Faire classe dehors : le végétal au service de l’éducation
Les visiteurs du salon « Jardins, jardin », organisé début juin à Paris au Jardin des Tuileries, ont pu y découvrir une cour d’école végétalisée. Aménagée par Carré Serre-Les jardins de Gally et Manutan Collectivités, cette installation a permis de visualiser et prendre réellement conscience des atouts de cet espace pour les enfants et les équipes pédagogiques. Une conférence sur le thème « Faire classe dehors » était également proposée à l’occasion du salon : soulignant l’importance d’intégrer la nature dans la cour de l’école, cette table ronde a aussi rappelé les défis d’un tel projet.
Il a plu à verse cette matinée du 8 juin à Paris : sur le salon « Jardins, Jardin », au cœur du Jardin des Tuileries, les allées en sable sont boueuses à certains endroits. Mais sur le stand de la Ville de Saint-Ouen-sur-Seine, qui reconstitue une cour d’école végétalisée, l’espace « faire classe dehors » est resté propre et sec. Cette expression, « faire classe dehors », prend tout son sens quand on observe cette installation, composée d’une pergola transparente qui protège un traditionnel tableau en ardoise et des assises d’extérieur légères et multicolores, faciles à déplacer et à nettoyer. L’ensemble de l’aménagement démontre sa faculté à accueillir les élèves en extérieur même quand la météo est considérée comme « défavorable ».
La cour se compose d’autres zones d’activités, avec des tables-bancs en bois, des composts et des hôtels à insectes de différents formats, des tours de jardinages et surtout un potager, où ont déjà fleuri d’appétissants poivrons et tomates cerises.
Tout est accueillant et attrayant. On se réjouit d’avance pour les élèves qui profiteront de ce cadre idyllique : cette installation est en effet destinée à intégrer une école de Saint-Ouen à la rentrée de septembre 2022.
« Cet exemple de cour d’école végétalisée illustre bien la problématique d’un tel projet d’aménagement », souligne Bertrand Chavanel, responsable Education et Numérique chez Manutan Collectivités. Il intervenait à l’occasion du salon au cours d’une conférence intitulée « Faire classe dehors : Le végétal au service de l’éducation, des Forest Schools aux cours d’école plantées ». Il explique : « Pour aménager cet espace dans le Jardin des Tuileries, nous nous sommes adaptés aux contraintes du lieu, et aux dimensions dont nous disposions pour le stand. Cela illustre bien la façon dont nous abordons les projets d’aménagement : l’idée n’est pas d’arriver avec un package tout prêt, mais au contraire de co-construire en fonction de l’existant et du projet de l’école, en impliquant toutes les parties concernées ».
Comment végétaliser une cour d’école ? L’importance de la co-construction
Ce n’est qu’avec cette co-construction que chacun pourra réellement s’approprier l’espace une fois qu’il sera installé. Cette bonne appropriation par les usagers peut aussi passer par des initiatives toutes simples, comme la pose de panneaux expliquant à quoi servent les différentes zones et installations.
La co-construction permet aussi à chacun de prendre respectivement sa part de responsabilité dans le projet, pour les questions d’entretien par exemple. Sabrina Decanton, première adjointe au maire de Saint Ouen, déléguée à la transition écologique, aux mobilités et à la nature en ville, précise lors de la conférence : « Un jardin, c’est vivant. Si rien n’a été pensé collectivement pour son entretien, par exemple pour son arrosage pendant l’été, il sera mort à la rentrée !»
Limiter les contraintes techniques pour les équipes pédagogiques
En se promenant sur le stand Faire classe dehors, on observe par exemple la présence d’ollas en céramique, ces « jarres » qui, remplies d’eau, sont enfouies dans la terre et permettent une irrigation continue et progressive du sol. Ce dispositif facilite le travail de la collectivité, notamment en cas de baisse de disponibilité des effectifs pour arroser les espaces végétalisés de l’école. L’idée est précisément d’éviter de se retrouver avec un jardin brûlé et inutilisable à la rentrée. C’est d’autant plus crucial que les espaces végétalisés font réellement le bonheur des enfants, « particulièrement réceptifs aux activités de jardinage », indique Sabrina Decanton. Elle ajoute que « les parents expriment eux aussi une très forte attente sur ces sujets. A Saint-Ouen, il y a des jardins ouvriers historiques, où l’on a développé des activités intergénérationnelles avec des potagers pédagogiques. Il y a aussi des activités de jardinage dans trois centres de loisirs et neuf écoles, toujours avec des potagers pédagogiques. »
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Les bénéfices de la nature pour les enfants
Rien d’étonnant à ce que les activités proches de la nature rencontrent un tel succès, quand on sait à quel point elles sont bénéfiques pour la santé des enfants. C’est ce qu’a rappelé pendant la conférence Thibaut Pinsard, fondateur de l’association Les Décliques, qui organise toute l’année des « Forest Schools », sous forme d’activités extra-scolaires de deux heures dans des parcs et forêts pour les enfants de zones urbaines. Les enfants, en groupe de 6 à 10, y participent chaque fois à des jeux coopératifs sur l’écologie, des ateliers d’intelligence émotionnelle, un temps de jeu libre et un forum d’échange. Thibaut Pinsard cite quatre bénéfices principaux de l’activité en pleine nature pour les enfants :
- Gagner en confiance en soi, car de nouvelles situations se présentent, impliquant une prise de risques (modérés, évidemment) et des réussites face à ces « défis ».
- Réduire le stress, grâce à un sentiment de liberté, ce qui permet aussi d’améliorer la concentration
- Améliorer la santé générale, en renforçant les défenses immunitaires et en travaillant la motricité fine et globale (en grimpant aux arbres ou en sautant par-dessus un tronc au sol par exemple)
- Éveiller la conscience environnementale, car on ne protège pas ce qu’on ne connaît pas, pour reprendre une citation du Commandant Cousteau : il est essentiel d’apprendre à connaître la nature, le plus tôt possible.
La cour de récréation végétalisée : espace inclusif vecteur de coopération
Végétaliser une cour de récréation, c’est donc un moyen de redonner aux enfants ce contact avec la nature, sur le temps scolaire. Nicolas Brulard, responsable de Carré Serre, spécialiste des solutions d’agriculture urbaine, souligne pour sa part pendant la conférence que « dans une cour d’école végétalisée, on peut non seulement proposer des enseignements liés aux sciences de la nature (photosynthèse, cycle de l’eau etc), mais aussi des enseignements académiques, au cours desquels les élèves et les professeurs changent de posture : tout le monde doit faire preuve d’une certaine humilité car dans un espace extérieur, on ne peut pas tout contrôler. Il faut faire avec des paramètres comme la météo (chaleur, forte lumière naturelle, pluie, vent...) et les bruits ambiants ».
Thibaut Pinsard ajoute que la participation à des animations dans la nature facilite également les interactions sociales, avec des activités « plus coopératives (jardiner, construire un projet...) que purement compétitives. Cela aboutit aussi à une cour moins genrée, et plus inclusive. »
Cet aspect « social » de la cour de récréation a d’ailleurs été approfondi pendant la table-ronde. « Finalement, végétaliser la cour de récréation pourrait correspondre à un "droit d’accès à la nature" pour les enfants », a estimé Sabrina Decanton, en soulignant « l’inégalité entre les familles pour l’accès à des vacances en pleine nature ».
Consultant-Chercheur @Holiag / Paysan @Le Courtil de Quincieux
2 ansThomas Lescure