Fonctionnaires : les dossiers laissés en souffrance sur lesquels Emmanuel Macron est attendu
Par Clarisse Jay, le 11/05/2017,
Rémunérations, emploi, dialogue social, poursuite de la mise en œuvre du protocole PPCR (parcours professionnels, carrières, rémunérations), pénibilité, formation, protection sociale… la liste est longue des chantiers non achevés ou des dossiers jugés prioritaires que les syndicats de fonctionnaires souhaitent voir aborder rapidement par le nouveau gouvernement qui sera nommé la semaine prochaine à la suite de l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Alors que les organisations syndicales se montrent mitigées vis-à-vis des actions menées par François Hollande en faveur des fonctionnaires, elles attendent beaucoup du prochain gouvernement, notamment en matière de rémunération, et se montrent vigilantes quant aux objectifs d’Emmanuel Macron de supprimer d’ici à 2022 120 000 postes dans la fonction publique de l’État et la territoriale.
"Je suis persuadée que le nouveau quinquennat doit débuter sur une grande réflexion sur les services publics. La fonction publique ne se réduit pas à des chiffres. Toutes les actions lancées par le gouvernement actuel en matière de revalorisation (dégel du point, protocole PPCR, Rifseep), d’égalité professionnelle, de laïcité, de diversification d’accès, de déontologie ou encore d’innovation avec 'Ma fonction publique se réinvente' ont bien jeté les bases de la fonction publique de demain qui doit être davantage efficace et exemplaire", estimait la ministre de la Fonction publique, Annick Giradin, lors d’un déjeuner de presse le 9 mars dernier ( lire sur AEF).
Elle aura été en grande partie entendue par le nouveau président de la République, Emmanuel Macron (auquel elle s’est ralliée en avril). Encore candidat d’En marche ! pour le premier tour de l’élection présidentielle, ce dernier fait de la modernisation et de l’accessibilité des services publics le fil rouge de la lettre qu’il a adressée aux agents publics mi-avril (lire sur AEF) se disant conscient que "des services publics efficaces et de qualité sont indispensables à la cohésion sociale, à l’égalité républicaine, à la croissance économique".
CONTREPARTIES
Pour autant, s’il propose aux agents de l’État d’organiser "ensemble […] le retour des services publics dans ces territoires, avec le soutien des associations et en impliquant les habitants dans les décisions qui les concernent", de continuer "à adapter avec [eux] l’accès aux services en fonction des contraintes et des attentes nouvelles des usagers", de développer les services numériques, d'"améliorer [les] outils de travail", "d’alléger les procédures", de donner "plus d’autonomie aux administrations locales dans la gestion des équipes et des budgets", il attend en contrepartie "une évaluation plus claire de la performance", "le non-remplacement de 120 000 départs à la retraite" et la réduction des recrutements ("sans dégrader la qualité du service public") et compte "s’attaquer" aux "rigidités" du statut, "ouvrir le service public par le recrutement sur contrat dans certaines fonctions", "introduire davantage de rémunérations au mérite et aligner tous les régimes de retraite.
La future équipe gouvernementale devra donc composer avec les exigences des organisations syndicales qui ne priorisent pas les mêmes dossiers même si plusieurs d’entre elles jugent nécessaire une réflexion, préalable à toute réforme, sur les missions et les services publics. D’une part parce qu’elles se montrent quelque peu mitigées quant aux actions du quinquennat Hollande, limitées par les contraintes budgétaires ; d’autre part parce que plusieurs dossiers sont restés en souffrance faute de temps.
Plus largement, à l’instar du sociologue Luc Rouban (lire sur AEF), plusieurs d’entre elles estiment qu’au-delà des mesures essentiellement techniques qu’ont été le protocole PPCR et le dégel du point d’indice, il a manqué à la présidence de François Hollande "une vision".
"PRENDRE LE TEMPS D’ÉLABORER UN AGENDA SOCIAL"
Annick Girardin elle-même en a conscience, qui estime certes dans la feuille de route qu’elle a diffusée le 21 avril dernier (lire sur AEF) à l’intention du prochain gouvernement que celui-ci ne pourra pas faire l’économie 'd’états généraux' du service public", mais l’invite également à engager "trois chantiers" sur la politique salariale, pour laquelle elle préconise la tenue d’un rendez-vous salarial "dès juin 2016", la réforme du dialogue social et l’agenda social.
Définir une vision sur la fonction publique et les services publics, préserver le dialogue social et mettre en œuvre un agenda social apparaissent de fait en tête des priorités. "Nous espérons que ce gouvernement ne commencera pas d’entrée de jeu avec des mesures techniques et ponctuelles mais avec une feuille de route.
