Faire fructifier l'existant plutôt que dénaturer Paris

Créer un "Central Park" au coeur de Paris pour 1,5 milliard d'euros. Déplacer le trafic des trains Eurostar et Thalys de la gare du Nord à Saint-Denis. Telles sont les (vieilles) lubies des candidats pour la Mairie de Paris. Autant d'effets d'annonce et de projets faramineux, de Deus ex machina, et de promesses de miracles urbains. 

C'est un travers très humain, et très français, que de vouloir maîtriser la nature au gré de ses caprices. Mais la révolution verte qui s'impose à nous tous doit commencer par rendre au lieu et à "l'existant" sa place, sans maltraiter le réel par des projets qui ne prennent pas en compte les couches de l’histoire, la nature et les usages. A quoi bon faire des propositions en apparence révolutionnaires quand il existe déjà à Paris un socle, des fondations, une topographie, des espaces, et des usages séculaires ? 

Pourquoi sortir du chapeau une ville nouvelle avec des travaux coûteux et pharaoniques alors que la priorité aujourd'hui est d'assurer aux franciliens et aux parisiens une continuité de parcours et une plus grande diversité d’usages, entre Paris et sa périphérie, entre le présent et l'avenir ? Doit-on rappeler que la ville compte déjà de très beaux parcs à proximité comme l’indique très justement @enlargeyourparis : le parc de Saint-Cloud, de Sceaux, du château de Versailles... ? 

Les parisiens ont le sentiment que leur ville est éventrée en tout sens. Il y a d'autres priorités aujourd'hui que celle de construire un parc urbain ex-nihilo sur un modèle a fortiori new-yorkais : rendre accessible la ville aux modes de transport doux (à pied, 2-roues), privilégier une plus grande diversité d'usages et de loisirs, et consolider les espaces verts et publics existants. 

Cette reconquête pourrait se faire en prenant en compte deux éléments fondamentaux de Paris : la Seine, et la ceinture verte. 

La Seine car elle constitue déjà un couloir de circulation, de loisirs et possède déjà de nombreux parcs et espaces publics qui la bordent, qui font d’ailleurs déjà l'objet de projets de rénovation ambitieux par des paysagistes de renom comme Kathryn Gustafson. Bien sûr l'ensemble des quais et le prolongement en dehors des limites de Paris (Bois de Boulogne, Domaine National de Saint Cloud) est à intégrer dans la réflexion pour permettre aux parisiens et franciliens de petite couronne d'accéder à des espaces urbains fluides, accueillants et de qualité. 

La ceinture verte de Paris sur les anciennes fortifications de Thiers, car elle hérite d’une succession de projet urbain et donc d’habitudes depuis des siècles. S'étendant sur 30km de l'intérieur du boulevard des Maréchaux aux limites administratives de la ville, elles servaient déjà de base à Adophe Alphand pour imaginer une ceinture verte autour de Paris. Ce grand parc linéaire créerait un lien "naturel" entre Paris et sa banlieue et permettrait de relier la Seine, les Bois de Vincennes et Bois de Boulogne, de grands parcs et des espaces verts dans et hors de Paris. 

Plutôt qu'imposer à la ville une vision théorique, totalisante voire totalitaire, adoptons une approche empirique du réel. Regardons, observons, et améliorons ce qui est déjà là.


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