aussi encouragé les journalistes à entretenir une présence en ligne forte et engageante avec leur public, pour qu’ils puissent transcender les limites traditionnelles des entreprises de presse et ainsi regagner un peu d'indépendance dans cet univers complexe.
Cependant, je n'ai pas abordé directement les problèmes de l'industrie médiatique elle-même. Après mûre réflexion, j'ai ressenti le besoin d’exposer quelques pistes de solutions pour répondre aux défis auxquels l'industrie est confrontée, en mettant particulièrement l'accent sur les petits et moyens médias, qui sont les plus vulnérables face aux changements actuels.
La loi C-18, bien qu'elle soit présentée comme une solution, est incomplète et potentiellement dangereuse.
L'approche actuelle risque de nuire gravement aux petits et moyens médias. La stratégie gouvernementale semble avoir été conçue avec les grandes entreprises à l'esprit, sans tenir compte de la complexité de l'écosystème médiatique. Elle ne prend pas en compte les besoins spécifiques des médias plus petits, qui se retrouveront tout de même écrasés par les géants de l'industrie.
Je tiens à être clair sur ma position concernant Google et Facebook. Leur comportement monopolistique et leur influence néfaste sur le paysage médiatique sont inacceptables. Leur approche n’est pas celle d’un citoyen corporatif appréciable et il est temps de prendre des mesures pour limiter leur pouvoir. Leur capacité à dicter les termes de l'engagement avec les médias et leurs moyens de pression sont des problèmes graves qui doivent être adressés.
Éviter les dommages irréversibles
Les décisions prises aujourd'hui auront des répercussions à long terme sur l'industrie.
Une mauvaise décision pourrait causer des dommages irréversibles à une industrie déjà fragile.
N'oublions pas que la loi C-18 est essentiellement un cadre de négociation. Elle vise à établir un terrain d'entente entre les médias et les plateformes numériques. Mais dans son état actuel, elle semble conçue pour favoriser les grandes entreprises médiatiques. Pour les petites et moyennes entreprises, la négociation avec les géants se résumerait dans la majorité des cas par un simple "merci beaucoup". Cette approche est profondément problématique et le combat actuel, que ce livre les titans, risque de tuer les petites et moyennes entreprises médiatiques.
Le système est cassé bien au-delà des partages de liens. La façon de facturer la publicité est au cœur du problème.
L'industrie médiatique est un écosystème complexe et interconnecté. Les besoins des petits et moyens médias diffèrent considérablement de ceux des grandes entreprises. Une légifération plus élaborée et une vision holistique des solutions est nécessaire pour aborder cette complexité.
Repenser le modèle d'affaires
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On ne pourra pas seulement accuser Facebook d'être reponssable des problèmes de l’industrie. En 2022, Facebook aurait envoyé plus de 1,9 milliard de clics aux éditeurs de nouvelles Canadien. Une industrie sérieuse et responsable a le devoir d’aussi se demander comment elle peut valoriser cet apport de 1,9 milliard de clics.
Pour ma part j’ai l’impression que le modèle d'affaires publicitaire actuel, basé sur le coût par millier d'affichage de la publicité, est inadapté. Il est impératif de repenser ce modèle pour créer un système plus équitable et durable, et cela sans égard à Facebook ou Google. Le coût par mille est devenu la notion de référence puisqu’elle est largement utilisée par les grandes plateformes du numérique. C’est une notion plus facile à comprendre et à mesurer. Par contre, elle sous-entend une performance de masse. Actuellement, le coût par mille est calculé de la même façon peu importe le territoire et le public-cible. Pourtant, il ne devrait pas être le même en région ou en milieu urbain. Chaque région et chaque média ont des besoins spécifiques. Une solution doit prendre en compte ces besoins pour être efficace.
La valeur du placement publicitaire doit être revue, démontrée et valorisée. Le coût par mille ne peut pas avoir la même valeur dans différentes régions. Une pondération en fonction de la population de chaque région est nécessaire pour établir une valeur équitable. De plus, il faut mettre en valeur l'importance pour les annonceurs d'être visibles dans les médias locaux.
Ça ne pourra pas toujours être de la faute des grands joueurs étrangers, démontrer que le placement publicitaire dans nos médias fonctionne et donne des résultats concrets est une responsabilité qui nous incombe.
Ce qui plie et ne rompt pas
La réponse à la crise des médias doit être plus élaborée et nuancée, reflétant la complexité de l'industrie elle-même. Cela signifie travailler avec les parties prenantes à tous les niveaux et développer des solutions qui tiennent compte de tous les défis.
Par exemple, en parallèle des efforts pour mettre en place la loi C-18, les instances gouvernementales, régulatrices et l'industrie doivent travailler activement à une réforme du modèle d'affaires publicitaire. Comme je le disais ci-haut, le modèle actuel, basé sur le coût par millier d'affichages, est inadapté.
Donc
Plutôt que de mettre tous nos espoirs dans un combat inégal avec ces géants, une réforme du modèle publicitaire permettrait d’alléger le bras de fer et de trouver une solution plus équilibrée et durable. Cette réforme doit prendre en compte les besoins spécifiques des différents acteurs de l'industrie, y compris les médias locaux et régionaux, et chercher à établir un terrain d'entente qui profite à tous, plutôt que de provoquer une dynamique de confrontation et jouer toutes nos billes sur des solutions qui favorises uniquement les grandes entreprises médiatiques.
La solution réside dans une approche holistique et diversifiée qui tient compte de la complexité de l'industrie. Une responsabilisation de notre industrie et la réglementation et l'équilibre des prix des achats publicitaires devra peut-être être considéré pour sauver nos médias.
EDIT 31 octobre 2023 : Très interessant : Reculer sur C-18? Des patrons de presse se prononcent
Stratège numérique, producteur, concepteur, réalisateur et formateur agréé
1 ansReculer sur C-18? Des patrons de presse se prononcent https://ici.radio-canada.ca/info/videos/1-8842463/reculer-sur-c-18-patrons-presse-se-prononcent?utm_source=substack&utm_medium=email
Cofondateur de Podpass agence média | Fondateur des productions go-script média | Auteur -scénariste & formateur en scénarisation audio |
1 ansAhhhh l'illustration est tellement bien faite... Article qui voit juste aussi sur ces enjeux. Il semble que plusieurs «petits» médias se soient inquiétés de cette posture frontale avec le projet de loi mais qu'ils n'aient pas été écoutés...
Étudiant à la maîtrise en média expérimental
1 ansLe coup par mille, j’ai déjà eu des discussions là-dessus avec les membres de l’ARCQ, Radio Unie Target et MPV Radio. Pas facile la gestion du changement 🤔. Jonathan Cyrenne pourrait te parler de ses stratégies innovantes à Country Pop. Il faut d’abord y croire.