Former à la stratégie du développement durable
Expliquer le métier de Consultant et Enseignant en Stratégie du Développement durable, en quatre questions.
Quel parcours vous a amené à enseigner le développement durable… ?
Après avoir accompagné plusieurs start-ups suédoises du secteur des technologies propres dans leur développement commercial en France (énergies renouvelables, traitement de l’eau et assainissement) et m’être lancé dans la création de plusieurs entreprises… qui ont toutes été des échecs (solution de détection de pollution dans l’eau, logiciels de reporting extra-financiers, technologie pour piloter son chauffage à distance, etc.). Aujourd’hui, je suis bien placé pour parler des freins et obstacles à agir en entreprise pour le développement durable…
En proposant le “ + “ développement durable, on est mis face aux réalités, c-à-d les difficultés de l’entrepreneur, mais en plus de cela, on propose un produit/solution pour lequel le marché n’est souvent pas structuré (coût initial de la solution, formation, contexte de la mise en oeuvre) … Par exemple, les solutions que je proposais étaient généralement “curatives” (ou “incrémentale”, end-of-the-pipe)… plutôt que “préventives” (“disruptive”, upstream thinking) qui “renouvellent la manière dont on fait son métier”. Car aujourd’hui, on a besoin de changer de modèle : Comme Enercoop ou Planète OUI (dans l’énergie), La Ruche Qui Dit Oui ou Le Court Circuit (dans l’agroalimentaire), GECCO ou Phénix (dans l’énergie/déchets), Patagonia ou la Gentle Factory (dans le prêt à porter), etc.
J’ai alors suivi une formation, en Suède, qui place les organisations existantes aujourd’hui en situation d’innover par elles-mêmes… pour qu’elles continuent à exister demain. Aujourd’hui, il existe des clés pour accompagner des “entrepreneurs responsables” et des entreprises qui cherchent à évoluer, à se ré-inventer… à contribuer à cette transition tout en répondant aux enjeux d’évolution, et créent de la valeur par : les usages, leurs process industriels, leur modèle économique, le levier du RH/management et organisationnel, enjeux sociétaux, ou leur communication.
Alors quelle différence entre la Suède et la France ?
Partout dans le monde, pour avoir assisté à de nombreuses conférences sur le développement durable ou la transition — le discours des professionnels génère souvent de la confusion : On oublie un peu le “story-telling” (ces histoires inspirantes…) et privilégions le jargon, les concepts, la distance des experts “descendante”, ce côté institutionnel et des effets d’annonce (réduire de 20% les GES, l’utilisation de pesticides, etc. ce qui n’est parfois pas suffisant…). Cela semble souvent compliqué ou contraignant, face à la menace…
Or il y a toujours une manière d’avancer, et commencer par des petits pas “step by step”.
En Suède, sans non plus idéaliser ce pays. Il y a certes plusieurs facteurs qui font qu’ils sont plus enclin à prendre en considération l’environnement: Leur proximité avec les grands espaces, la forêt et les lacs, certes (la densité est cinq fois moins importante qu’en France…). Mais, là bas, ils sont pragmatiques avant tout. 1) Législation environnementale motivée par le lien pollution — santé, 2) la transition énergétique : par les 70' chocs pétroliers, apparition de démarches progressives vers une économie circulaire… Il y a peut-être une dimension “culturelle” favorable.
Cognitive aussi, car ils ont, avant les autres, développé le “comment” des démarches de transition, qui se caractérisent par leur grande simplicité, et sont fondées sur une compréhension de l’environnement et de la société d’un point de vue scientifique.
Les freins ou obstacles à la transition, comme partout, sont de trois ordres…
— Cognitifs (liée à notre compréhension du monde et notre niveau de connaissance, en terme d’ingénierie, technologique, etc),
— Culturels (a t-on envie ? se fait-on confiance?), et…
— Structurels (la législation nous permet-elle de…?).
Passer au-delà de ces barrières, c’est aller des confusions et des menaces, aux compétences et à l’inspiration…
Mais vous qui êtes formateur, à l’émergence de quelles nouvelles compétences vos cours contribuent-ils ?
Oui, les scientifiques disent qu’il faut le faire… et toutes les solutions existent aujourd’hui… donc, la question est surtout : comment-fait-on ? Quand j’ai face à moi un public d’étudiants, je ne leur présente pas la définition de Brundtland, celle de la commission européenne “a better quality of life for everyone, now and for generations to come” ou celle des Nations Unies, du Sommet de la Terre. qui donne peut-être une idée distante, presque utopiste parce que “non-opérationnelle”, de ce qu’est le développement durable.
Sur le fond, mes interventions ont pour but de sensibiliser aux opportunités qu’il y a à engager une démarche de développement durable. C’est donc lever les freins culturels.
Sur la forme, je vais chercher à mobiliser des compétences qui s’apprennent mais qui ne s’étudie pas / qu’on ne peut enseigner autrement qu’en les faisant pratiquer : Par exemple “renouveler notre manière de penser” en encourageant la perspective “systémique”, l’interdisciplinarité,… “Collaborer”: en permettant de définir une vision commune, de communiquer, de se motiver… et au “niveau individuel”: être créatif, s’inspirer, avoir de l’empathie… etc cetera… Encourager le développement de compétences adéquates pour s’engager sur le chemin de la transition.
Mais concrètement, comment faites vous ?
Je leur demande généralement, en invitant des professionnels à présenter leurs activités (quand je ne suis pas dans une entreprise), à identifier les enjeux : ce qui n’est pas soutenable, et ce qu’on peut faire… et enfin, “concrètement, qu’est-ce qu’on fait ?”…
S’appuyer sur le savoir présent dans la salle. Je n’ai pas besoin d’être un expert en matériau pour connaître les enjeux liés à la fabrication et élimination du PVC, donc pour donner cours aux étudiants d’un master en science des matériaux. Ni pour connaître les impacts et opportunités des nouvelles technologies… Mon but est de questionner, et arriver à des projets qui réunissent et motivent la collaboration entre parties-prenantes.
Par exemple, pour un client, je me suis retrouvé face à un expert interne… dans l’agroalimentaire. Il était beaucoup plus pointu que moi. Mais j’ai pu questionner les limites fixées sur sa filière en terme de développement durable, et favoriser une compréhension des enjeux par ses collaborateurs, et engager une réflexion pour aller au-delà.
Je suis consultant-enseignant en stratégie du développement durable, c’est une double-posture :
1. approche d’expert sur les fondements scientifiques du développement durable, les outils et concepts, les démarches associées au développement durable…
2. rôle de facilitateur, celui de la gestion de projet, avec une dimension collaborative, aussi bien sur des de planning stratégique (démarches RSE, transition des territoires), qu’entrepreneuriale, ou l’innovation produit-service…
Consultant, Management Qualité Sécurité Environnement Filières Agricoles et Agroalimentaires
7 ansBenoît XII, content de te voir au "plein cœur" d'une animation et je suis d'ailleurs curieux de découvrir tes outils et on se sait jamais? A très bientôt cher Benoît.