Financement des PME en Afrique de l’Ouest - Formalité et semi-formalité

Financement des PME en Afrique de l’Ouest - Formalité et semi-formalité


Contexte

En 2050, la population d’Afrique subsaharienne aura doublé et dépassera les 2 milliards d’individus. Cette croissance démographique pose le défi majeur de la création d’emplois, en particulier pour les jeunes de moins de 30 ans.

La croissance actuelle, bien que forte (autour de 5%), est peu inclusive et n’apportera pas de solutions satisfaisantes à cet enjeu ; d’ici 2020, plus de 60% des 120 millions de jeunes entrant sur le marché du travail risquent de rester au chômage. Cette situation représente une menace pour la stabilité politique, économique et sociale de la région.

Comme ailleurs dans le monde, le principal levier de la création d’emplois réside dans le développement d’un tissu important de Petites et Moyennes Entreprises (PME). Toutefois, le nombre de ces dernières peine à augmenter à cause d’un non accès au financement. Ces PME sont trop grandes pour les institutions de microfinance et pas assez formalisées pour les banques traditionnelles – Elles constituent le chaînon manquant « Missing Middle ». Les montants recherchés (EUR 10.000 – EUR 500.000) rencontrent peu d’offre.

[1] L’opportunité du crowdlending pour les PME d’Afrique de l’Ouest francophone – Iroko project – juin 2016

Difficulté de définir une PME en Afrique subsaharienne

Il n’existe aucune définition acceptée par tous du terme PME en Afrique subsaharienne. Certains définissent ce segment par le nombre d’employés, l’actif total ou le chiffre d’affaires. Plusieurs définitions coexistent dans la région et parfois même au sein d’un pays, ce qui ajoute à la confusion. Une définition souvent admise est celle de l’Union économique monétaire ouest-africaine (UEMOA) : les PME sont les entreprises formelles de moins de 200 salariés réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 1 milliard FCFA (environ EUR 1.500.000). Pour l’Etat sénégalais, les PME doivent posséder un effectif inférieur à 250 employés et un chiffre d’affaires ne dépassant pas 5 milliards FCFA (environ EUR 7.500.000). Pour la Banque Mondiale, les PME sont des entreprises de moins de 300 salariés avec un chiffre d’affaires inférieur à 15 millions de dollars.

Pour dépasser ces différences de vue, Gibson et van der Vaart[1], fondateurs de Small Enterprise Assistance Funds, proposent une définition relative pouvant s’adapter à chaque pays : une PME est une entreprise formelle dont le chiffre d’affaires annuel est compris entre dix et mille fois le revenu national brut moyen per capita du pays dans lequel elle opère. Cette définition désigne ainsi les entreprises réalisant un chiffre d’affaires compris entre 10.000 dollars et 1 million de dollars au Sénégal et entre 15.000 dollars et 1,5 millions de dollars en Côte d’Ivoire (données Banque Mondiale 2014). Le nombre d’employés n’est plus discriminant ce qui trouve sa pertinence dans le fait que les PME ont un degré de formalisation parfois limité et que tous les employés n’ont généralement pas de contrats salariés.

[1] Gibson, T & van der Vaart, H (2008). Defining SMEs : A Less Imperfect Way of Defining Small and Medium Enterprises in Developing Countries.


L’impossible définition du secteur informel

Une des grandes caractéristiques des économies d’Afrique subsaharienne est la place importante qu’y occupe le secteur informel.

Cette absence de définition constitue un des obstacles majeurs au financement des PME en Afrique de l’Ouest. Partant de ce constat, l’Agence Française de Développement et le Banque Mondiale ont mené, en 2012, un travail approfondi autour des entreprises informelles en Afrique de l’Ouest[1]. L’étude propose six critères qui permettent d’évaluer le degré de formalisation d’une structure. Ces critères sont les suivants :

  • Taille de l’activité : s’il y a bien une corrélation entre la taille de la structure et son statut plus ou moins informel, le critère de taille ne peut seul expliquer le secteur informel car de grands groupes peuvent avoir une activité partiellement informelle tandis que certaines micro-entreprises choisissent parfois de se formaliser ;
  • Enregistrement : les PME peuvent s’enregistrer auprès de différentes administrations ; plusieurs degrés d’enregistrement sont possibles ;
  • Sincérité des comptes : critère décisif pour apprécier le niveau de formalisation mais complexe car les documents financiers sont difficiles à authentifier ;
  • Fixité du lieu de travail : certaines activités informelles ont des lieux d’exercice fixes ;
  • Accès au crédit : en général, une PME s’étant vue octroyer un crédit bancaire traditionnel est formelle, toutefois en l’absence de garanties, même une structure formelle aura des difficultés à obtenir un crédit ;
  • Statut fiscal : à considérer selon le type d’impôt payé ou pas.

En conclusion, il n’est pas pertinent d’opposer formel et informel car il existe plusieurs niveaux de formalisation.

La combinaison de ces critères permet d’aboutir à une gradation du degré de formalité.

[1] Banque mondiale et Agence Française de Développement (2012). Les entreprises informelles de l’Afrique de l’Ouest francophone.


Quel rôle le financement peut il jouer dans la formalisation ?

L’accès au financement est un des grands obstacles qu’engendre un degré trop faible de formalisation. Par exemple, le financement bancaire est réservé aux rares entreprises complètement formelles ou capables de fournir une documentation juridique et financière complètes.

Face à ces difficultés pour les PME, des agents financiers spécialisés ont vu le jour pour répondre aux besoins non rencontrés des petites entreprises. Ces agents spécialisés ont développé une approche nouvelle dans l’analyse du risque crédit qui leur permet d’octroyer des crédits à des structures dénuées d’états financiers certifiés. Cette façon de faire permet de prêter à des structures « informelles » ou « semi-formelles » avec un niveau du risque acceptable.

Des services financiers se développent pour les entreprises ayant des degrés de formalisation limités. Ils permettent de limiter le « coût de l’informalité » que représentent les taux pratiqués par les usuriers.

L’arrivée sur le marché de nouveaux produits financiers pour les entreprises non complètement formelles est un pas en direction de plus de formalisation. Pour autant, il est primordial que ce financement aille de pair avec un accompagnement favorisant une formalisation et permettre aux entreprises d’accéder à des services financiers traditionnels et moins chers.






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