Nous avons besoin d’un cap", insiste ainsi Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. La FA-FP souhaite pour sa part "voir mis les services publics au cœur des enjeux de société", indique son président Bruno Collignon.
Pour Luc Farré, qui dirige l’Unsa Fonction publique, "le point premier est le dialogue social" : "Il faut poursuivre le dialogue social avant toute réforme et toute modification touchant les agents et expliciter les projets afin que les agents soient en mesure de connaître parfaitement leurs missions et leurs évolutions."
Avec comme action préalable, selon Mylène Jacquot, à la tête de la CFDT Fonctions publiques, l’élaboration d’un agenda social. "Les organisations syndicales ont toutes leurs axes de revendications qui ne font pas forcément consensus. Il faut donc s’accorder du temps pour construire cet agenda", estime-t-elle.
DE NOMBREUX DOSSIERS NON BOUCLÉS
Parmi les sujets restés en suspens au terme du quinquennat Hollande figurent justement le dialogue social (organisation du dialogue social, bilan de la loi de juillet 2010 relative au dialogue social, rôle des instances de dialogue…), mais aussi la pénibilité et la formation professionnelle.
"Nous regrettons que la pénibilité n’ait pas été traitée en tant que telle avec tous les sujets que cela implique tels que les catégories actives, les secondes parties de carrière, les mesures de reconversion et de prévention", observe Bruno Collignon, rappelant que l’ordonnance relative au CPA dans la fonction publique, que le gouvernement a enrichie de mesures de prévention à la demande des syndicats (lire sur AEF), "ne règle pas la question". "Contrairement au privé, le statut oblige les administrations à maintenir les agents en activité jusqu’à l’âge de la retraite, ce qui rend nécessaire leur gestion", rappelle-t-il.
Même avis de la CFDT, qui espère aussi voir intégré au CPA le compte épargne temps et qui plaide, à l’instar de la FA-FP, pour que soit mené le chantier de la protection sociale complémentaire.
La FSU insiste par ailleurs sur le volet formation, "pas assez abordé" jusque-là. "C’est le parent pauvre de la fonction publique, en particulier au sein de l’Éducation nationale", pointe Bernadette Groison, estimant qu’il faut aussi davantage "accompagner les agents publics".
Au menu des sujets lancés sans avoir été achevés ou entièrement réglés, la représentante de la FSU cite également l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l’apprentissage dont les organisations syndicales attendent un bilan ou encore la diversification de l’accès à la fonction publique.
UN NOUVEL EFFORT ATTENDU SUR LES RÉMUNÉRATIONS
Mais c’est surtout sur le front des rémunérations que les revendications sont fortes. Alors que la plupart des organisations syndicales jugent insatisfaisante l’ampleur de la revalorisation de la valeur du point consentie sur 2016 et 2017 après 6 années de gel (lire sur AEF), elles attendent de pied ferme le rendez-vous salarial annuel 2017 prévu par le protocole PPCR (sachant que le principe d’un rendez-vous salarial annuel avait déjà été acté par les accords de Bercy de 2008), la plupart espérant la poursuite de la revalorisation du point d’indice, certaines organisations syndicales réclamant un plan de rattrapage salarial.
Enfin, celles qui ont "signé" le protocole PPCR attendent que le prochain gouvernement s’engage sur la poursuite de sa mise en œuvre jusqu’à son terme, en 2020.
Le gouvernement pourrait cependant ajouter à cette liste d’autres chantiers qui n’ont pas été menés de front sous François Hollande, tels le temps de travail et les moyens de lutte contre l’absentéisme, traités récemment par de simples circulaires (lire sur AEF).
Quant aux 120 000 suppressions de postes prévues d’ici à 2022 et à la mise en place d’un régime universel de retraite, elles devraient tendre les relations entre agents et gouvernement.
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Inspecteur de salubrité, SCHS Ville de Dijon
7 ansConcernant la pénibilité, certes il est dommage que la fonction publique ne soit pas traitée comme le secteur privé, mais il est à noter que le décret du 9 octobre 2014 a très largement édulcoré cette notion de pénibilité. Les seuils et durée d'exposition sont difficilement atteignables. Qui travaille 900h par an à des températures inférieures à 5° C ou à plus de 30°C, ou qui porte des charges unitaires de 15 kg 600h/an. Si on ajoute à cela la prise en compte des EPI (équipement de protection individuel) il ne reste plus grand chose.